Entretien avec l’expert Menouer Abada : « Les déchets sont une source importante d’emploi et de revenus »

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Menouer abada est un environnementaliste, diplômé de l’école nationale supérieure de l’hydraulique (ENSH). Ses travaux portent sur la pollution, le traitement des eaux et le développement durable. Il se veut innovant en processus de traitement et de valorisation des déchets liquide et solide. Il plaide depuis plus d’une dizaine d’années pour la démarche participative dans la gestion intégrée des déchets ménagers et la promotion du développement local durable. Dans les conférences qu’il anime un peu partout à travers le territoire national, il insiste sur l’impérieuse nécessité de valoriser et d’industrialiser les déchets qui peuvent générer de substantiels intérêts économiques pour le pays. Pour lui, une bonne gestion des déchets et une économie basée sur le concept du développement durable sont des remparts contre les changements climatiques et d’autres risques majeurs.

En tant qu’expert, comment expliquez-vous la présence et la pullulation des déchets et l’existence de décharges sauvages partout dans nos espaces sociaux (quartiers, rues, cités, jardins, plages….) ?

Comme toute problématique, l’identification des causes est primordiale pour aboutir à une véritable solution. En faisant une analyse psycho-comportementale et communicative, et en se basant sur les comportements et les proverbes algériens, je suis arrivé à cette conclusion : qu’après l’indépendance et à défaut d’un ennemi visible, on s’est fait l’ennemi de nous-mêmes, ce qui, évidemment, ne plaide guère pour la promotion de l’éco-citoyenneté et pour un développement socio-économique harmonieux. Notre développement s’est réalisé grâce à notre sous-sol, mais au final, qu’avions nous créé sur nos sols ?

Vous savez, une société qui écoute, qui parle et qui imagine ne peut atteindre des objectifs de développements si elle ne sort pas de l’imagination pour concrétiser ses rêves en s’appuyant sur ses compétences nationales. Aujourd’hui tout le monde pense être la solution dans son imaginaire, mais en restant inactif, indolent, improductif, il devient obstacle pour la construction de la nation. Ceci, pour vous dire que la pullulation des déchets dans nos espaces vitaux est la responsabilité de tout le monde : citoyens et administration compris. L’indifférence et l’insouciance des citoyens couplées à la permissivité et au laisser-faire des pouvoirs publics à générer cette situation qui, si elle n’est pas pris sérieusement en charge dès maintenant peut avoir à l’venir de lourdes conséquences. D’ailleurs, je tiens  à préciser, ici, que la prise en charge sérieuse des déchets est, en Algérie, une équation qui  peut produire des milliards de dollars (gestion, matières et impact), nous avons suffisamment de technologie et de savoir-faire pour réaliser cela. La véritable problématique est qui est  qui, qui peut faire quoi. Je peux l’affirmer que nous avons les moyens d’atteindre les 17 objectifs du développement durable invoqués dans les conventions onusiennes dont l’Algérie est d’ailleurs, signataire.

Votre avis sur la nouvelle stratégie du ministère de l’environnement et les projets d’Alger et de Constantine.

J’ai présenté mon projet de démarche participative dans la gestion intégrée des déchets ménagers, de leur valorisation et de leur industrialisation, le 21 décembre 2016, lors de la journée sur la caractérisation des déchets ménagers. Je pense que ce projet était pour beaucoup dans la décision prise autour du nouveau modèle économique, confiée à la talk force rattachée au premier ministre. Le ministère de l’environnement s’est inspiré de mon travail, en le dépouillant de trois choses essentielles, la société, l’élite et les objectifs. Malheureusement, on n’a pas pu créer le modèle escompté et ce, comme on peut le deviner, pour deux raisons : On ne peut d’une œuvre d’autrui en faire un modèle, et pour passer d’une production académique à une production palpable, il faut être sur le terrain et maîtriser l’art de la production. Pour le projet d’Alger et de Constantine, je dirai que la gestion intégrée a ses règles, ce n’est pas de la littérature empruntée. A voir l’évolution des choses sur le terrain, j’ai bien peur qu’à l’avenir cela ne fera que compliquer la situation économique, environnementale et sociétale. Je peux vous le dire sans risque de me tromper, une bonne maîtrise de la gestion des déchets est un travail de longue haleine ou tous les acteurs  doivent s’impliquer totalement dans leurs rôles respectifs.

Nous avons différents types de déchets chez nous mais quel est le type qui fait le plus de mal chez nous ?

Les déchets ont, bien entendu leurs classifications. Ce qui m’inquiète le plus, c’est la pollution de l’eau et des sols par les lixiviats, les rejets industriels et agro-industrie. Pour notre pays semi-aride et aride comme le nôtre, la maîtrise de la pollution et de la qualité de l’eau est primordiale. D’ailleurs, c’est l’un des défis majeurs de l’humanité.

Quelle démarche concrète et applicable sur le terrain préconisez-vous pour gérer efficacement les déchets ?

Les déchets et la pollution sont de grands problèmes internationaux, mais leurs solutions sont locales.  La gestion des déchets est une question technico-scientifique qui nécessite de hautes compétences. Pour ma part, j’ai proposé une démarche que j’ai résumée en 16 actes. Tout doit se faire autour des unités de valorisation et des pôles d’industrialisation pour en finir de manière efficace avec cette problématique. Les déchets sont des ressources économiques inépuisables à fortes valeurs ajoutées quand on sait les transformer. Selon l’étude que j’ai soumis à plusieurs responsables, les déchets est une économie de 40 milliards de dollars sur 7 ans dans la balance commerciale de notre pays.

Les rejets industriels, les margines et les grignons d’olives participent eux aussi à la pollution et au déséquilibre écologique, que faire face à cet autre  casse-tête ?

Nous sommes porteurs de solutions techniques, il est temps de passer à une gestion spatiale par bassins et sous bassin versants, pour protéger les équilibres, lutter contre l’érosion des sols et s’inscrire dans le développement durable qui est l’une de nos valeurs ancestrales.

Pour réaliser ce que vous proposez, a-t-on besoin d’une législation qui devra régir tout cela ?

Toute nouvelle structuration, nécessite un accompagnement légal, et je souhaite que la gestion des déchets ménagers soit maintenue dans le domaine public.

On vous laisse conclure…

Il faut qu’on se parle. En dehors du défi sécuritaire qui est pleinement assumé  par l’ANP, nous avons trois autres défis tout aussi importants qui sont l’eau, l’environnement et l’alimentation. Dans un avenir très proche, les changements climatiques risquent de nous jouer de mauvais tours, il faut se préparer pour y faire face, sinon bonjour les dégâts.

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