Yacine Oualid : « Amorcer une véritable révolution agricole fondée sur la science et la technologie »

Le secteur agricole algérien entame une nouvelle phase de transformation. Le ministre de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche, Yacine El-Mahdi Oualid, a expliqué, lors de la Conférence nationale sur la modernisation de l’agriculture tenue les 27 et 28 octobre à Alger, que cette mutation repose sur la science, la technologie et l’innovation.

La rencontre, organisée au Centre international de conférences « Abdelatif-Rahal », a réuni plusieurs membres du gouvernement, des représentants d’organismes économiques et financiers, des experts nationaux et étrangers, ainsi que des représentants d’organisations internationales.

Le ministre a présenté un état des lieux du secteur, mettant en avant plusieurs indicateurs révélant à la fois les avancées et les limites actuelles. Il a estimé nécessaire « d’amorcer une véritable révolution agricole fondée sur la science, la technologie et une volonté résolue ».

Des rendements encore faibles

En Algérie, le rendement moyen en céréales atteint environ 18 quintaux par hectare, contre plus de 35 quintaux dans des pays au climat similaire. La productivité laitière reste, elle aussi, modeste avec environ 3 000 litres par vache et par an. Le ministre a également rappelé que 20 à 30 % de la production agricole se perd chaque année, faute de moyens de stockage et de chaînes de froid suffisants.

Le taux d’utilisation des techniques modernes d’irrigation demeure limité à 15 % des superficies irriguées, alors que les ressources hydriques connaissent un recul. En outre, seuls 8,5 millions d’hectares de terres agricoles sont exploités sur l’ensemble du territoire, soit à peine 3,6 % de la superficie du pays.

Pourtant, le secteur contribue à hauteur de 14,5 % au PIB et emploie plus de 2,6 millions de personnes. Pour le ministre, « ces chiffres portent un double message: ils révèlent d’une part l’immense potentiel encore inexploité, et d’autre part l’ampleur des défis à relever ».

L’eau et la technologie au cœur du changement

La modernisation du secteur passe d’abord par une meilleure gestion de l’eau. Le ministère prévoit d’accroître le recours à l’irrigation goutte-à-goutte et à l’utilisation des eaux traitées. Actuellement, seulement 7 % des 100 milliards de mètres cubes de précipitations annuelles sont exploités.

Concernant les céréales, l’objectif est d’atteindre un rendement de 35 quintaux à l’hectare dans un délai de cinq ans. Ce résultat, selon le ministre, est « réalisable grâce à l’utilisation de semences améliorées à haut rendement, à l’adoption de l’agriculture de précision, au recours à l’intelligence artificielle et à l’amélioration de la fertilité des sols par des programmes scientifiques étudiés ».

Le ministère prévoit également la mise en place d’un système d’information national unifié pour disposer de données fiables et mettre fin aux estimations « aléatoires ». Des satellites et des drones seront utilisés pour suivre les terres agricoles, et les start-up actives dans « l’agriculture intelligente, la gestion moderne et l’amélioration de la productivité » seront intégrées dans cette démarche.

Le potentiel du Sud et des Hauts Plateaux

Le ministre a insisté sur les atouts de l’agriculture saharienne, qui dispose d’un million d’hectares exploitables pour les cultures stratégiques et de réserves d’eau souterraine considérables. Il la décrit comme un “réservoir stratégique pour la sécurité alimentaire nationale”.

Dans les Hauts Plateaux, le ministère recense 20 millions d’hectares favorables au pâturage et à la culture fourragère, ainsi que des possibilités de développer les serres photovoltaïques.

Selon M. Oualid, ces ressources permettent à l’Algérie de devenir « une puissance agricole régionale par excellence ». L’objectif est de renforcer l’investissement, notamment dans le Sud, afin de garantir la sécurité alimentaire d’une « Algérie de 65 millions d’habitants » et de développer les exportations de produits agricoles. Il souhaite aussi « consacrer un modèle agricole intelligent et durable érigeant l’Algérie en une puissance régionale dans les industries agroalimentaires à forte valeur ajoutée ».

Installation du Conseil scientifique national de la sécurité alimentaire

En marge de cette conférence, le ministre de l’Agriculture et celui de l’Enseignement supérieur, Kamel Baddari, ont procédé à l’installation du Conseil scientifique national de la sécurité alimentaire. Cet organe, présidé par Ammar Azioune, directeur du Centre national de recherche en biotechnologie, regroupe 34 chercheurs et enseignants spécialisés dans le domaine agricole, ainsi que des représentants de plusieurs ministères.

M. Azioune a indiqué que d’autres chercheurs rejoindront ce conseil à l’avenir afin d’accompagner la modernisation du secteur « à travers des méthodes fondées sur la science, le savoir et l’innovation ». Les universités et instituts apporteront leur appui scientifique pour faire face aux effets du changement climatique, qui remettent en cause les méthodes agricoles traditionnelles.

Plusieurs ateliers sont organisés dans le cadre de cette conférence. Ils portent sur l’amélioration de la production dans les filières stratégiques, la gestion durable de l’eau, la mécanisation, l’agriculture intelligente, le financement et l’assurance agricole. Les participants discutent aussi de la modernisation des marchés, de la transformation numérique, de la réforme foncière et de la gouvernance du secteur.