Deux experts français accusent la France: «Le passé nucléaire de la France en Algérie ne doit plus rester enfoui dans les sables»

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Deux experts français en désarmement, Patrice Bouveret et Jean-Marie Collin ont appelé dans une tribune publié dans le journal «Le Monde», le gouvernement français à «collaborer» avec les autorités algériennes afin que «soient retrouvées les matières radioactives enfouies dans le sud algérien» en conséquence des 17 essais nucléaires effectués par la France : 

«Plus de cinquante ans après le dernier essai nucléaire français au Sahara, le passé nucléaire de la France ne doit plus rester enfoui dans les sables. Il est temps de déterrer les déchets provenant des 17 essais réalisés entre 1960 et 1966 par la France au Sahara, pour assurer la sécurité sanitaire des générations actuelles et futures, préserver l’environnement et ouvrir une nouvelle ère des relations entre l’Algérie et la France», font-ils remarquer.

Patrice Bouveret et Jean-Marie Collin notent que si la mise en œuvre de certaines mesures dans le cadre de cette collaboration «nécessitera du temps (expertise radiologique, étude sanitaire sur le risque transgénérationnel), d’autres peuvent être engagées sur simple décision politique».

Ainsi, la ministre française des Armées «peut rapidement transmettre aux autorités algériennes la liste des zones d’enfouissement des déchets», recommandent-ils, relevant que «cette demande est désormais relayée par des députés».

Observant que l’entrée en vigueur du TIAN (Traité sur l’interdiction desarmes nucléaires) est proche, (44 Etats sur les 50 minimaux requis l’ont déjà ratifié) ils soulignent que la France doit fournir à l’Algérie «l’aide technique» et «l’apport d’informations sur les zones où elle a enterré les déchets» et rendre, ainsi, «pleinement possible» la mise en œuvre des différentes obligations du traité.

Ils relèvent que la présence sur les sites des essais de matériel contaminé par la radioactivité volontairement enterré» et de matières radioactives (sables vitrifiés, roches contaminées) issues des explosions nucléaires présentes à l’air libre reste un sujet «tabou» en France.

Selon eux, la présence des déchets radioactifs «engendre des risques sanitaires importants pour les populations locales, les générations futures, tout comme pour l’environnement», ajoutent les deux experts qui ont réalisé une étude qui dresse un premier inventaire de l’ensemble de ces déchets, radioactifs ou non, abandonnés par la France.

L’étude a été élaborée sur la base de témoignages, de visites de terrain et de recueil de documents, dont un rapport classé «confidentiel défense», versé aux archives du ministère français de la Défense. Les deux experts «déplorent» le fait que l’Algérie «n’ait pas bénéficié du même traitement».

Avec l’adoption à l’ONU, par l’Algérie et 121 autres Etats, le 7 juillet 2017, du Traité sur l’interdiction desarmes nucléaires (TIAN), «la question des expérimentations nucléaires françaises trouve une raison supplémentaire de sortir du déni», estiment Patrice Bouveret et Jean-Marie Collin. 

Rappelant qu’une prise en compte des dégâts environnementaux et sociaux ont eu lieu en Polynésie ou des essais nucléaires français ont eu lieu et un «travail de réparation a été entrepris».

Le TIAN, en plus des interdictions créées (emploi, fabrication, menace, assistance, financement…), a la «particularité de prendre en compte les conséquences des expérimentations nucléaires et d’introduire des obligations positives avec ses articles 6 (assistance aux victimes et remise en état de l’environnement) et 7 (coopération et assistance internationales)», notent ces deux experts.

Les deux experts considèrent que l’opposition frontale de la France au TIAN «ne peut pas être un argument» pour conserver encore plus longtemps des données susceptibles de mettre un terme à un problème humanitaire :  «De plus, cela serait un contresens au processus de réconciliation entre les peuples français et algérien, selon les mots du président Emmanuel Macro», font-ils remarquer : «Comment ce travail mémoriel pourrait-il laisser de côté plusieurs dizaines de milliers d’Algériens (…) qui ont participé (ndlr: à leur corps défendant) à cette sombre aventure atomique et qui en subissent encore les effets ?», s’interrogent-ils.

De même, certains critères de la loi Morin (relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français) «doivent être revus, comme cela a été le cas en Polynésie, pour permettre enfin aux populations victimes en Algérie de déposer un dossier d’indemnisation», préconisent-ils : «Il est temps que la France ouvre ses archives et mette en œuvre, de façon rapide, ces mesures pour sortir du déni ce chapitre sur les essais nucléaires», concluent les deux experts.

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