L’écrivain Rachid Oulebsir : « On ne peut parler de couscous « Patrimoine culturel » si on ne travaille pas sur la sauvegarde de l’agriculture biologique »

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L’Algérie s’apprête au nom de tous les pays du Maghreb à déposer un dossier à l’Unesco pour l’inscription du couscous au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. A cette occasion, nous avons interrogé l’écrivain et chercheur en patrimoine culturel, Rachid Oulebsir, sur la portée de cette démarche et sur l’histoire de ce plat très populaire en Afrique du nord et même ailleurs.

Un dossier portant inscription du couscous au patrimoine immatériel mondial sera déposé prochainement à l’Unesco par l’Algérie au nom des pays de l’Afrique du nord. Quelle réaction cela vous fait ?

Inscrire une tradition, une pratique sociale, un rituel, un savoir-faire à l’UNESCO est devenu une banalité de nos jours. Ce n’est pas tant l’inscription qui constitue un événement, mais ce sont les retombées de cette inscription en termes de sauvegarde et de transmission de la pratique et de tout son environnement en amont et en aval, aux générations juvéniles qui posent problème. On ne peut parler de couscous « Patrimoine culturel » si on ne travaille pas en amont sur la sauvegarde de l’agriculture biologique de nos vieux paysans et de leur gastronomie globale.

De quel couscous parle-t-on ? Quel couscous sera proposé à l’inscription dans le patrimoine culturel immatériel de l’humanité ?

Le couscous c’est d’abord la semoule roulée à la main suivant un rituel établi depuis des siècles. C’est le couscous authentique issu d’une vieille tradition, d’un savoir-faire avéré, roulé à la main à partir de céréales bio et dans des plats de bois, tamisé avec des tamis à trame de fils de cuir, séché au soleil déclinant de l’après-midi et conservé dans des poteries de marne fabriquées à la main. De nos jours le couscous est roulé par une machine à partir de céréales importées bourrées de pesticides.

De quelle recette, parle-t-on ?

A vrai dire nous n’avons pas la feuille de route de cette inscription qui n’est pas une fin en soi. Avant de sauver le couscous, il faut sauver les variétés locales de céréales, les graines, les savoir-faire, l’univers paysan authentique, ses pratiques alimentaires, sa culture, sa gastronomie et son imaginaire global. Nous n’avons pas le dossier de l’inscription en mains pour aller dans le détail de l’évaluation.

Quelle est le véritable pays d’origine du couscous, et sous quelles appellations est-il connu anciennement et aujourd’hui dans les pays de l’Afrique du nord ?

Le couscous remonte aussi loin que la civilisation Amazighe, soit plus de 3000 ans avant notre ère. La traçabilité du Couscous est difficile à établir, mais à l’évidence il est apparu dans les zones géographiques céréalières, principalement en Afrique du Nord considérée comme le grenier à céréales de Rome et affiné par la civilisation urbaine. L’histoire a retenu que les sultans du moyen Orient envoyaient des émissaires pour acheter des cartouches de couscous comme médicament pour les problèmes de digestion et comme fortifiant alimentaire. Dans le Moyen Age, Il faisait partie de la pharmacopée traditionnelle des citadins qui se faisaient livrer le couscous de blé complet et d’orge complète par les paysans des vallons de montagne et des hauts plateaux. Il existe une très grande variété de couscous. On y trouve différentes préparations d’un pays à un autre et d’une région à une autre.

Quelle est la variété du couscous que vous estimez comme la plus représentative de l’Algérie ?

Il y a diverses appellations, Seksou , Kseksi , Kouskous ….A côté de cette dénomination générique , on évoque des couscous suivant la céréale utilisée . Avervouch ou Berboucha , est d’orge complète , Iwzan , est un couscous de gros blé concassé , Asgel est un mélange de plusieurs céréales , Berkoukès est roulé avec toutes les sortes de céréales…

Il y a bien sûr, le couscous en sauce, le couscous sec aux légumes à la vapeur, le couscous au lait, le couscous aux fèves sèches, etc. Il y a plus de 30 variétés de couscous. La préparation la plus représentative n’est pas une affaire régionale, mais une question de savoir-faire. Le couscous dont la préparation remplit un certain nombre de critères est le meilleur qu’il soit préparé à Azazga, Alger, Tlemcen, Constantine ou Bgayet . Il s’agit donc de s’entendre sur ces critères et ces conditions de préparation de ce couscous.

Quelles autres spécificités gastronomiques algérienne qui peuvent être inscrites à l’Unesco?

La gastronomie algérienne est d’essence paysanne, mais elle a subi plusieurs transformations citadines avec le temps et la sédimentation d’apports de colonisations successives qui l’ont améliorée et enrichie, elle est d’une diversité inouïe. Chaque région possède son plat fétiche qui l’identifie. Il faudra faire l’inventaire de cette gastronomie et arrêter une dizaine de plats représentant notre art culinaire. C’est au ministère du tourisme d’accomplir cette tâche en urgence. Une fois l’inventaire dressé, la gastronomie connue, on mettra en évidence l’originalité, voire l’unicité de certaines préparations qui pourraient éventuellement participer de la transmission du sentiment d’appartenance à une communauté culturelle que l’on appellerait l’Algérie.

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