EXCLUSIF/L’«industrie du rapt» rapporte gros à Al Qaïda: les secrets du troc, «terroristes contre otages», dévoilés

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 Ce que nous avions pressenti a été juste. Dans un précédent article sur l’étrange libération de quatre otages, dont l’humanitaire franco-suisse, Sophie Pétronin, et le leader de l’opposition malienne, Soumaïla Cissé, nous avions parlé d’une rançon versée aux preneurs d’otages, sans en connaitre le montant avec exactitude. Nous nous sommes surtout appesantis sur cette extravagance qui a consisté à libérer plus de 100 détenus liés à des faits terroristes pour obtenir la libération de 4 otages.

 Aujourd’hui, deux semaines après la curieuse transaction opérée sur pression de l’Elysée, on en sait un peu plus. Les langues se délient peu à peu, les premières révélations sont connues et les otages ont laissé passer quelques propos qui ont révélé le fonds secret des choses. Et les révélations ont dépassés tout entendement.

 Pour aboutir à un résultat d’une extravagance jamais vu dans les annales mondiales de ce type de pacte, une vingtaine d’hommes, hommes politiques maliens, hommes d’affaires, officiers du renseignement, maliens et français, et surtout les intermédiaires du Nord-Mali, ont permis la libération médiatisée de Pétronin, qui, entre temps (détenue depuis 2016) a eu largement le temps de prendre corps avec ses ravisseurs et d’embrasser l’islam, et les trois autres otages.

   Autre homme fort de la médiation, Chérif Ould Tahar. Le Premier ministre malien, Boubou Cissé, lui a signé un ordre de mission lui donnant « autorisation et mandat » pour « conduire toutes les démarches et formalités et conclure tous actes nécessaires » afin d’obtenir la libération de Soumaïla Cissé.

    Un autre homme de l’ombre a joué de son volumineux carnet d’adresses. Il s’agit de Moustapha Chafiï, ancien conseiller spécial de l’ex-président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, un homme de réseaux très proche, grâce à son argent et à son entregent, des milieux islamistes au Nord-Mali. De Doha, au Qatar, où il réside (il était recherché en Mauritanie, mais semble avoir réglé ses problèmes avec le nouveau locataire du palais présidentiel à Nouakchott), Chafiï actionné ses réseaux dans le Sahel pour faire avancer les choses, à la demande d’un ami à Soumaïla Cissé.

 D’après les informations de « La Lettre Confidentielle du Mali », dirigé par Serge Daniel, Tidjani Ben Alhoussein, homme d’affaires malien basé en Mauritanie, a été lui aussi, très influent dans le marchandage avec les interlocuteurs délégués par Iyad Ag Ghali; d’ailleurs, Soumaïla Cissé est son ami depuis de longues années ; aussi, fort de l’appui du Premier ministre malien, il a été très actif dans le Nord-Mali.

Dans le dispositif mis en place, le colonel Malamine Konaré a joué un rôle crucial dans la sécurisation des itinéraires, les contacts radios et le convoiement des terroristes élargis et des otages récupérés.

 Un autre homme, Sidy Mohamed Kagnassy, homme d’affaires malien, conseiller du Président ivoirien Alassane Ouattara, agit de son côté au nom de la Côte-d’Ivoire. 

Les négociations avancèrent de manière significative. Les ravisseurs remettent en mains propres au principal médiateur, Cherif Ould Taher, une lettre manuscrite sur laquelle figurent les conditions pour libérer Soumaïla Cissé. Dans le document, ils demandent deux millions d’euros et dressent une liste de prisonniers djihadistes à libérer des prisons maliennes.

 Une date est retenue pour libérer l’otage Soumaïla Cissé. Mais, le canal de négociations du Premier ministre Boubou Cissé est « débranché ». Le président de la République de l’époque, IBK, demande aux services spéciaux de prendre le relais et de faire un doublé : obtenir la libération de Soumaïla Cissé et celle de l’otage française Sophie Pétronin, enlevée en décembre 2016 à Gao, principale ville du nord du Mali.

 Les cartes ont changé de main souvent dans cette affaire, notamment après la période de flottement de août-septembre, due principalement au coup d’Etat militaire du 18 août 2020. Un nouveau canal de négociations est créé.  Le député malien Hamada Ag Bibi est mis sur orbite. Mais les choses vont se compliquer. Les ravisseurs font monter les enchères, d’autant plus que l’Italie demande aussi que ses deux otages soient libérés.

Les ravisseurs posent clairement comme condition  la libération d’une liste de prisonniers jihadistes. La Lettre Confidentielle du Mali, sur la base d’informations crédibles, confirme que, le 5 octobre, au moins 203 personnes condamnées, en détention préventive ou secrète ont été libérées à Bamako et à Koulikoro, localité située à 60 km de Bamako.

Conduits à Tessalit par avion, la majeure partie des prisonniers libérés ont quitté cette ville du nord du Mali pour les montagnes de Tigharghar, fief des jihadistes.  D’autres jihadistes ont été libérés dans le centre du Mali. Mais tout n’est pas pour autant régler. Quelques jihadistes manquent à l’appel.  Au dernier moment, les ravisseurs refusent de libérer les otages.

 Nuitamment, finalement, les dernières libérations de jihadistes interviennent depuis les prisons maliennes et/ou d’un pays voisin du Mali et le processus de regroupement des otages commence. Ils seront conduits à Tessalit où attendait un avion de l’armée malienne pour ramener tout ce monde à Bamako.

D’après les informations, les ravisseurs ont finalement demandé dix (10) millions d’euros pour libérer Soumaïla Cissé, 10 millions d’euros pour libérer l’otage française Sophie Pétronin et 10 millions d’euros pour la libération des otages italiens, soit au total 30 millions d’euros. Une bonne partie de cette somme a été payée.  Rien ne sera rendu public, comme toujours dans ce type d’affaire très secrète, mais finalement, c’est le duopole Nosrat-Al Qaïda qui s’en sorti grand vainqueur de ce curieux marché de dupes en réussissant sur deux tableaux : empocher un gros paquet d’argent et libérer plus de 200 de leurs « soldats » !

 Au final, plusieurs Etats ont plié le genou devant des groupes hors la loi dans une guerre asymétrique qui va encore durer, tant que « l’industrie du rapt » rapportera gros…

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