Idriss Yalaoui, consultant en économie : Comment développer le tourisme en Algérie ?

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L’expert en économie, Mr Yalaoui nous parle dans cet entretien sur la situation actuelle du secteur du tourisme à travers les différentes mesures prises par les pouvoirs publics pour son développement. Il estime  qu’il est temps de donner un bon coup sur les aspects stratégiques du développement de ce secteur qui aura des retombées certaines sur l’environnement économique de notre pays. Pour lui, la création d’un conseil national consultatif est assez représentatif du tourisme et de l’artisanat.

L’experess DZ : En Algérie la problématique de la gestion du secteur du tourisme revient en actualité avec toute une volonté du gouvernement de développer le secteur appuyée par une série de mesures qui ne semblent pas se concrétiser sur le terrain, selon les professionnels. Pourquoi à votre avis?

MYalaoui : Beaucoup d’écrits ont été consacrés au tourisme en Algérie aussi bien par des bureaux d’études, des  chercheurs que par la presse nationale et internationale. Les mêmes observations reviennent toujours sans que des mesures concrètes soient prises pour lever les contraintes objectives constatées.

Au risque de me répéter, Il faut reconnaitre qu’une  stratégie  nationale sur le tourisme a été construite par les pouvoirs publics, elle contient du bon et du moins bon, elle s’inspire en général de ce qui se fait de mieux dans le monde.

Officiellement, l’objectif de cette stratégie nationale  tend vers l’élévation du tourisme au rang de véritable industrie générant des postes d’emploi et des richesses nationales notamment par le développement de l’investissement, pierre angulaire de la stratégie touristique nationale.

Cette stratégie  souligne dans ses exposés de motifs les  potentialités touristiques de l’Algérie qui sont indéniables, plus importantes que ses ressources naturelles qui sont quant à elles épuisables. 1200 Kilomètres de cotes dont une partie paradisiaque et inexploitée correctement. Des montagnes avec une nature encore à l’état  vierge et des vues  dans des sites imprenables. Un Sahara qui est le plus grand désert  du monde qui reste encore touristiquement insuffisamment adapté aux besoins en absence de relais touristiques adaptés pour faciliter l’accès. Des vestiges de l’époque romaine pour qui le pays était un lieu stratégique par excellence et plein d’histoire que des guides bien formés peuvent raconter aux touristes et qui ne sont pas suffisamment protégés en non mis en valeur. Des musées d’arts nombreux mais méconnus.  Un paysage sublime de part sa diversité. Mais aussi, des stations balnéaires avec  toutes les commodités qui n’attendent qu’à être prises en charge et mises en valeur au bénéfice des amateurs qui sont nombreux .

Il faut reconnaitre que le secteur privé commence à prendre une part importante dans le développement de ce créneau. Des hôtels de toutes catégories du simple aux étoilés sont en train de pousser à un rythme assez correcte mais en nombre encore  insuffisant ,il faudrait pour cela imaginer  encore  des innovations telles que des motels et des relais à créer sur tout le long des autoroutes et des villages qu’il faudrait développer. Les villages de vacances à réhabiliter selon les anciens  modeles à moderniser  et ,des  terrains de camping pour compenser le déficit en chambres d’accueil des touristes et bien entendu organiser tout cela par les services de contrôles de conformité et de qualité pour échapper à l’anarchie régnante actuellement. Les idées ne manquent pas pour améliorer les choses dans un pays que l’on peut qu’aimer dés que l’on découvre, on l’aime pour son tout et surtout l’humanisme et la chaleur de sa population, un peuple entier et authentique et lorsqu’il vous adopte  cela devient de l’amitié au delà des aspects purement mercantiles et de tourisme.

Avec tous ces aspects favorables au développement d’un tourisme local ou étranger pourquoi cela ne marche pas et pourquoi nos concitoyens se bousculent  auprès des ambassades pour obtenir en visa en vue de s’évader  à cout de devises  « au coût parallèle très élevé »  et ce en dépit du niveau de vie moyen de nos citoyens qui est encore loin de celui des étrangers.

Pourquoi à votre avis les Algériens continuent à se bousculer aux frontières des pays voisins pour des séjours chez eux ?

En guise de réponse à cette question récurrente, je me suis amusé à me documenter en recherchant les travaux d’analyse  existante   et des articles de presse sur ce sujet, voici ce qui en sort :

En matière touristique, les données  ne sont  pas le résultat d’une fatalité, mais la conséquence directe des errements de responsables du  reste, n’avaient pas les qualifications et les stratégies  conséquentes  pour gérer un  secteur aussi particulier et stratégique ou se conjuguent un certain nombre de critères (politique, social, économique, sociétal  et managérial). Une politique clairvoyante a existé pourtant durant les années 70 et qui est abandonnée à partir du milieu des années 80, il suffit de revisiter l’histoire pour constater tout le bienfait qu’elle a commencé à produire pour le tourisme local notamment, un tourisme de masse qui était à la portée de tous.

Plusieurs Ministres se sont succédé à la tête de ce secteur et chaque ministre en charge de ce département  a sa part de responsabilité  dans les échecs successifs, car les  aspects positifs  sont insignifiants au regard de la disponibilité des capacités d’accueil, de qualité de service que d’environnement favorable au séjour des amateurs.

Le secteur touristique public continu ses errements en l’absence de politique clairvoyante à l’image de l’état des hôtels publics dont la qualité et l’accueil restent encore insuffisants.

Nous nous sommes amusés à regarder le coté thermalisme ou certains projets ont été initiés mais qui tardent à se concrétiser, nous pouvons exprimer une lueur d’espoir avec la thalasso  de sidi feroudj qui s’ouvrira très prochainement et qui sera d’un apport appréciable pour notre économie touristique, les responsables de cette structure sont fiers de ce grand projet et promettant  d’en faire une référence en la matière  (croisons les doigts et souhaitons une bon sucés au projet)

En ce qui concerne le secteur de l’artisanat, tout le monde pense qu’il  mérite bien mieux que ces insignifiants résultats enregistrés en matière  de relance et de  développement. Beaucoup de travail et d’imagination restent a faire si l’on veut rentabiliser le travail de fourmis mené par nos artisans fort nombreux à travers le pays qui ont besoin beaucoup plus d’accompagnement que de présentation symbolique à des salons et manifestations diverses.

Le secteur de tourisme en général doit, être toujours présents dans les manifestations économiques et je pense que les responsables publics ne l’ont pas encore compris ,tout récemment, a l’occasion d’ une manifestation économique sur l’agriculture du sud et l’export en présence de partenaire locaux et étrangers  ,l’institution publique centrale chargée du  tourisme ,hôtellerie et thermalisme a été sollicitée  pour participer à l’exposition, elle n’a pas daigné répondre à la demande  alors que dans le programme ,il est prévue des conférences sur la richesse touristique et  la gastronomie de la région sud.

Pourquoi le secteur du tourisme n’assume pas  le minimum dans sa contribution au PIB ?

Notre  secteur du tourisme qui n’assume pas  le minimum dans  sa contribution au PIB et l’un  des moins performants au monde c’est pour cela qu’il est temps qu’il sorte la tête de l’eau avec une  réelle volonté politique de  le libérer du carcan bureaucratique dans lequel il est coincé, les raisons principales  sont citées dans le début de mon intervention.

Faire appel aux spécialistes du management à la tête des services centraux ne serait qu’une approche plausible attendue  par tous les connaisseurs et qui sont nombreux.

Pour justifier les insuffisances, ces responsables invoquent plusieurs alibis qu’ils continuent de développer en toute liberté devant l’absence de contrôle et d’évaluation de leurs performances.

Pour le secteur privé, il reste encore beaucoup de carences à lever et il subit encore un déficit en matière  d’accompagnement par les pouvoirs publics tel que le gardiennage de plages entre autres

Depuis plusieurs décennies, il ya eu qu’une seule  politique touristique qui accordait la priorité  au tourisme local en faveur de nationaux, pour le reste, il y a que des  tentatives  et des actions sporadiques qui n’ont pas produit de résultats probants.

On continue à parler de la relance du tourisme ,ne faudrait-il ,pas commencer par cibler le domestique comme cela s’est produit en 1976  et de ce fait économiser la devise de nos citoyens qui vont à  l’étranger à défaut de faire venir des étrangers chez nous  en Algérie ?

Sur le terrain, les réactions sont multiples et les nationaux se plaignent de la médiocrité de service et les étrangers continuent à se raréfier. L’état continue de  parler de la relance du tourisme  et ou personne n’y croit.  Une mission difficile à cause de l’état d’esprit et du manque de formation spécialisée des acteurs du tourisme et de son environnement. Un ministre en chasse un autre et l’instabilité du secteur n’en finit pas, on répète les mêmes erreurs  et on continue. Le tourisme est une activité sociale et de masse sur tout le territoire National.

Certes, il faut reconnaitre que certaines choses sont en train  se faire, des formules de voyage ont été testées, des  assises du tourisme et même de salons sont organisés pour appâter des éventuels touristes mais cela ne suffit pas, car l’économie hors hydrocarbure n’attend pas et notre balance commerciale est de plus en plus négative. L’office national de tourisme  semble être  à court d’idées, même  les expositions  à l’étranger ne sont pas à la hauteur de la grandeur de notre pays (j’ai eu l’occasion de visiter notre stand à l’exposition universelle de Milan, j’ai été choqué par la médiocrité des  installations et l’incompétence des animatrices apparemment recrutées sans vérifier le niveau de connaissances ou le marketing le plus élémentaire a été le grand absent.

Nous avons été réconforté  par la visité de certain stands  voisins qui font la fierté des pays arabes y compris la Palestine.

Enfin selon les analystes, des observateurs et de la presse spécialisée, les  Ministères  du tourisme qui se sont succédés  ont eu la caractéristique  d’agir seul sans tenir compte des ’autres secteurs qui sont indissociables et complémentaires dans la stratégie globale,

Ce secteur  très sensible dont l’alliance avec d’autres secteurs du pays pour son développement est  indispensable, aurait besoin à ses cotés  un véritable département de culture et de l’artisanat en plus d’un bon secteur de la communication.

En conséquence, un changement d’approche dans une politique touristique rénovée est plus  que nécessaire. Qu’en pensez-vous ?

Il faut conserver une politique de loisirs, améliorer le transport, renforcer la sécurité et surtout promouvoir la, gastronomie  et mettre en exergue la sécurité retrouvée dans notre pays pour encourager le flux des visiteurs.

Au final, la beauté de l’Algérie et les atouts non négligeables que j’ai évoqué dans cet article ne suffisent pas pour attirer le retour du tourisme qui reste  tributaire de notre capacité à ,transformer ce potentiel en produits touristique  de qualité en lui conférant une dimension à  la hauteur de ces atouts ,pour cela il faut de hommes et des femmes compétents et qui affichent une volonté pour  mettre en valeur les qualités exceptionnelles des Algériens qui sont  très spontanés ,chaleureux et accueillants .

Par ailleurs, il faut rappeler qu’une série de textes ont été promulguées pour développer l’investissement dans ce secteur, une instrumentation qui mériterait d’être revisitée avec la nouvelle assemblée nationale afin de faciliter l’investissement et de gommer tous les aspects  bloquants des lois. Faire appel à l’expertise Algérienne dans le domaine du conseil ne serait qu’un investissement utile avent que le train de la modernité nous échappe pour de bon.

La  révision de ces textes va sans aucun doute réduire les délais de réalisation et les coûts des investissements et mettre fin au reflexe bureaucratique de constituer de commissions a tout bout de champs pour gérer l’argent des investisseurs.

Les pouvoirs publics doivent  savoir que les compétences dans le domaine de l’investissement hôtelier et touristique doivent se trouver sur le terrain tout proche des investisseurs et des consommateurs loir des réactions bureaucratiques qui ruinent toute volonté des décideurs.les guichets uniques et les centres de facilitation seront d’un grand apport  pour la relance de ce créneau qui ne pourra qu’apporter une bouffée d’oxygène à notre économie .

L’Algérie recèle d’énormes compétences dans le domaine et qui n’attendent qu’à être sollicitée, du simple consommateur du produit touristique au plus grand expert  métier sans oublier les hommes du terrain le plus reculé d’Algérie.

En quelques mots quelles sont les suggestions utiles pour  relancer la machine ?

Il faut  d’abord commencer par les Dirigeants du secteur au sommet en faisant  appel aux spécialistes du management au niveau de l’état et des  services centraux en privilégiant les  qualités professionnelles au delà des critères politiques de choix, cela devrait être  la priorité et c’est  à mon avis le seul moyen qui va permettre de bousculer les esprits et de lancer des nouvelles expériences.

Faire un véritable bilan du secteur touristique pour déboucher sur une stratégie appropriée pouvant répondre aux attentes des investisseurs et des consommateurs.

Dans le cadre de cette stratégie nationale qui doit être construite ou réaménagée, Il suggère  la participation des divers acteurs à travers notamment l’association des différentes couches de la société  à la réflexion  en vue de développer  une politique de loisirs, l’adaptation des moyens de transport sécurisés l’ amélioration des services à tous les niveaux de la chaine de valeurs etc.….

Renforcer la sécurité et rassurer nos visiteurs  en mettant en exergue  la sécurité retrouvée dans notre pays pour encourager le flux des visiteurs. L’information sur ce sujet est encore insuffisante, il faut des témoignages et des reportages assez convaincants.

Enfin, je voudrai préciser que mon intervention s’inscrit dans un but objectif de construction sans porter préjudice à qui que ce soit si ce n’est pour  attirer l’attention.

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