Stratégie de l’OPEP face aux pressions américaines, déterminants du cours du pétrole et impact sur l’économie algérienne

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Déclaration rapportée par plusieurs agences de presse nationale et internationale, selon le directeur général du Trésor public, le gouvernement envisagerait sérieusement d’abonner le recours au financement non conventionnel  et pourrait même intervenir, dans soixante jours, c’est-à-dire à partir de janvier 2019. Les prévisions du DG du trésor seront fonction du cours du pétrole/gaz et sont en contradiction avec les prévisions de l’avant projet de loi de finances 2019. Or, alors que Le Brent a atteint le 3 octobre un pic de 86,74 dollars Le cours du pétrole à l’ouverture du 02 novembre 2018 ( 9h) a été coté à 72,89 dollars le Brent (63,70 euros) et 63,53 dollars le Wit (55,52 euros) avec un cours dollar/euro 1,1401, et pour le dinar algérien cours Forex 118,60 dinars un dollar et 135,67 dinars un euro avec 210 dinars un  euro et 181 dinars un dollar sur le marché parallèle( cours achat).

Professeur des Universités, expert international Dr Abderrahmane MEBTOUL

1.-Le huit déterminants du cours du pétrole

Selon le rapport mensuel de septembre de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), au mois d’août 2018,  pour la première fois, la barre des 100 millions de barils produits par jour a été franchie, la consommation mondiale de pétrole ayant  représenté  97,4 millions de barils par jour (mbj) en 2017 (dont 57 mbj par les pays hors OPEP), soit l’équivalent de 1.127 barils ou 179.000 litres par seconde. Aussi, malgré les engagements de l’accord de Paris (COP21) de décembre 2015 (entré en vigueur en novembre 2016), la prise de conscience planétaire pour le climat ne semble pas atteindre le secteur des hydrocarbures. Aussi je recense huit raisons qui déterminent le cours actuel. 

La première  raison, comme  le souligne les rapports internationaux dont  celui de    la Banque mondiale est une reprise de la croissance pour 2018, mais avec une prévision de ralentissement pour 2019/2020.  Bon  nombre d’experts internationaux ainsi que  des institutions internationales comme le FMI, la Banque mondiale prévoient  une éventuelle crise mondiale horizon 2020/2025 en cas d’accélérations des mesures protectionnistes entre les Usa/Europe, USA/Chine. Par ailleurs, le dernier rapport  de l’AIE d’octobre 2018 met en garde  les pays dépendant de la rente des hydrocarbures, du fait  d’une modification de la trajectoire de la croissance  fondée sur l’économie de la connaissance, d’une nouvelle configuration de la demande énergétique mondiale (efficacité énergétique, énergies renouvelables, entrée de l’hydrogène horizon 2030) qui impactera la demande d’hydrocarbures traditionnels

La deuxième  raison, est le respect, globalement, du quota des membres de l’Opep décidé en décembre 2016 à Vienne avec des notamment de l’Arabie saoudite. La répartition des quotas de l’Opep a été la suivante :l’Algérie dispose d’un quota de 1,089 million de barils jour, avec une réduction de 50.000 barils/jour son quota passe à 1,039 million barils/j,-L’Angola  passant de 1,751 million barils/jour à 1,679 barils/j,’Arabie Saoudite passant de 10, 544 million barils/j à 10,058 barils/j, les Emiraties Arabes Unies passant de 3,013 barils/j à 2,874 barils/jour, l’Equateur passant de 548.000 barils/jour à 522.000 barils/j, le Gabon de 202.000 barils jour à 193.000 barils/jour, l’Iran de 3,975 millions barils/jour à 3,797 millions barils/j, l’Irak de 4,561 millions barils/j à 4,351 millions barils/j, le Koweït de 2,838 millions barils/j à 2, 707 millions barils/j, le Qatar (pays essentiellement gazier 3ème réserve mondiale de gaz traditionnel après la Russie et l’Iran), 648.000 barils/j à 618.000 barils/j, le Venezuela, paradoxe le premier réservoir de pétrole mondial avant l’Arabie Saoudite mais un pétrole lourd actuellement en semi-faillite, de 2,067 millions de barils/j à 1,972 millions de barils jour. Les  autres pays hors OPEP concernés par l’accord conclu sont : la Russie 300.000 barils jour de réduction dont la production russe de pétrole, le Mexique (2,1 Mb/j en octobre/novembre 2016)le Kazakhstan (1,7 Mb/j), Oman (1 Mb/j), l’Azerbaïdjan (0,8 Mb/j,)  la Malaisie (0,7 Mb/j), la Guinée équatoriale (0,2 Mb/j), le Soudan du Sud (0,1 Mb/j),  le Soudan (0,1 Mb/j)  et  le Brunei (0,1 Mb/j). Dans les faits, l’essentiel de cette baisse est assuré par les deux plus grands producteurs de ce groupe hétérogène : la Russie (- 0,3 Mb/j) et le Mexique (- 0,1 Mb/j). Encore que  les tensions actuelles  entre Iran entre l’Iran et l’Arabie saoudite peuvent  engendrer   une mésentente au niveau de l’Opep. La troisième  raison, est l’entente hors Opep entre l’Arabie saoudite et la Russie, ces deux pays produisant plus de 10 millions de baril/ jour. Et toute décision contraire de ces deux pays  impactera à la baisse le cours des hydrocarbures.

 La  quatrième   raison, est la situation politique en Arabie saoudite, les Bourses ne voyant pas encore clair de l’action du prince héritier, avec la crainte de tensions politiques internes, mais surtout de la vente de 5% d’actions d’une partie de la grande société Aramco, afin de maintenir l’action à un niveau élevé, vente qui a été reportée.

 La cinquième  raison, est la tension au Kurdistan, cette zone produisant environ 500 000 barils/jour, la baisse de la production vénézuélienne, les tensions en Libye et au Nigeria La sixième  raison, est le discours du président américain vis-à-vis de l’Accord avec l’Iran, dont les sanctions commenceront en novembre 2018, certes atténué par la position européenne qui a décidé de mettre en place un système de troc pour contourner les transactions en dollars, et également el  le marché  chinois ou les iraniens peuvent se faire payer en yuans.

 La  septième  raison, est la faiblesse du dollar par rapport à l’euro

 La huitième  raison, est la baisse ou la hausse  des stocks américains, tout en n’oubliant pas les stocks chinois  A court terme, les huit  raisons invoquées précédemment peuvent pousser soit à la hausse ou à la baisse le cours du pétrole, certains facteurs étant plus prépondérants que d’autres. (voir contribution internationale du professeur Abderrahmane Mebtoul Mena/Forum- diffusion internationale Londres/Bruxelles  « The eight factors determining the price of oil by Dr A. Mebtoul | Nov 1, 2018 | 

2- l’OPEP face aux pressions américaines

Selon lagence Reuters en moyenne octobre 2018, L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a extrait 33,31 millions de barils par jour (bpj) soit 390.000 bpj de plus qu’en septembre. une partie du supplément de production de l’Opep provenant  de la République du Congo et de la Guinée Equatoriale, qui ont rejoint l’organisation en 2018 et 2017, mais bon nombre de  pays  de lOPEP  nont pas respecté  les quotasAinsiles EAU a connu   une augmentation de la production de 200.000 bpj à 3,25 millions de bpj, la  Libye  avec une production de 1,22 million de bpj en moyenne, en hausse de 170.000 bpj, alors que la production de lIran  a connu une diminution  de 100.000 bpj,  recul  inférieur aux  anticipations. Hors Opep, la Russie a produit 11,41 millions de bpj,  avec 11,36 millions de bpj en septembre 2018. Le ministre de l’Energie de l’Arabie saoudite a fait savoir le 30 octobre 2018 sous pression américaine de porter la production d’or noir à 12 millions de barils par jour contre 10,7 millions actuellement, pour combler la production iranienne et dans ce cas il sera suivi par la Russie qui ne veut pas perdre des parts de marché.  Dans cette hypothèse  le cours du Brent  devrait  fluctuer, sauf crise mondiale majeure où le prix pourrait descendre en dessous de 60 dollars,  entre 65/75 dollars,  70 dollars le baril, étant le  prix d’équilibre afin de ne pas pénaliser ni les pays consommateurs ni les pays producteurs . Tout en rappelant qu’un prix supérieur à 60 dollars  devrait entrainer  l’entrée massive du pétrole et du gaz de schiste US dont les gisements marginaux, qui sont les plus nombreux, deviennent rentables avec une production supérieure à 10 millions de barils/jour. En août 2018, selon l’Agence américaine d’information sur l’énergie (EIA), les USA sont   devenus le premier producteur mondial de pétrole, devant la Russie et l’Arabie saoudite, avec 10,9 millions de barils par jour et  cette production devrait même dépasser 11,5 millions de barils par jour en 2019.

3.-Quel impact pour l’Algérie ?

Une hausse d’un dollar en moyenne annuelle procure entre 500-600 millions de dollars supplémentaires à l’Algérie soit à 70 dollars entre 10/ 12  milliards de dollars/an en référence à la loi de finances établie à 50 dollars, soit entre  1080 et  1420 milliards de dinars supplémentaire par  rapport au plancher de 50 dollars  permettant de limiter le financement non conventionnel mais montant insuffisant, sous réserve d’une stabilité cours dinar/dollar, car l’artifice comptable du dérapage du dinar par rapport au dollar voile réduit artificiellement le déficit du trésor. Par  exemple avec un cours de 100 dinars un dollar, le déficit serait en augmentation de près de 20% avoisinant 21,24 milliards de dollars par rapport au cours actuel  alors que selon le  PLF2019  le   déficit  du trésor serait d’environ 18 milliards de dollars (au cours achat du 01/11/2018 , 118, 9822 un dollar ), ce qui laisse prévoir le  recours à sa monétisation par le biais de la planche à billets. et . Contrairement aux prévisions  du directeur général du trésor, sauf dans l’hypothèse d’une plus grande rigueur budgétaire pour lutter contre les surcoûts, une meilleure allocation des ressources financières supposant une planification stratégique,  la lutte contre la corruption et  cibler les subventions,  Il   faudrait en 2019 un cours d’environ 95/100  dollars le baril pour ne pas puiser dans les réserves de change et ne pas utiliser le financement non conventionnel, en n’oubliant pas que 33% des recettes de Sonatrach proviennent du gaz dont le cours fluctue entre 2,8 et 3,2  dollars le MBU en baisse d’environ 40% en référence à 2010. 

Dans l’avant projet de loi de finances 2019,  les transferts sociaux budgétisés pour 2019 s’élèveront à 1772,5 milliards de dinars, représentant 8,2% du PIB et d’environ  21% de la totalité du budget de l’Etat en hausse de 12,5 milliards (+0,7%) par rapport à  2018. Le taux des transferts sociaux avait atteint 22,8% du budget général de l’Etat sur la période 2000-2004, puis 24,5% sur la période 2005-2009, puis 25% du budget de l’Etat en 2010-2015 et 23% entre 2016 et 2017Cependant,  il faut éviter à tout prix de vivre de l’illusion de la rente éternelle et penser en urgence, pour des raisons de sécurité nationale à un nouveau modèle de consommation énergétique (mix énergétique dont l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables dont le coût a diminué de plus de 50%) et surtout à une stratégie de développement hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales, supposant de profondes réformes structurelles, le statu quo et l’immobilisme conduisant forcément à l’épuisement des réserves de change horizon  2022. 

Les réserves de change ont évolué ainsi : 2012 :190,6 milliards de dollars, 2013 :194,0 milliard de dollars, 2014 :178,9 milliards de dollars, 2015 :144,1 milliards de dollars, 2016 : 114,1 milliards de dollars, 2017 : 97,3 milliards de dollars. Selon la banque d’Algérie,  bilan du premier semestre 2018,  par rapport à fin décembre 2017, les réserves de change se sont contractées de 8,72 milliards de dollars en passant de 97,33 milliards à fin décembre 2017 à 88,61 milliards à fin juin 2018, ce qui donnerait fin 2018, selon la même tendance   un montant d’environ 77/79   milliards de dollars. Selon le PLF  comme incidence, l’encours des réserves de change sera impacté et se contracterait à 62, milliards de dollars en 2019,  47.8 en 2020 et à  33.8 milliards de dollars en 2021, le FMI prévoyant 12 milliards de dollars courant 2022..

Contrairement  aux discours politiques, existent des liens, outre l’impact inflationniste à terme, (déséquilibre offre/demande) entre le financement non conventionnel et la baisse des réserves de change puisque plus de 80% des matières premières et équipements sont importés et en mettant à la disposition des opérateurs des dinars, ceux-ci peuvent importer  impactant la balance devises.  Cela influe sur le taux de change corrélé aux réserves de change via les recettes d’hydrocarbures à plus de 70%. .Ce dérapage du dinar (la banque d’Algérie parle de glissement) permet de gonfler la fiscalité hydrocarbures libellées en dollars et la fiscalité ordinaire libellée en euros, les taxes au port s’appliquant à un dinar déprécié, voilant l’importance réelle du déficit budgétaire, réalisant pour la partie qui s’adresse aux biens de consommations une épargne forcée   [email protected]

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