Guerre d’indépendance: La Bataille de Tihriqine, 27 octobre 1958

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Soixante ans après sa survenue la bataille de Tihriqine reste encore dans les mémoires. Les deux documentaires qui lui sont consacrés, l’un réalisée par l’APC de Tifra et l’autre par la société cinématographique Miche Pro, en plus de la rendre lisible et visible pour les nouvelles générations, lui ont restitué son importance et sa place dans l’histoire de la guerre de l’indépendance.  

Accrochés et assiégés depuis le 24 octobre 1958 par l’armée française au cœur de l’Akfadou suite à l’opération ‘’Brumaire’’, les moudjahidin ont reçu ordre de se disperser à travers la région de la wilaya III afin d’éviter de subir de grandes pertes en effectif.

Trois compagnies de 120 djounouds chacune ont fait halte l’après-midi du 26 octobre 1958 au village de Tifra en quête d’un peu de repos et de sérénité, comme le rapporte le poème qu’on se répète encore dans la  localité. La première compagnie a élu domicile à Tala-n-Yeghzer, la seconde à Taberdjetz et la troisième à Tizi-n-Tifra.

Le lendemain, le mardi 27 octobre 1958 à l’aube, les sentinelles postées à Ighil-Ufella et Assam, ont été surprises par l’arrivée en masse de troupes de l’armée françaises venant d’Adekar. Ces sentinelles ont tiré des feux nourris en guise d’alerte aux trois compagnies. Les premiers accrochages furent d’une violence inouïe et de nombreux tués furent enregistrés des deux côtés.

En alerte et jugeant l’ampleur des forces armées françaises dépêchées, les officiers des trois compagnies ont instruit leurs combattants de quitter les lieux en empruntant les sentiers abrupts menant loin du village. La compagnie de Tizi s’évanouit vers les lieux-dits Aherdub, Anzaymu et Tawrirt-n-Waεraben et vers Laεzib-Izughlamlen ; les deuxième et les troisième compagnies ont détalé vers le vallon au bas côté du village de Tifra vers Birdat, Bumaden, Nador, Tihriqin, Umlil …

Les trois compagnies se retrouvèrent encerclées de toutes parts par les troupes venant du nord (Adekar et Tawrirt-n-Ighil),  du sud (Remila et Sidi-Aïch), de l’ouest (Tinebdar) et de l’est (Fenaïa). Le détachement du PGA  « Poste de Garde Avancé » de l’armée coloniale auprès du commandant de l’opération a pris pour quartier général le mont At-Atman dominant sur l’axe sud/nord le champ de la bataille dans sa globalité et coordonnant les actions de l’artillerie et de l’escadrille d’appui.

Pris dans la tenaille, les quelques 420 moudjahidines n’ont d’autre choix que le combat. En quelques instants les premiers accrochages eurent lieu et une grande bataille impitoyable est déclenchée.

Les troupes françaises évaluées à plusieurs dizaines de milliers (10 000, selon les estimations des moudjanhines ayant participé à cette bataille »  de soldats qui revenaient de l’opération « Brouillard »sont appuyées par l’artillerie qui pilonnait depuis les bases de Timzaghra (Sidi-Aïch), de Remila, de Tawrirt-n-Ighil, de Tasta-El-Azla (Akfadou), d’Asserdun (Tinebdar).

Avec une franche différence en armement (kalachnikov pour certains, quelques mitrailleuses et des fusils de chasses), les combattants de l’ALN ont résisté vaillamment devant  ces forces coloniales armées jusqu’aux dents.

En plus de l’infanterie, 16 avions, des T6, des Bananes et des Alouettes, mobilisés depuis la base ALAT de Sétif, n’arrêtaient pas de bombarder les lieux de la bataille durant toute la journée ne laissant aux moudjahidine qu’un faible champ d’initiative. Devant cette pluie de bombes qui arrivaient de partout, ces derniers n’avaient plus qu’à se terrer dans des ravins, sous des oliviers, dans des combes, les maquis et autres caches, d’autant que les soldats français se sont repliés laissant libre cours à l’aviation pour un global  pilonnage des lieux.

La bataille se poursuit dans l’après-midi par d’autres engagements, après que les bombardements cessèrent.  Beaucoup d’accrochages eurent lieu encore, en dépit du fait que les officiers de l’armée coloniale croyaient avoir tout rasé. Quelle fut leur grande surprise d’être accrochés de plus belle manière encore ! Les combattants de l’ALN, ayant constaté leur encerclement et leurs chances infimes de s’en sortir, décidèrent de donner l’assaut dans l’espoir d’ouvrir des brèches pour fuir, au lieu d’attendre leur dernière heure sous les intenses bombardements. C’était peine perdue, tant l’étau est si serré. Les moudjahidin se retrouvèrent alors sur tous les fronts face à face aux troupes de l’ennemi. Des accrochages, des attaques, des intrusions, des escarmouches… La bataille bat son plein.

A la tombée de la nuit, les combats  s’amenuisent jusqu’à ce que les tirs cessent partout.

C’est la délivrance pour les moudjahidines encore vivants. Ils ont profité de l’obscurité de la nuit tombante pour fuir des mailles de l’ennemi et rejoindre la vaste forêt de l’Akfadou  qui était leur seul salut.

De grosses pertes ont été enregistrées chez les moudjahidines. Beaucoup d’entre  eux ont été déchiquetés par les bombes ; beaucoup d’autres brûlés au napalm déversé par les avions ; d’autres touchés mortellement par les balles ennemies.

87 chouhadas tombèrent ce jour-là, et des dizaines de blessés ont été dénombrés dans les rangs de l’ALN.

Côté forces coloniales, rien n’a filtré comme c’était la pratique courante. Mais, il est indéniable qu’un nombre important de soldats français furent  tués, vu l’atrocité et la durée des combats. Le lendemain, les forces françaises, campées toujours sur leurs positions de la veille, ont effectué un ratissage au peigne fin venant de Remila jusqu’à Tifra, accompagnées de chiens ; elles ont réussi à débusquer les moudjahidin blessés qui se sont cachés, achevant beaucoup d’entre eux  de sang froid. Beaucoup de ces malchanceux infortunés furent prisonniers et trainés au milieu du village pour subir l’humiliation la plus abjecte devant les vieux, les enfants et les femmes du village. L’après-midi, ils furent emmenés au Poste de Tiz-Tifra pour subir des tortures les plus atroces. Des témoins affirment avoir assisté à l’exécution sommaire de plusieurs prisonniers ce jour-là, car c’est à eux qu’est advenue la tâche d’enterrement les exécutés.

Après avoir assouvi leur soif de sang, les militaires français ont sommé les villageois civils à aller vers Tihriqin, les lieux de la bataille, pour ramasser les morts et les enterrer. Les villageois ne pouvaient pas imaginer l’effroi et l’horreur qui les attendaient. Un vrai carnage ! Il a fallu trois jours de rudes efforts pour venir à bout des cadavres dont la plupart étaient déchiquetés.

Comme à l’accoutumée , l’armée coloniale s’est adonnée  le 30 octobre 1958 et les jours qui suivirent à des expéditions punitives sur la population de Tifra accusée d’avoir hébergé, nourri et ravitaillé les trois compagnies de l’ALN. Des exécutions (égorgements), des tortures (électricité, savon, géhenne, pinces, suspensions… tout un arsenal de savoir-faire en matière de supplices est déployé pour venger lâchement les grosses pertes que l’armée coloniale a eu à subir lors de cette bataille historique.

Aujourd’hui encore des tombes de martyrs inconnus jonchent les champs gavés de sang libérateur de Tihriqine.

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