Exclusif/ Entretien avec le Dr Abderrahmane MEBTOUL: « Sans réformes réelles tout peut arriver »

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Auteur  d’une vingtaine d’ouvrages et de plus de 700 contributions nationales et internationales, membre de conseil scientifique de plusieurs organisations internationales, Abderrahmane Mebtoul   nous parle dans cet  entretien avec lucidité et un grand sens de responsabilité, de la situation socio-économique, politique et des perspectives de l’Algérie 2020/2030

 L’express DZ : Quelle lecture faites- vous de la situation économique actuelle du pays ?

 Pour comprendre la situation économique actuel du pays , il est intéressant de se référer au   classement annuel du The Global Competitiveness Report, du World Economic Forum (WEF), qui concerne les contraintes du milieu des affaires et l’efficacité économique dans le monde , établi sur la base d’une centaine d’indicateurs quantitatifs émanant des Etats membres et des organisations internationales (Banque mondiale, FMI, UIT, CCI, Unesco…) ainsi que d’enquêtes qualitatives réalisées par le WEF lui-même. Brièvement, nous avons le classement suivant : institutions : 88e  rang ; infrastructures : 93e rang ; environnement macroéconomique : 71e rang ; santé/éducation : 71e rang ; enseignement supérieur et formation : 92e rang ; marchandises et efficacité du marché : 129e rang ; efficacité du marché du travail : 133e rang ; développement du marché financier : 125e rang ; état de préparation technologique : 98e rang ; taille du marché : 36e rang  ; sophistication des affaires : 122e rang ; innovation : 104e rang.

S’agissant des mesures incitatives à l’investissement, le pays se situe à la 98e position sur les 137 pays évalués, ce qui est une performance qui se situe dans la moyenne. Selon Bloomberg, l’Algérie, pour remonter son déficit budgétaire au titre de l’exercice 2019, «aurait besoin d’un baril de pétrole à 116,40 dollars, contre 95/100 dollars en 2017/2018», soulignant que «la production algérienne est restée relativement stable à environ 1 million de barils par jour.

Au vu des importantes dépenses  la croissance tirée essentiellement par la dépense publique a été  faible  de 1,4% en 2018, contre 1,3% en 2017, selon le rapport de l’Office national des statistiques (ONS) et en valeur courante, le PIB est passé de 18 575,8 milliards de dinars en 2017 à 20259 milliards de dinars. En 2018, le déflateur du PIB a connu une hausse de 7,6% contre 4,7% en 2017 et  par tête d’habitant, le Produit intérieur brut a atteint 4 080,7 dollars en 2018 contre 4 011,2 dollars en 2017. Selon le rapport de la banque mondiale , dossier  consacré aux perspectives économiques mondiales la  croissance en Algérie devrait être de 1,7 % en 2020, l’assainissement des finances publiques pesant sur l’activité non pétrolière, alors  que  l’édition de janvier 2019 du rapport prévoyait une croissance de 1,8% en 2020 et 2021, cette projection ayant été  abaissée de -0,1 point pour 2020 et de -0,4 points pour l’année 2021. Ce qui forcément entrainera un accroissement du taux de chômage souvent gonflé par les officiels incluant les emplois rentes et  les emplois temporaires non productifs.

La situation politique actuelle  avec l’emprisonnement  des oligarchies accentue ce taux à la hausse d’environ alors que  la population active est estimée à environ 12,463 millions  fin 2018 pour une population totale au 01 janvier 2019 de plus  de 43 millions d’habitants. Le chômage touche  près de 29/30% des jeunes et données  importantes, des diplômés de l’enseignement supérieur qui avait  atteint 17,6% au mois d’avril 2017 et en  septembre 2018, 27,9%  selon les  statistiques de l’ONS

Les déficits budgétaires et commerciaux   ne cesse de se creuser ces dernières années, quelles solution, autre que le recours à l’endettement extérieur, préconisez vous pour y   faire pour faire face ?

Au vu  de la  tendance  du premier  semestre 2019, dans l’hypothèse d’une moyenne  annuelle d’environ 60/65 dollars le baril pour le pétrole et 3/5 dollars le MBTU pour le gaz, donnerait une recette Sonatrach avoisinant 30/35 milliards de dollars. Mais,  le document de référence est la balance de paiement, la balance commerciale  ayant  une signification limitée.

Selon la banque d’Algérie, au cours des 9 dernières années, les importations de services ont fluctué entre un bas de 10,776 milliards de dollars (2013) et un haut de 11,696 milliards (2014) dont la facture fluctue entre 2010/2018 entre 10/11 milliards de dollars annuellement qui impacte négativement la balance des paiements dont le  transport maritime (2,95 milliards de dollars en 2018), le BTP (2,65 milliards de dollars en 2018) et l’assistance technique (3,22 milliards de dollars en 2018).  Cela renvoie à l’urgence d’une nouvelle orientation gouvernementale et d’une mobilisation générale  citoyenne pour éviter  de vives tensions budgétaires  2021/2022 avec des incidences dramatiques à la fois économiques, sociales, politiques, voire sécuritaires, sauf miracle d’un cours de baril de 100 dollars.

Quel est l’impact de la baisse des réserves de change sur la  cotation du dinar ?

Contrairement à certaines déclarations hasardeuses récentes comparant le non comparable (pays développés) le cours du dinar officiel 1990/2019, est corrélé aux réserves de change, via les recettes d’hydrocarbures à plus de 70%. Pour toute comparaison, l’on devra se référer non aux pays développés (réserves de change faible, mais une structure productive) mais à l’expérience vénézuélienne. C’est que  70/80% des besoins des entreprises publiques et privées ainsi que des besoins des ménages proviennent de l’extérieur, le taux de croissance, le taux d’emploi dépendant  de la dépense publique via les hydrocarbures.

La période antérieure n’étant pas significative (cotation administrative en 1970 avec 5 dinars un dollar ) , récemment de  2001 à juillet  2019 la cotation est la suivante : 2001, 69,20 dinars un euro, 77,26 dinars un dollar -2002, 75,35 dinars un euro, 69,20-dinars-un-dollar-2008, 94,85 dinars un euro, 64,58 dinars un dollar
-2014,106,70-dinars-un-euro,-80,06-dinars-un-dollar, 2019 (21  septembre  ) une cotation- cours achat  de 132,62 dinars un euro et de 119,96 dinars un dollar  et sur le marché parallèle , l’écart avec le cours officiel est  d’environ 50% dépendant de  l’équilibre offre/demande. Sur le plan budgétaire en cas de non recours au financement non conventionnel s’offrent trois solutions : une plus grande rigueur budgétaire avec la lutte contre le fléau de la corruption, l’endettement extérieur ciblé et le dérapage du dinar par rapport au dollar et à l’euro qui permet d’augmenter artificiellement la fiscalité hydrocarbures et la fiscalité ordinaire, cette dernière accentuant l’inflation étant supportée par le consommateur final comme un impôt indirectEn cas de baisse drastique des réserves de change à 10/12 milliards de dollars, qui tiennent la cotation du dinar algérien à plus de 70%, la banque d’Algérie sera contrainte de dévaluer le dinar officiel à environ 200/220 dinars un euro avec une envolée du cours sur le marché parallèle qui fluctuera en fonction du taux d’inflation entre 300/400 dinars un euro, ce qui accélérera le processus inflationniste.

Il s’ensuit que la croissance devrait ralentir très fortement dès 2020 en provoquant une augmentation du taux de chômage. Elle se traduira aussi par la persistance des déficits budgétaires et surtout des déficits externes qui vont éliminer progressivement toutes les marges de manœuvre dont dispose l’Algérie. Comme je l’ai souligné dès sa mise en  œuvre, après des discours euphoriques sur le bienfait du financement  non conventionnel de certains experts organiques , ce mode de financement  risque de conduire le  pays vers une dérive inflationniste à la vénézuélienne (devant comparer le comparable)  avec des incidences économiques, politiques et sociales négatives, les slogans politiques étant  insensibles aux lois économiques applicables dans tous les pays et l’Algérie ne fait pas exception. Le recours à la planche à billets pour financer le déficit budgétaire aura un impact négatif à terme tout en favorisant, contrairement à certains discours, la baisse la baisse des réserves de change puisque en mettant à la disposition de certaines entreprises des dinars, (70% des matières premières et des équipements des entreprises publiques et privées étant importées, le taux d’intégration ne dépassant pas 15/20%) ces dernières se porteront impératrices, la poussée inflationniste n’étant pas encore perceptible entre 2018 et  septembre 2019.

Pour le FMI e tl’Union européenne le gouvernement algérien se limite aux  mesures conjoncturelles sans vision stratégique, le financement non conventionnel représentant 23% du PIB.  Mais ce mode de financement aura aussi atteint ses limites à partir de 2020 avec des taux d’inflation élevés. Les mêmes projections sont reprises par la note de conjoncture de la Coface ainsi que plusieurs institutions internationales..

Quelle  lecture  faites-vous de l’avant projet de loi de finances 2020 ?

 La PLF2020 prévoit une baisse de 9,2% des dépenses, avec une coupe sévère dans les dépenses d’équipements (-20,1%) et une légère baisse des dépenses de fonctionnement (1,2%) et  une baisse de 8,3% des recettes fiscales globales. Ces dernières, malgré une hausse prévue de 5,3% de la fiscalité ordinaire, seront impactées par un recul de la fiscalité pétrolière qui atteindra 2.200,3 milliards de dinars en 2020, Malgré ces prévisions pessimistes, le projet de Loi de finances 2020 serait  élaboré sur la base d’un financement conventionnel en s’appuyant essentiellement sur les recettes budgétaires ordinaires par  le  renforcement des impôts et taxes sur la fortune et les biens en fonction des signes de richesse mobilière et immobilière.

L’imposition d’un impôt, allant de 1% à 3,5%, sur tout patrimoine d’une valeur supérieure à 50 millions de dinars avait été introduite dans le projet de loi de finances (PLF) 2018, avant sa suppression, sur proposition de la commission des finances et du budget de l’Assemblée populaire nationale (APN). Les biens visés dans le PLF 2018 étaient essentiellement les biens immobiliers, les véhicules particuliers d’une cylindrée supérieure à 2.000 cm3 (essence) et de 2.200 cm3 (gasoil), les yachts et bateaux de plaisance, les chevaux de course, les avions de tourisme, les objets d’art estimés à plus de 500.000 DA, les bijoux et pierreries, or et métaux précieux.

Le PLF 2020 propose dans son article 95 d’amender l’article 109 de la Loi de Finances 2018 qui porte sur la contribution de solidarité. Selon le texte, cette dernière va passer de 1% à 2%,  s’agissant  d’une taxe applicable aux opérations d’importation de marchandises mises à la consommation. Elle est perçue et recouvrée comme en matière de droit en douanes et est destinée à alimenter la Caisse Nationale des retraites (CNR). Les mesures visant à imposer les propriétaires des quatre roues concernent  l’acquittement du droit de la traditionnelle vignette automobile,  une nouvelle taxe sur les véhicules et les engins mobiles, la  taxe  variant  entre 1500 Da et 3000 Da, payé par les automobilistes lors du renouvellement ou de l’établissement du contrat d’assurance de leurs véhicules. Cette taxe permettra à l’administration fiscale de récolter l’équivalent de 12 milliards de dinars, en puisant dans un parc automobile national qui connait une sensible hausse ces dernières années, car dépassant légèrement le seuil des 6 millions de véhicules : 70% des revenus de cette taxe, soit plus de 840 milliards de centimes, seront destinés au budget de l’Etat, tandis que 30% des recettes, soit plus de 360 milliards de centimes, iront à la Caisse de Solidarité et de Garantie des Collectivités locales.

Pour  les touristes non résidents, l’instauration d’une taxe de 6000 dinars sur tout véhicule qui entre dans le territoire algérien au titre d’un séjour touristique. Cette taxe sera directement prélevée au niveau des Douanes lors de la délivrance du permis de circuler.   Le motif de cette taxe est justifié par la volonté de compenser la consommation du carburant subventionné, ainsi que l’utilisation des infrastructures de base telles que les routes.

Avec un trafic de près de 150.000 véhicules, cette proposition devrait générer annuellement près d’un milliard de dinars pour le Trésor public. Enfin il est prévu  des taxes sur les déchets dangereux, produits pétroliers qui seront versées au Fonds national de l’environnement, ainsi qu’au fonds des collectivités locales et au Trésor public,  l’opération devant se faire progressivement, car moins de 3% de différents types de plastique sont recyclés quotidiennement, soit 200 tonnes par jour et 73.000 tonnes par an. Le PLF2020  prévoit d’alléger la règle dite 51/49 sur l’investissement étranger avec une levée des restrictions qui concernent les « secteurs non-stratégiques, mais  l’exécutif ne fournit pas de précisions sur les secteurs considérés comme étant « stratégiques » qui resteront soumis à cette règle.

Par ailleurs, le PLF2020  n’écarte pas la possibilité de recours à l’endettement extérieur pour financer les projets économiques structurants. L’avant-projet évoque également un retour à l’importation des véhicules d’occasion de moins de 3 ans pour les résidents algériens, les modalités de cette mesure n’ayant  pas été précisées. Il est à noter également  qu’il est prévu  d’exonérer les start-up et les investissements des jeunes porteurs de projets « du paiement des différents impôts et taxes ainsi que de leur octroi de « mesures incitatives, à même de leur faciliter l’accès au foncier aux fins d’extension de leurs projets.

 Y  a-t-il  réellement risque d’effondrement économique, comme l’avancent certains observateurs, si la situation de vacuité politique que vit actuellement le pays, persiste ?

Entre 2019/2021, je ne pense pas  qu’il y aura implosion mais de vives tensions budgétaires et sociales. Au-delà, sans réformes profondes  tout peut arriver. En effet, la  situation financière de l’Algérie aujourd’hui est  de loin moins  dramatique, à la veille du soulèvement d’octobre 1988. Entre 2020/2021,  il y a quatre  raisons de penser que les revenus de l’Etat peuvent encore servir de  tampon social  de façon temporaire afin d’éviter l’implosion sociale  horizon 2022. Premièrement, l’Algérie n’est pas dans la situation de 1986, où les réserves de change étaient presque inexistantes avec un endettement qui commençait à devenir pesant. Cependant en cas de non résolution  de la crise politique, bien  que la dette extérieure varie entre ½% du PIB, extrêmement  faible,   nous aurons  comme impacts une très grave crise économique, sociale et politique avec la perte de l’indépendance politique, sécuritaire et économique. Ces niveaux de  réserves de change, si elles sont bien utilisées, peuvent à la fois servir de tampon social et permettre la dynamisation du tissu productif, à condition de changer de politique économique  et de  résoudre la  crise politique pour attirer des investisseurs potentiels

 Deuxièmement, avec l’importance de la sphère informelle qui joue comme tampon social, entre  30 et 40% de la population active occupée et vu la crise du logement, le regroupement de la cellule familiale concerne une grande fraction de la population et les charges sont payées grâce au revenu familial global. Mais il faut faire attention : résoudre la crise du logement sans relancer la machine économique prépare à terme l’explosion sociale.

Troisièmement, grâce à leur travail mais également aux subventions étatiques, les familles algériennes ont accumulé une épargne sous différentes formes. Cependant, il suffit de visiter les endroits officiels de vente de bijoux pour voir qu’il y a « déthésaurisation » et que cette épargne est , malheureusement, en train d’être dépensée face à la détérioration de leur pouvoir d’achat. Cela peut tenir encore deux ans. A la fin de cette période tout peut arriver. Car pour qu’un ménage vivant seul avec deux ou trois enfants puisse subvenir à ses besoins, il lui faut un revenu minimum net  entre 50.000/60.000 dinars/mois, à condition que ce ménage n’ait  pas  contracté de prêts voitures ou  de logements où qu’il ne paye pas un loyer exorbitant.

Quatrièmement, l’Etat, dans toutes les  lois de finances de 2019, et certainement celle de 2020, continue à subventionner les principaux produits de première nécessité, encore que cela est injuste ,celui qui perçoit 30.000 dinars mois bénéficiant  des mêmes  subventions que celui dont le  revenu dépasse 300.000 dinars, devant aller, comme je le préconise depuis 2008,  vers des subventions ciblées budgétisées par le parlement. Pour 2019, une enveloppe budgétaire de 1.763 milliards de DA a été  allouée aux transferts sociaux  (contre 1.760 milliards de DA en 2018), soit près de 21% de la totalité du budget de l’Etat de l’année 2019.Les crédits budgétisés pour les transferts sociaux couvriront notamment plus de 445 mds DA destinés au soutien aux familles, tandis que près de 290 mds DA seront attribués aux retraites, et auxquels s’ajoutera une dotation d’appui de 500 mds DA à la Caisse Nationale des Retraites (CNR). Ces transferts sociaux comportent également près de 336 mds DA pour la politique publique de santé et plus de 350 mds DA pour la politique publique de l’habitat auxquels s’ajouteront près de 300 mds DA mobilisés pour ce secteur par le Fonds National d’Investissement (FNI).En revanche, moins de 40% de la population algérienne ont un véhicule et le relèvement du prix du gasoil et de l’essence est relativement faible comparé au prix international.

De manière générale, quel est l’impact de la  prédation et de la corruption un effet néfaste sur la croissance  économique, le climat des affaires  et la redistribution  des richesses ?

 Selon la majorité des experts internationaux, la majorité des institutions administratives et économiques sont concernés par ce cancer de la corruption. L’on sait que les auteurs de l’IPC considèrent qu’une note inférieure à 3 signifie l’existence d’un « haut niveau de corruption, entre 3 et 4 un niveau de corruption élevé, et que des affaires saines à même d’induire un développement durable ne peuvent avoir lieu, cette corruption favorisant surtout les activités spéculatives.

La sphère informelle produit des dysfonctionnements du système, ne pouvant pas la limiter par des décrets et lois mais par des mécanismes de régulation transparents, existant des alliances entre le pouvoir bureaucratique et cette sphère contrôlant plus de 40% de la masse monétaire en circulation, alliances qui favorisent cette corruption qui tend à se socialiser.

Selon le  classement de Transparency International  de 2003 à 2018, l’Algérie connait une corruption élevée  où en  2018, elle a eu la note 3,5 et 105ème place sur 168 pays.  Ces indicateurs renvoient à l’urgence de lutter contre les transferts illicites de capitaux à travers les surfacturations

 Qu’en est-il justement du transfert illégal de devises ?

 Devant différencier acte de gestion pratiques normales de la corruption, afin d’éviter la démobilisation des managers,  les services de sécurité et les différents organisâmes de contrôle devant vérifier l’origine de ces montants de transferts illicites de devises , l’objectif stratégique est  d’établir la connexion entre ceux qui opèrent dans le commerce extérieur soit légalement ou  à travers les surfacturations  et les montants provenant essentiellement d’agents possédant des sommes en dinars au niveau local légalement ou illégalement , non connectés aux réseaux internationaux.

Il   s’agira par une analyse objective, de quantifier sérieusement ces transferts illicites de devises qui portent atteinte à la sécurité nationale, d’où  l’urgence d’une nouvelle régulation de l’économie nationale, de quantifier   objectivement l’impact de l’écart d’environ 50% entre le cours du dinar sur le marché parallèle et la cotation officielle du dinar algérien. Les subventions généralisées et sans ciblages permettent  le trafic des marchandises  aux frontières,  avec des connexions avec le terrorisme via la drogue  Il  ne faut pas se tromper de cibles, devant différencier stratégie et tactiques pour paraphraser le langage des stratèges militaires,  existant  souvent   une confusion entre les sorties de devises résultant des importations de biens et services d’environ 700 milliards de dollars entre 2000/2018 selon les statistiques du gouvernement  et le   total des dépenses d’environ 1100 milliards de dollars( document officiel du FMI  , budget équipement et fonctionnement (constitué en grande partie de salaires).

Il  s‘agit de différencier les surfacturations en dinars (pour des projets  ne nécessitant pas ou peu de devises) des surfacturations en devises, existant deux sphères d’agents ceux reliés uniquement au marché interne ( dinars) et ceux opérant dans le commerce extérieur (devises), ce processus se faisant en complicité avec les étrangers,  bien que certains agents économiques opèrent sur ces deux sphères.  Prenons  l’hypothèse d’un taux de 15% de surfacturation, ce n’est qu’une hypothèse,  étant  plus facile pour les services où certaines surfacturations peuvent atteindre plus de 20%. Les  sorties de devises de biens et services entre 2000/2018, étant estimées à environ  700  milliards de dollars,  cela donnerait  un montant total de sorties de devises  de 105 milliards de dollars sans compter la période 1970/1999  où bon nombre d’estimations contradictoires ont été données  avec des montants faramineux ramenés au pouvoir d’achat 2019.

Ces transferts illégaux de devises  ne datent pas d’aujourd’hui, devant ramener pour des comparaisons sérieuse, la valeur du dinar qui est cotée en septembre  2019 à 119 dinars un dollar et en 1974 nous avions 5 dinars pour un dollar( fixation administrative) , 45 dinars  un dollar vers les années 1974/1975,  Ce montant serait plus important si les surfacturations étaient d’environ de 20/25% par rapport aux normes internationales.

Malheureusement nous avons assisté à des discours creux populistes de ceux qui devaient donner l’exemple et dont les actions de justice actuelles ont montré qu’ils étaient guidés par leurs propres intérêts et leurs familles et non par les intérêts supérieurs du pays, ayant contribué à la dilapidation de l’Algérie. Des actions urgentes pour récupérer ces biens mal acquis tant au niveau national qu’international sont nécessaires pouvant également jouer comme tampon social.

Mais il faut être réaliste. Si les transferts illicites de capitaux  sont dans des paradis fiscaux ou en actions ou obligations anonymes, il sera difficile  de les récupérer, concernant uniquement des biens ou placements réels tangibles tant en Algérie qu’à l’étranger  en cas où l’Algérie a des accords internationaux avec certains pays où les procédures risquent d’être longues.

Comment lutter efficacement contre la corruption ?

 La  lutte efficace  contre la corruption passe par  l’impérieuse réforme des institutions et du  système financier, lieu de distribution de la rente impliquant  de saisir les liens dialectiques entre la production de la rente -Sonatrach et sa distribution à travers le système financier  notamment les banques publiques qui canalisent  plus de 85% des crédits octroyés expliquant que la réforme profonde du ministère des finances qui doit être couplé  avec celui du ministère du commerce (une seule DG suffirait) pour plus de cohérence, responsable de nombreuses licences  d’importation  et autres autorisations de complaisance.

La réforme du système financier, intimement liée à la démocratisation de la société et à la liberté d’entreprendre sans contraintes bureaucratiques  ne saurait se limiter à la rapidité de l’intermédiation à travers l’informatisation, pourtant nécessaire,   n’a jamais eu lieu depuis l’indépendance politique, car étant un enjeu crucial de luttes de  pouvoir de redistribution  de la rente à travers des relations de clientèles diffuses. Sans sa réforme profonde autant que celle de des institutions (l’administration centrale/locale)  et de la justice, il serait utopique de s’attaquer à l’essence de la corruption, se limitant à des actions conjoncturelles où demain les mêmes causes produiront les mêmes effets de corruption si l’on maintient les mêmes mécanismes de régulation. La  réforme doit toucher  toutes les structures du Ministère des finances :  toutes les banques publiques/ privées notamment les directions et sous directions de crédit avec leurs annexes régionales, les caisses de garanties octroyant parfois des garanties  de complaisance comme cela a été constaté récemment, -la DG de la fiscalité avec ses annexes régionales avec ses antennes régionaux, avec des non recouvrements faramineux inexplicables les seuls pénalisés étant les salariés et fonctionnaires dont la retenue est à la source, les domaines  avec ses annexes régionales,  avec ses antennes régionaux, incapables d’avoir un registre cadastre transparent afin d ‘éviter le bradage du patrimoine national, -la douane avec ses annexes régionales, avec des  tableaux de la valeur reliés aux réseaux tant nationaux et qu’internationaux.

En fait, la lutte contre la corruption gangrénant  le corps social, implique un véritable Etat de Droit une nouvelle gouvernance si l’on veut la combattre efficacement, constituant  le plus grand danger, pire que le terrorisme qu’a connu l’Algérie entre 1990/2000.

Le développement ne passe t-il pas avant tout par la résolution de la crise politique

C’est que l’Algérie  sera ce que les Algériennes et les Algériens voudront qu’elle soit, loin de toutes immiscions étrangères. Car avec la corruption combinée à la détérioration du climat des affaires, selon la majorité des rapports internationaux, il est utopique de parler d’une véritable relance économique.

L’Algérie souffre avant tout  d’une  crise de gouvernance et non d’une crise financière. Mais cette crise de gouvernance risque de se transformer  dans deux   années  en crise financière, économique et politique avec l’épuisement des réserves de change.

 Si l’Algérie veut dépasser la crise multidimensionnelle à laquelle elle est confrontée au sein d’un monde turbulent et instable préfigurant d’importants bouleversements géostratégique, le futur défi de l’Algérie, elle a les potentialités de sortie de crise, et elles sont énormes, sera d’avoir une visibilité dans la démarche des reformes structurelles indispensables conciliant efficacité économique et une très profonde justice sociale, avec une nouvelle architecture institutionnelle reposant sur de véritables contre-pouvoirs démocratiques L’élection présidentielle devra être transparente, devra reposant sur  trois axes : une commission de surveillance des élections totalement transparente indépendante de l’exécutif et des actuels élus centraux et locaux, la révision du fichier et du code  électoral  afin que les pratiques du passé (fraude massive) ne se renouvelle pas.

Il s’agit impérativement    d’aller rapidement vers une élection présidentielle dans des délais raisonnables mais avec comme condition qu’elle soit transparente, loin des pratiques  occultes du passé qui a vu la majorité de la population bouder les urnes à plus de 70/75% lors des dernières élections législatives en tenant compte des bulletins nuls, traduisant le divorce Etat-citoyens. Cela implique forcément  comme cela  a été  retenu en conseil des ministres  du 9/09/2019 la révision du fichier et code  électoral, la création d’une instance indépendante  de supervision des élections où ni l’exécutif  (gouvernement- surtout  le ministère de l’intérieur  et les Walis ), ni les députés/sénateurs et représentants des APC actuels dénoncés par Al Hirak ,  ne seront   parties prenantes, appartenant aux candidats  et à la société civile de désigner ses représentants. L’on devra être attentif tant à sa composante nationale qu’à travers ses réseaux des 48 wilayas, des personnalités morales et neutres.

Pour conclure ?

L’Algérie avec des détournements qui dépassent l’imagination   humaine par leurs ampleurs, qui conduisaient le pays droit au mur, a besoin d’une nouvelle stratégie, loin des slogans creux populistes,  s’adaptant au nouveau monde qui sera dominé par le savoir (l’intelligence artificielle) , d’un retour  à la CONFIANCE pour sécuriser son  avenir. Impérativement, il ya lieu   de s’éloigner  des aléas de la mentalité rentière,  de réhabiliter la bonne gouvernance.

En cette période difficile de tensions budgétaires, personne n’ayant le monopole de la vérité et du patriotisme Il s’agit là de l’unique voie que doivent emprunter les Algériens afin de transcender leurs différence  et  trouver de nouvelles raisons de vivre harmonieusement ensemble et de construire le destin exceptionnel que nos  glorieux aînés de la génération du 1er Novembre 1954 ont voulu pour eux.

 

 

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