La vérité sur la situation socio-économique et les perspectives 2018/2020 en Algérie

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Le  plus grand ignorant étant celui qui prétend tout savoir, les réformes structurelles. constituent un dossier complexe, éminemment politique, devant faire l’objet d’un large débat national, car engageant l’avenir du pays, devant dresser le diagnostic et voir une stratégie clairement définie face tant aux mutations internes qu’internationales.

Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul

1. La situation économique de  l’ Algérie 

On peut recenser  dix(10) constatations

-Premièrement , je dois signaler que  nous avons le manque d’unification des organisations patronales  privées pour des raisons de leadership,  où sans être exhaustif nous  avons la  Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA)  la Confédération générale du patronat (CGP-BTPH), la Confédération des industriels et producteurs algériens (CIPA), la Confédération nationale du patronat algérien (CNPA, la Confédération algérienne du patronat (CAP) , le Conseil supérieur du patronat algérien (CSPA),  l’Association des femmes chefs d’entreprises (-SEVE), le Club des entrepreneurs et des industriels de la Mitidja (CEIMI). Quant au Forum des chefs d’entreprises (FCE), il  est  considéré comme un Think tank (laboratoire d’idées) et non comme une organisation syndicale.

-Deuxièmement,, Sonatrach c’est l’Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach représentant avec les dérivées plus de 97% des ressources en devises et l’essentiel des réserves de change, influant sur le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) , le taux d’emploi  et la cotation du dinar via les  réserves de change.

– Troisièmement, le secteur privé exportateur est marginal moins de 500 millions de dollars pour  2016/2017. Les quelques cas analysées  sont d’ailleurs confrontés  à de nombreuses contraintes, ne peuvent  permettre à eux seuls  une dynamisation globale de la production hors hydrocarbures, nécessitant  des milliers d’entrepreneurs dynamiques. 

-Quatrièmement,  si  le secteur privé réalise 80% de la valeur ajoutée hors hydrocarbures du pays, qui ne représente d’ailleurs moins de 2/3 du total des exportations  contre 97/98% pour Sonatrach,  sa part dans l’investissement global est négligeable, certaines sources donnant 1,9/2% du total de l’investissement entre 2010/2017. D’une manière générale que représente le secteur privé algérien  face au chiffre d’affaires de Sonatrach qui contribue directement et indirectement via la dépense publique/via les hydrocarbures à plus de 80% du produit intérieur brut ?

-Cinquièmement, le tissu économique en 2016, mais de changement notable en 2017, selon l’ONS est constituée  à 83% de petits commerce –services  avec la dominance en termes juridique des sociétés de personnes et des SARL, très peu de sociétés par actions. Ce sont d’abord la majorité des  PMI-PME privées algériennes gérées souvent avec la famille restreinte qui doivent ouvrir leur capital  si elle veulent être compétitives  avant de vouloir entrer dans le capital des entreprises publiques.

-Sixièmement, le secteur informel représente plus de 50% du produit intérieur brut hors hydrocarbures  à ne pas confondre avec la masse monétaire en circulation. Concernant justement la masse monétaire informelle   existent des données contradictoires entre les données de l’ex premier ministre ( Tripartie de Annaba 2016) de l’actuel premier ministre ( 17 milliards de dollars ) et en ce mois de janvier 2018 du Ministre des finances qui a affirmé ne   pas  connaitre le montant exact contredisant son premier ministre,  alors qu’existent trois méthodes d’évaluation ( voir étude du professeur Abderrahmane Mebtoul Institut  Français des Relations Internationales –IFRI- paris décembre 20165 : le poids de la sphère informelle au Maghreb )

-Septièmement, en 2016 le secteur industriel représente 6,3% du produit intérieur brut (PIB) et sur ces 6,3% 95/97% sont des petites PMI-PME peu initiées au management stratégique et à l’innovation technologique, la concentration du privé  étant dans le BTPH qui dépend fondamentalement de la dépense publique. Par ailleurs, les secteurs public et privé travaillent à plus de 75% avec des équipements et des matières premières importées donc dépendant de la ressource hydrocarbures. Un exemple patent pour le montage des voitures uniquement pour 2017, la vitesse de croisière n’ayant nt pas été atteinte l’on s’oriente vers près de 2 milliard de dollars d’importation, le montant pouvant doubler voire tripler : qu’en sera t –il du taux d’intégration et des perspectives d’exportation? Dans ce cadre est posé le problème suivant : en interdisant environ 1000 produits à l’importation, certes montant dérisoire d’environ 1,5 milliard de dollars, la production locale comblera t –elle la différence et ne risque t -on pas  une flambée des prix et l’extension de la sphère informelle ?

– Huitièmement, le secteur privé productif, notamment les PMI-PME majoritaires, connait un niveau d’endettement assez élevé auprès des banques, n’ayant pas  les fonds pour entrer dans  le capital des entreprises publiques, encore moins le management,  à moins de s’endetter auprès des banques publiques via la rente..

-Neuvièmement, ce n’est pas uniquement une question de financement  puisque le secteur public a été assaini à plus de 70 milliards de dollars entre  1971/2017 et plus de 75% sont revenues à la case de départ. Ce secteur a besoin d’un savoir faire managérial et technologique  ce que la majorité du secteur privé n’a pas encore.

-Dixièmement, la situation financière est certes difficile mais non insurmontable, les réserves de change étant  établi à environ 95/96 milliards de dollars fin 2017 contre plus de 194 milliards de dollars en janvier 2014,  avec une dette extérieure  à environ 6 milliards de dollars qui a fait que le cours du dinar est passé de 115 dinars un euro à plus de 135 dinars un euro au cours officiel et fluctuant  entre 198/2010  dinars sur le marché parallèle . . Du fait de cette situation, le taux de croissance pour 2018 selon le FMI serait inférieur à 1%  et le taux  de chômage 13,3%. Avec le  relèvement des taxes 30 à 60% appliqué à un dinar dévalué ( au final environ 70/100% d’augmentation sur le prix final) et   les risques en cas de non maitrise du financement non conventionnel ( injection nouvelle d’environ 17 milliards de dollars de dollars) d’un processus inflationniste ne devant plus se limiter pour le calcul de l’indice,  qu’aux bien alimentaires , la notion de besoin des ménages  ayant évoluée.

2.-Avoir une vision stratégique face aux nouvelles mutations

. L’objectif  est d’avoir une vision  stratégique du couple démonopolisation/ privatisation.  On  ne doit pas  confondre privatisation et démonopolisation complémentaire, tous deux,  processus éminemment politique,  allant vers le  désengagement de l’Etat de la sphère économique afin qu’il se consacre à son rôle de régulateur stratégique.

 La privatisation est un transfert de propriété d’unités existantes  vers le secteur privé et la démonopolisation consiste à favoriser  l’investissement privé nouveau. L’objectif de la démonopolisation  et de la  privatisation  doivent renforcer  la mutation systémique  de la transition  d’une économie administrée vers une économie de marché concurrentielle. Nous sommes dans le flou du fait de discours contradictoires de certains  responsables et  du fait du manque de vision stratégique.

Le Conseil Economique et Social , dont la nouvelle constitution stipule qu’il est « conseil pour les  pouvoirs publics » est en léthargie depuis de longues années  alors que c’est le lieu par excellence  de réflexion et de dialogue en vue  d’élaborer des  orientations crédibles, privilégiant les intérêts supérieurs du pays, et ce  pour la présidence de la république et le gouvernementC’est qu’historiquement, longtemps le secteur privé algérien s’est développé largement à l’ombre du secteur d’Etat selon le fameux slogan,  de secteur privé facteur complémentaire du secteur d’Etat.  Or un véritable secteur privé productif a besoin d ‘autonomie. Or tous les rapports internationaux sont unanimes entre 2010/2017, le  milieu d’affaires contraignant dont la bureaucratie paralysante  et la sphère informelle dominante, freinent   les véritables entrepreneurs  producteurs de richesses.

La raison essentielle sont les contraintes d’environnement : bureaucratie pour  plus  de 50%, un système financier administré (plus de 90% des crédits octroyés sont le fait de banques publiques), un système socio-éducatif  inadapté  et enfin l’épineux problème du foncier. A cela s’ajoute du fait  de l’ancienne  culturelle,  une méfiance  vis-à-vis du privé tant local qu’international  du fait que les  tenants de la rente ont peu de perdre des parcelles de pouvoir. Cela explique d’ailleurs  ces alliances entre la sphère bureaucratique  et certaines sphères privées spéculatives mues par des gains de court terme via la rente.  Or le véritable dynamisme  de l’entreprise, qu’elle  soit publique ou privée  suppose une autonomie de décisions face aux contraintes tant internes qu’internationales évoluant au sein de la mondialisation caractérisée l’incertitude,  la turbulence  et l’urgence de prendre des décisions au temps réel.

Il  faut donc s’attaquer à l’essentiel qui  est le renouvellement de la  gouvernance, liée à une profonde moralisation de ceux qui gèrent la Cité. Sans vision stratégique, comment adapter l’Algérie à la mondialisation par plus d’espaces de libertés,   en levant  les contraintes d’environnement afin de permettre l’épanouissement de l’entreprise créatrice de richesses, non par des textes mais il ne faut pas attendre  à une véritable relance économique dont le fondement est l’accélération des réformes qui  doivent   reposer sur une transparence totale et une large adhésion sociale. En cas de non vision stratégique axée sur la concurrence, le processus de libéralisation qui  doit être maîtrisée grâce à l’Etat régulateur,  s’avérera un échec patent avec le risque de passage d’un nouveau  monopole privé spéculateur,  favorisé par le Monopole source d’inefficience.

Comme nous l’avons montré dans plusieurs contributions nationales et internationales récentes en posant la problématique du futur rôle de l’État dans ses relations avec le marché, il s’agit de faire naître le marché dans un contexte de non marché à travers cette mutation systémique bouleversant la cohérence des anciens réseaux, pour créer une dynamique nouvelle à travers de nouveaux réseaux acquis aux réformes( de nouvelles forces sociales) dans le cadre d’une nouvelle cohérence synchronisée avec les mutations de l’économie mondiale.

Cette dynamique sociale est seule à même d’éviter ce manque ce cohérence et de visibilité dans la politique socio-économique dont les changements perpétuels de cadres juridiques (fonction des rapports de force au niveau du pouvoir) en est l’illustration où  plusieurs centres de décisions politiques, atomisant les décisions, rendent volontairement opaques les décisions. Aussi insérer le secteur privé  sans distinction  avec un  secteur d’Etat  comme  le stipule la nouvelle Constitution  suppose une volonté politique de libéralisation conciliant l’efficacité économique et une profonde justice sociale ce qui ne signifie pas  la fin des entreprises publiques ayant  de brillants managers  qui doivent évoluer dans un cadre concurrentiel supposant  leur autonomie dans la gestion  en ce monde  turbulent et incertain devant prendre des décisions de management stratégique au temps, réel. Or le retour à la gestion administrée ne peut que  bloquer  les énergies créatrices.

La  réussite  de la dynamisation du secteur économique, secteur d’Etat concurrentiel, secteur privé national et international   est intiment liée à l’approfondissement de la  réforme globale  dont   la réussite est conditionnée  par une plus grande visibilité dans la politique socio-économique, un  Etat de Droit, et la démocratisation des décisions économiques. L’on doit  éviter ce slogan creux  de bradage du patrimoine public  par les tenants de la rente, d’utiliser à la fois des mots qui n’ont aucun sens discréditant   l’image des responsables au niveau international, donc de l’Algérie et par voie de conséquence d’éviter  de diaboliser tant le secteur privé national qu’international qui créent de la richesse. Arrêtons une stratégie clairement définie et datée et arrêtons de nous leurrer sur un cours du pétrole supérieur à 80 dollars, le FMI prévoyant un cours fluctuant entre 57/58 dollars pour 2018, sous réserve de non turbulences géostratégiques et économiques.

En bref, l’Etat entrepreneur et exploitant direct doit s’effacer peu à peu pour laisser place à un Etat exerçant la puissance publique et qui sera conforté dans ses missions naturelles d’arbitrage et de régulation. D’une manière générale, ce qui est stratégique aujourd’hui peut ne l’être demain. Car ce que l’on entend par secteur stratégique, et non stratégique doit être appréhendé, non en statique mais en dynamique du fait à la fois de l’évolution du monde et de la structure de l’économie algérienne.

Ainsi la règle des 51/49%  qui  se fonde sur une vision essentiellement idéologique dépassée, où l’on peut démontrer que  le partenaire étranger prend peut de risque, les  surcouts étant supportés par l’Algérie via toujours la rente, me semble inappropriée sans avoir défini ce qui est stratégique et ce qui ne l’est pas à partir de critères objectifs (voir interview  A. Mebtoul dans  Jeune Afrique 2012).  Le blocage  de l’investissement en Algérie  ne réside pas   en des changements de lois ou  d’élaboration de stratégies utopiques,  vision bureaucratique, comme on ne combat la sphère informelle  par des  mesures administratives autoritaires.

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