Entretien avec Ahcène Mariche, Poète écrivain « Quand je crois en quelque chose ou en un rêve, je fais tout pour le concrétiser »

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Ahcène Mariche est né le 21 février 1967 à Tala Toulmouts, commune Tizi Rached (Tizi-Ouzou). Il est Professeur de physique, poète, acteur, animateur radio sur radio Idurar, consultant à la chaine TV4 et présentateur d’une émission de poésie sur berbère tv. Sa première publication « Sidi Valentin » sortie aux USA à l’université de Corvallis date de 2005. C’est un auteur prolifique et polyvalent, il nous parle ici de son travail d’écriture auquel il s’attache avec passion.

L’express Dz : Vous êtes auteur d’une trentaine d’ouvrages et vous vous apprêtez à éditer d’autres ouvrages pour septembre prochain. Vous êtes ce qu’on appelle un auteur prolifique !

Ahcène Mariche : L’inspiration est omniprésente dans ma vie et surtout que les évènements et soucis ne manquent pas alors je n’ai qu’à saisir l’occasion de noircir mes pages et même dans le noir épais de la nuit que j’adore vraiment. Cela fait 36 ans depuis que j’écris, et juste 15 ans depuis que j’édite alors la source des idées me force la main et m’abreuve de volonté d’ajouter toujours quelque chose à l’édifice de notre culture et dans sa langue originelle. Moi le féru des voyages et des langues étrangères aussi, j’entreprends toujours de traduire mes livres en d’autres langues pour donner aussi des ailes à notre chère langue qui a longtemps vécu dans l’oralité. J’ai réussi à faire traduire 05 livres en français, 03 en anglais, 03 en arabe. Comme aussi j’ai pensé aux gens qui, ne savent pas lire en tamazight, je leur ai édité deux cd de ma poésie accompagnée de musique « SLAM ». Je me suis attelé à un travail de recherche et de collecte dans nos villages chez les vieux et vielles. J’ai pu recueillir 1200 devinettes et j’ai édité deux livres, j’ai recueilli 03 contes de chez ma mère que j’ai édité aussi pour nos enfants. J’ai  également édité  des recueils de citations des animaux, des objets et des organes en livres et en boite de cartes de jeux pédagogiques destinés aux enfants, la famille et même aux enseignants. Ces dernières années mes enfants me sont aussi une source d’inspiration pour satisfaire leur besoins sur le plan culturel, littéraire et pédagogique.

Vous faite feu de tout bois. Vous avez une levure magique pour produire autant d’ouvrage ? 

Tout m’intéresse et toute chose a sa relative importance. Il suffit que mes yeux braquent sur quelque chose que j’arrive à lui trouver son importance, son utilité et sa place dans notre champ culturel pédagogique ou artistique.

Ma levure magique c’est mon amour pour ma culture, ma passion pour Taqbaylit puis je suis tenace. Quand je crois en quelque chose ou en un rêve, je fais tout pour le concrétiser même au détriment de ma santé ou de mon temps. Comme disait Saint Augustin : « aimes et fait ce que tu veux »

 Je ne suis tranquille que quand je vois l’objet de mon rêve entre mes mains. J’oublie la souffrance, la fatigue et le bonheur prend place. C’est comme une femme enceinte qui durant les 09 mois de grossesse elle souffre, l’accouchement est plus difficile, mais une fois qu’elle a le bébé entre les mains, elle oublie tout, son bonheur est là. 

Outre d’être prolifique, vous êtes polyvalent, vous écrivez de la poésie, des devinettes, des proverbes, des jeux … vous êtes comme « Tes nuits », volubile ?  Pourquoi ce brassage, alors que vous qui aimez les proverbes, savez pertinemment que « Qui trop embrasse mal étreint « ?

Je suis né et j’ai grandi dans une famille où la culture est reine, c’est tout le monde qui veille sur elle. Mes grands-parents, mes parents et même entre frères et sœurs on s’est abreuvé de cette source intarissable. Chaque genre à sa beauté, son importance et ses moments. Mon grand-père Ali n Said DENDEN était déjà un grand poète, ma grand-mère a une grande mémoire comme mes parents aussi. Alors à chaque moment, il y’a quelque chose qui s’impose dans notre vie, soit contes, devinettes, jeux, citations, proverbes et poèmes anciens. Je n’ai jamais voulu faire tout cela en même temps. Mais en faisant quelque chose, je rencontre autre chose que je trouve de valeur alors elle se rajoute et comme ça, de fil en aiguille j’ai touché à tout et de chaque domaine j’ai beaucoup appris et ça m’enchante à chaque fois et je me dis Ah ! Là j’ai encore réussi à faire arracher cela a l’oubli, à la disparition. 

Tout ce que je fais comme passions s’entremêlent, se complètent et m’enrichissent vraiment et ça donne du poids et du sens à chaque travail.

Cette soif d’écrire et de produire répond certainement à projet culturel et littéraire ? Quel but assignez-vous à votre écriture ?

La soif d’écrire, je l’ai eu en étant déjà au primaire, puis elle grandit et de plus en plus, elle prend des proportions importantes. C’est déjà un plaisir de le faire, puis c’est un devoir pour ma culture. On est tous redevable d’écrire pour sauver ce qui reste surtout de chez nos parents et vieux. Ce manque je l’ai vu surtout à l’école en tant que professeur en côtoyant les professeurs de Tamazight, puis en côtoyant les étudiants de langue et culture Amazighe et même chez les élèves et parents aussi lors de mes ventes dédicaces un peu partout en Kabylie. 

Je veux que nos valeurs, nos us, nos coutumes, jeux, proverbes, devinettes citations, notre vocabulaire soient connus de nos enfants, et trouvent tous les supports qu’il faut dans la pédagogie. J’ai déjà tiré une sonnette d’alarme dans plusieurs poèmes et dans plusieurs émissions et interview. 

Mes productions, et éditions je les ai faites en majorité à compte d’auteur, avec mes propres moyens. Pourvu que ma culture avance.

Vous avez déclaré que vous allez publier un recueil colossal de proverbes en kabyle ? 

J’ai réussi à recueillir plus de 7000 proverbes kabyles en passant par les villages de la Kabylie, lors des festivals et fêtes culturelles et je profite de chaque rencontre et de chaque discussion pour inscrire ces proverbes et je remercie au passage toutes les personnes qui m’ont donné même un proverbe et un merci spécial pour ma défunte mère qui m’a donné plus de 1000 ainsi que d’autres choses culturelles.  Tout s’est passé de bouche à oreille, de Tizi-Ouzou  à Bejaia, de Sétif à Bordj Bou-Arreridj, de Bouira à Boumerdes et même dans d’autres villes. Ce livre est déjà chez l’imprimeur, et sortira incessamment sous le titre de « TAQBAYLT S YINZAN », un travail de 36 ans de recherches, depuis que j’étais au lycée. Ce sont des proverbes originaux kabyles, vu que je les ai recueillis chez des vieux dont la majorité est analphabète. Je suis sûr que je n’ai pris qu’une goutte de notre océan culturel, j’appelle les autres à continuer.

Vous écrivez en Tamazight et en Français et vos ouvrages sont pour la plupart traduits en plusieurs langues. Dans quelle langue marchent-ils le plus ?

Lors de mes sorties culturelles je présente mes livres en quatre langues, Tamazight, Français, Anglais et Arabe. Ça dépend des régions, des évènements où je me déplace. Mais ce qui est vraiment remarquable, c’est le Tamazight et le Français, puis l’anglais et l’arabe. La preuve mes livres en Tamazight je les ai tous réédité minimum 3 à 4 fois, en français 4 fois, en anglais 03 fois par contre en arabe je ne les ai pas encore réédité.

Votre premier amour reste quand même la poésie Kabyle. Quel regard portez-vous sur l’évolution actuelle de cette poésie et de la littérature amazighe en général?

La poésie kabyle a connu un vrai sursaut en qualité et en quantité aussi. Avec les festivals de poésie qui existent un peu partout en Kabylie et maintenant même dans les fêtes culturelles au niveau des villages cela a aidé à l’émergence de pas mal  de jeunes poètes qui ont de véritables talents et dont la majorité sont des étudiants dans divers domaines.

J’ai été plusieurs fois président de jury dans plusieurs concours de poésie, dans plusieurs universités et festivals. J’ai invité plusieurs fois des jeunes poètes dans mon émission de télé sur berbère tv « Tighri n Umedyaz » comme j’ai préfacé plusieurs livres pour des poètes et aidé plus de 50 poètes à éditer leurs livres. Je suis plus que satisfait. Tant qu’il y’a des gens qui écrivent et des éditeurs qui éditent c’est un bonheur, le reste on le laissera au temps et aux spécialistes en la matière.

Ces dernières années, on voit plein de spécialistes écrire et éditer chacun dans sa spécialité et c’est ce qui fait plaisir et ça enrichi la bibliothèque Amazighe. Tamazight a de l’avenir devant elle grâce à ses enfants qui la porte dans leur sang et dans leur cœur.

On nous a dit que vous êtes un auteur qui aime faire des confidences  à ses fans mais qui parlent souvent de ses contusions. Est-ce vrai ?

Certes, oui. Les moments que j’aime le plus dans ma vie c’est quand je suis avec les gens qui adorent la poésie et quand ce sont mes fans c’est encore super. Que ce soit sur scène, ou à côté ou autour de moi, j’adore leur raconter des confidences concernant ma vie et mon œuvre. Vous le savez, comme on le dit en kabyle « d lemhan i yessefruyen ». « Ce sont nos malheurs, nos déceptions, nos blessures et contusions qui nous font parler et c’est ce qui plais aux fans car ils se retrouvent et s’identifient même. C’est bien notre dénominateur commun et pour cela, je suis très sincère avec eux, je leur raconte tout, j’adore leur faire plaisir. Aussi des fois, ils me racontent un peu leurs histoires, soucis et déboires et cela m’inspire aussi. J’essaie de les aider comme je peux. Il y’a une vraie complicité entre moi et mes fans.

Certainement y a encore de nouveaux projets pour la rentrée sociale ?

Plein même, et cette fois ci je ne suis pas resté que dans la collecte, j’ai terminé quatre nouveaux livres de devinettes en kabyle et de ma propre création que j’ai traduit en français, anglais et arabe  et sortiront sous le titre  « TIMSAARAQ N MASS MARICHE »  « LES DEVINETTES DE MR MARICHE »  en livre et en boite de carte de jeux.

Comme aussi la version anglaise de « Tazlagt n Tikta » vient d’être achevée en anglais par Ghalia BEDRANI professeur à l’université de Tizi Ouzou. Un nouveau recueil de poésie en kabyle est fin prêt aussi et attend depuis des années déjà. Deux contes illustrés que m’a racontés ma mère en kabyle, qu’on a traduit en français, en anglais et en arabe seront sur le marché aussi

J’ai conçu aussi un ouvrage de poèmes pédagogique qui servira comme outil didactique aux professeurs de français dans les différents paliers avec des thèmes et sujets variés et étudiés. Ce sont des poèmes choisis de mes cinq recueils en langue française ; préfacé et postfacé par des spécialistes en la matière. Je reproduirai la même expérience en langue Tamazight et en langue Anglaise.

Je compte aussi enregistrer un nouveau cd slam de ma poésie en kabyle qui va s’ajouter à mes deux premiers.

Je vous laisse conclure

Un grand merci à vous, à tous les responsables de notre cher journal de m’avoir ouvert vos colonnes et un salut poétique à tous vos lecteurs. Je n’omettrais pas de remercier vivement Smail Benhamna, Youcef Aouchiche, Farid Rabia, Lounes Amziane, Idir Bellali, Nabil Boudraa et Yousef Saiah pour leur précieuse aide.

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