Reportage/ Les monuments mégalithiques Ibarissen: Un site archéologique à l’abandon

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C’est un samedi. Le ciel  était clair. Le temps était favorable aux randonnées et aux incursions en montagne. M’hand  Messaouda, un féru d’histoire et de l’archéologie nous a proposé  de l’accompagner pour une virée à  Ibarissen, commune d’El-Kseur. Ayant déjà  accompagné  en 2011, pour quelques jours, une équipe d’universitaires  qui a effectué  une étude  dans la région, il voulait revisiter les lieux  et nous faire découvrir, à l’occasion, les célèbres  monuments mégalithiques d’Ibarissen qui continuent toujours à l’intriguer. Le chemin de wilaya N° 34 étroit et sinueux, que nous avons emprunté depuis Adekar pour rallier Ibarissen était quasiment- désert. Seuls une dizaine de véhicules ont croisé notre chemin.  Le village Ibarrisen  que nous avons atteint après une heure de trajet,  est blotti aux flancs d’un mont du même nom. A notre arrivée, nous avons trouvé  trois jeunes observant un bus qui déversait  plus d’une vingtaine de randonneurs lestés de leurs sacs à dos. Des maisons que nous longeons sur notre chemin nous parvenaient des voix de femmes. Sinon c’est le grand silence.

A la découverte des allées couvertes

Pour accéder aux monuments mégalithiques d’Ibarissen qui n’ont pas « leur pareil en Kabylie et dans le Maghreb », selon les mots de Gabriel Camps,  il faut traverser d’abord  la rivière Amourgane   et se frayer un passage sur une pente raide,  à travers d’épais buissons de lentisques, de diss et de certaines autres  espèces du couvert végétal de la région. Heureusement que mon  accompagnateur, connaissant les lieux, s’est équipé de quelques outils nécessaires pour notre exploration. Armé d’une hache et d’un sécateur, il enlevait les obstacles qui se dressaient  sur notre chemin. Très en pente, les lieux  sont difficilement accessibles. A près quelques efforts et quelques égratignures, nous nous retrouvons devant les premiers vestiges de qui ce constituait « les 6 allées couvertes  d’ibarissen» qui n’ont pas à ce jour livré tout leur secret. Si certaines structures sont encore intacts, d’autres se sont totalement effondrées aussi par  l’usure du temps que par l’action de l’homme. D’ailleurs, dans le village  certaines vielles femmes  font encore référence  à  vagues  « Imsiliyen » qui auraient, à une  époque donné, prélevé sur le site, des pierres pour leurs besoins. Toutefois, on peut y voir  aujourd’hui encore,  des rangées de dalles de pierres de dimensions impressionnantes bien agencées constituant des structures dont l’utilité et l’époque de leur construction départagent encore les archéologues. Dans le périmètre que nous avons visité, à deux endroits,  sous ces dalles de pierres, on y trouve des sortes de chambres dont l’entrée présente une forme triangulaire.  Ces entrées ont approximativement une largeur d’un mètre à un mètre cinquante en bas, mais elles sont   très rétrécies en haut. Ces chambres s’enfoncent dans le flanc de la montagne comme des galeries de mine. L’entrée de l’une de ces chambres s’est effondrée  ce qui rend son accès difficile, mais l’autre chambre  est intacte et  se prête aisément à la visite. Avec précaution  pour éviter de se blesser la tête sur les  parois rocheuses qui nous enserrent, nous avons, à l’aide des torches de nos portables, exploré l’intérieur de cette chambre que certains archéologues  considèrent comme  une sépulture.

Un site abandonné

Allées couvertes, monuments funéraires,  monuments mégalithiques, village troglodyte…les qualificatifs décrivant le site d’Ibarissen sont aussi nombreux que ces allées. Les mêmes qualificatifs ont été donnés aux monuments d’Ath Rhouna (Azeffoun),  mais il reste qu’à ce jour, aucune étude sérieuse n’a été entreprise pour faire toute la lumière sur ce site que certains archéologues font remonter au 3e siècle avant J-C.  Le site aujourd’hui est totalement à l’abandon comme on a pu le constater  de visu !  Il est totalement envahi par le maquis. Seuls quelques chevriers, et de temps en temps, des touristes curieux s y rendent. Djaafar si Amer qui  a  travaillé sur le site pendant plusieurs mois en 2011 pour le besoin de sa thèse (une étude comparative entre le site d’Ibarissent et celui d’ath Rhouna), nous a fait savoir, lors de notre rencontre à  Azazga que son équipe n’a  absolument rien  trouvé sur les périmètres fouillés : ni ossements humains, ni autres restes. Ce qui ne veut pas dire, pour autant qu’il n avait pas ou qu’il n y pas de restes.  Outre le fait  que  des restes auraient pus être détruits par les nombreux  visiteurs, des lieux à travers les siècles, le site n’a pas bénéficié encore de  véritables fouilles archéologiques conduites par des chercheurs financés par des organismes étatiques. C’est regrettable de laisser de tels patrimoine à l’abandon, mais c’est connu, en Algérie, il n’existe de volonté politique réelle pour  investir, valoriser, protéger et faire sortir de l’ombre le  patrimoine archéologique.

Le rite d’incubation

Les deux monuments mégalithiques d’Ibarissen considérés  comme des chambres funéraires contiennent à 7 mètres et demi de l’entrée une cavité auxquelles ont ne peut accéder qu’en s’accroupissant. Cette cavité qui s’enfonce  dans l’une des parois du monument servirait selon certains chercheurs, à l’image de Gabriel Camps  et de Jean Laporte, aux rites d’incubation qui sont encore  en usage dans certains villages Kabyles, sous un cachet  islamique. Ce rite  consiste à dormir seul dans un sanctuaire, une grotte ou un quelconque lieu sacré pour demander la guérison d’une maladie.

 

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