Iran : la troïka européenne rallume les tensions internationales 

La scène internationale connaît un regain de tensions après l’annonce par la troïka européenne (Royaume-Uni, France et Allemagne) de l’activation de la « snapback »,réimposant les sanctions internationales contre l’Iran. Cette décision a suscité de vives réactions à Téhéran et entraîné l’implication diplomatique de Moscou et de Pékin. Elle remet le projet d’accord nucléaire de 2015 au centre des débats, dans un contexte d’escalade des menaces et de chevauchement des intérêts politiques, économiques et stratégiques.

Confrontation directe entre l’Iran et l’Occident

Téhéran a lié directement l’activation de la « snapback » à son programme de missiles balistiques, estimant que l’objectif réel de la démarche européenne est de neutraliser sa capacité de défense. Le président du Parlement iranien, Mohammad Bagher Ghalibaf, a qualifié les négociations avec l’Occident de « tromperie » visant à affaiblir les capacités militaires iraniennes, affirmant que son pays ne se conformerait pas à ces décisions « illégales ».

De leur côté, Londres, Paris et Berlin cherchent à se repositionner aux côtés des États-Unis, en conditionnant toute négociation à un engagement direct avec Washington pour un gel de six mois des sanctions, reflétant une stratégie occidentale coordonnée pour soumettre l’Iran. Cette dynamique marque un passage à une confrontation ouverte qui pourrait bloquer toute reprise des négociations sur l’accord nucléaire.

Position russe et chinoise : contestation et soutien à Téhéran

La Russie et la Chine ont qualifié la décision européenne de « manœuvre juridique abusive » incompatible avec la résolution 2231 du Conseil de sécurité, qui régit le mécanisme de règlement des différends. Le ministère russe des Affaires étrangères a dénoncé un « contournement des procédures de négociation », soulignant que Londres, Paris et Berlin ont directement saisi le Conseil de sécurité sans respecter les étapes légales.

Moscou et Pékin ont proposé une extension technique du dispositif jusqu’en 2026, ouvrant une fenêtre pour une solution diplomatique, proposition qui a été rejetée, confirmant la division au sein du Conseil de sécurité. Cette polarisation favorise la formation d’un axe Téhéran-Moscou-Pékin face au bloc occidental.

Impact économique des sanctions sur l’Iran

La réimposition des sanctions pèsera lourdement sur l’économie iranienne, déjà affectée par des restrictions bancaires et la baisse des investissements étrangers. Les exportations de pétrole et de gaz devraient subir de nouvelles contraintes, malgré les mécanismes d’adaptation développés par Téhéran via le marché parallèle et certains partenaires asiatiques. Les sanctions renforceront également l’isolement vis-à-vis du système bancaire mondial (SWIFT), limitant la capacité de l’Iran à attirer des investissements ou financer des projets stratégiques.

En réponse, l’Iran a annoncé de nouveaux projets nucléaires, notamment la construction d’une centrale de 5 000 MW en coopération avec la Russie, illustrant une stratégie de renforcement des capacités plutôt que de concession.

Risques stratégiques et militaires pour la région

Téhéran a averti qu’elle considérerait toute action contre elle sur la base de ces sanctions comme un acte hostile, nécessitant une riposte. Ce positionnement ouvre la voie à des scénarios d’escalade militaire dans le Golfe, mais aussi en Irak, en Syrie et au Liban, où l’Iran dispose d’une influence importante via ses alliés.

L’insistance de l’Occident à lier le nucléaire iranien à son programme balistique complique encore les négociations futures et risque de prolonger la crise, avec des conséquences directes sur les marchés de l’énergie et la sécurité régionale.

Dans ce contexte, de nouvelles configurations stratégiques pourraient se dessiner. L’axe Russie-Chine-Iran pourrait se renforcer en matière d’énergie, de nucléaire et de capacités militaires, comme en témoigne la construction récente de petites centrales nucléaires. L’Iran pourrait également intensifier ses liens avec les pays des BRICS, notamment l’Inde, l’Afrique du Sud et le Brésil, pour contrer l’influence occidentale.

Enfin, malgré l’unité affichée, les divergences économiques au sein de l’Europe pourraient pousser certaines capitales à réviser leur position si leurs intérêts commerciaux sont affectés.

Un conflit géopolitique profond et durable

La réimposition des sanctions par la troïka européenne ne se résume donc pas à un simple différend juridique sur la « snapback ». Elle révèle la profondeur du conflit géopolitique entre grandes puissances. Et Téhéran y voit une tentative de neutraliser ses capacités défensives, tandis que l’Europe cherche à se rapprocher de Washington contre Moscou et Pékin.