Document exclusif: Les raisons qui ont poussé Sonatrach à revoir la loi sur les hydrocarbures

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La nouvelle loi sur les hydrocarbures approuvée par le gouvernement continue de soulever des vagues. Certains approuvent la démarche du gouvernement mais d’autres critiquent sévèrement la mouture en accusant même les responsables du pays de vouloir brader les richesses de l’Algérie.

Dans un document adressé à l’Express DZ, Sonatrach et le ministère de l’énergie s’expliquent pour la première fois sur les raisons qui ont conduit le gouvernement à revoir la loi sur les hydrocarbures et revient sur les raisons de l’élaboration de la nouvelle loi.

1.    INTRODUCTION

La présente note énonce et fonde les raisons de l’élaboration d’une nouvelle loi sur les hydrocarbures. Ce faisant, elle définit l’approche adoptée et trace la philosophie générale du nouveau projet de loi.

Ainsi, après une rapide présentation du contexte général et une analyse de l’état des lieux, la note met en avant la nécessité d’élaborer une nouvelle loi plutôt que de procéder à un simple amendement de la loi en vigueur, en énumère les principaux axes et objectifs en énonçant les principales mesures proposées, notamment au plan incitatif.

2.    Contexte général et Etat des lieux

La loi du 28 avril 2005 a été adoptée dans le but d’améliorer les conditions de l’investissement dans le secteur des hydrocarbures et d’assurer des financements à la mesure du potentiel dans le domaine minier.

Malheureusement, en raison de facteurs endogènes et exogènes qui ont limité l’attractivité de notre domaine minier, cette loi  n’a pas produit les effets escomptés bien qu’amendée quatre fois. En effet, le bilan est loin de répondre aux objectifs visés par la réforme qu’elle a introduite.

Le nombre limité de contrats signés depuis la réforme introduite par la loi n°05-07 du 28 avril 2005 a eu pour conséquences :

  • une baisse tendancielle des réserves depuis 2005 (60% de nos réserves initiales en hydrocarbures sont épuisées)
  • une chute drastique de l’activité d’exploration en partenariat et diminution de la contribution des partenaires étrangers à l’effort de renouvellement des réserves nationales. Le nombre moyen de découvertes en association ne dépasse pas deux (02) découvertes par an depuis 2010.
  • SONATRACH assume seule le risque d’exploration notamment dans les zones restées inexplorées.

Avec une consommation nationale qui double presque toutes les quinze (15) années, passant de 33 millions de TEP en 2002 à 60 millions de TEP en 2017, un déséquilibre structurel entre l’offre et la demande du marché national est inévitable à l’horizon 2030.

Néanmoins, le potentiel du pays en réserves d’hydrocarbures, conventionnels et non conventionnels, demeure très important. Au rythme de production actuel, ce potentiel peut satisfaire la demande nationale et les exportations sur une durée de près de 150 années.

Malgré ce potentiel, les compagnies étrangères ont affiché un faible intérêt pour le domaine minier national, à en juger par les résultats modestes des quatre appels d’offres organisés sous l’égide de la loi n°05-07 en vigueur. Les principales causes de cette attitude sont les suivantes :

  • une fiscalité peu incitative et complexe ;
  • un cadre législatif et règlementaire instable ;
  • un cadre contractuel peu flexible et inadapté aux standards internationaux ;
  • un cadre administratif et institutionnel rigide et lent.

Il est important de rappeler que ce projet de loi vient après des tentatives d’amélioration de la loi en vigueur à travers des amendements de 2006, 2013, 2014 et 2015. Une refonte du régime juridique, contractuel et fiscal actuel n’est donc plus un choix, mais une nécessité pour s’adapter au nouvel ordre énergétique mondial caractérisé par une offre abondante, une baisse des prix et une introduction progressive des énergies renouvelables dans le mix énergétique des pays.

3.    Nécessité d’une nouvelle loi

Une refonte en profondeur du régime juridique des hydrocarbures, en particulier aux plans fiscal et contractuel est aujourd’hui nécessaire voire indispensable pour restaurer l’attractivité du domaine minier national, dans un contexte caractérisé, par un faible niveau des prix du pétrole et par une concurrence accrue entre les pays producteurs pour attirer de nouveaux investisseurs.

Cette action présente un caractère urgent vu la situation de nos réserves, les prévisions de production à long terme et les délais incompressibles pour concrétiser de nouveaux projets, sachant que 10 années en moyenne s’écoulent entre le lancement des travaux de recherche, la réalisation de découvertes, leur développement et leur mise en production.

La promulgation d’une nouvelle loi est vitale pour l’entreprise nationale SONATRACH pour lui permettre de développer ses découvertes réalisées ces dernières années, mais ne présentent pas un caractère économique en raison du régime fiscal applicable. Elle est également importante pour attirer des investissements étrangers avec l’apport technologique et financier nécessaire afin de partager le risque exploratoire avec SONATRACH et faire face aux complexités et difficultés qui caractérisent notre domaine minier.

Il est important de souligner que le projet de loi régissant les hydrocarbures prend en considération un retour d’expérience de plus de 30 années qui résulte de l’application des régimes juridiques actuel et antérieur.

4.    Principaux éléments DU projet de loi

a)    Principes directeurs de la nouvelle loi

Les principes directeurs du projet de loi peuvent être présentés comme suit :

  • clarification et distinction nette des rôles respectifs du Ministre en charge des hydrocarbures et des agences de régulation ALNAFT et ARH ;
  • renforcement du rôle de l’entreprise nationale SONATRACH en tant qu’acteur économique national au service du développement du pays ;
  • maintien de la règle 51/49 et diversification des formes contractuelles dans les activités Amont ;
  • réaffirmation du monopole de l’entreprise nationale sur l’activité de transport par canalisation.

b)    Attributions des agences hydrocarbures

L’organisation institutionnelle adoptée par la loi n°05-07 du 28 avril 2005 est reconduite dans le cadre du projet de loi, avec cependant des aménagements pour donner plus de clarté aux rôles respectifs du Ministre en charge des hydrocarbures, des agences et de SONATRACH. Ils s’articulent principalement autour des axes suivants :

  • affirmation expresse de l’indépendance des agences ALNAFT et ARH, à travers leurs statuts et leurs modes d’organisation et de fonctionnement ;
  • renforcement de l’autorité des deux agences qui exercent des prérogatives de suivi et de contrôle des activités des opérateurs. Leur intervention peut aller jusqu’au retrait des autorisations et actes d’attribution lorsque les opérateurs ne respectent pas leurs obligations.

c)    Formes d’exercice des activités de recherche et d’exploitation des hydrocarbures

Afin de la prémunir des aléas contractuels et particulièrement des contentieux, qui peuvent surgir lors de l’exécution des contrats de recherche et /ou d’exploitation des hydrocarbures, ALNAFT ne sera pas partie aux contrats de recherche et/ou d’exploitation. Elle octroiera désormais le droit d’exercer les activités de recherche et/ou d’exploitation, au moyen de deux actes unilatéraux, à SONATRACH, seule, ou à SONATRACH et à son ou ses partenaires, selon le cas.

Quand il s’agit de SONATRACH, seule, l’acte unilatéral prend la forme d’une concession amont qui lui est exclusivement attribuée.

Quand il s’agit de SONATRACH avec ses partenaires, l’acte unilatéral prend la forme d’un acte d’attribution, auquel sera adossé un contrat d’hydrocarbures conclu entre SONATRACH et ses partenaires, selon l’une des formes de contrats suivantes :

  1. le contrat de participation,
  2. le contrat de partage de production et
  • le contrat de services à risque.

Le choix des partenaires de SONATRACH s’effectue, principalement, par appel à la concurrence ou à l’issue d’une négociation directe. Quel que soit le contrat, la part de production ou des revenus du partenaire étranger ne peut dépasser 49%.

La durée d’un contrat d’hydrocarbures, incluant une période de recherche et d’exploitation, est de 30 années. Elle peut être prorogée d’une durée maximale de 10 années.

d)    Transport par canalisation

Le caractère stratégique de cette activité requiert que son exercice soit confié uniquement à SONATRACH, ou à l’une des filiales, qu’elle détient entièrement.

L’utilisation du réseau de transport par canalisation par des tiers sera cependant garantie par la nouvelle loi, sur la base du principe, déjà consacré par la loi en vigueur, de la liberté d’accès des tiers au réseau, moyennant le paiement d’un tarif non discriminatoire.

La fiscalité applicable à l’activité de transport par canalisation est celle du droit commun.

e)    Autres activités aval

Le principe général posé par le projet de loi est que les activités de raffinage et de transformation, de stockage et de distribution des produits pétroliers sont soumises au droit commun, exception faite de certaines dispositions spécifiques qu’il introduit, notamment en matière de HSE.

Ainsi, les activités de raffinage et de transformation peuvent être exercées par SONATRACH, seule ou en association avec toute personne algérienne et/ou toute personne morale de droit étranger.

Quant aux activités de stockage et de distribution des produits pétroliers, elles peuvent être exercées par toute personne algérienne ou toute personne morale de droit étranger, seules ou en partenariat, selon les dispositions de la législation algérienne.

f)     Nouveau régime fiscal

Comme cela a déjà été évoqué plus haut, un examen de l’état des lieux et une analyse comparative des fiscalités pétrolières de pays producteurs ont révélé la nécessité d’accroître l’attractivité de notre domaine minier au plan fiscal par :

  • un allègement de la fiscalité,
  • une simplification du régime fiscal, en termes de structure d’impôts et de taxes exigées et la façon de les déterminer.

Le nouveau régime fiscal est basé principalement sur :

  • la taxe superficiaire ;
  • la redevance Hydrocarbures ;
  • l’impôt sur le revenu des hydrocarbures (IRH) ; et
  • l’impôt sur le résultat.

Au titre des dispositions transitoires consacrant le caractère non rétroactif des lois, il est important de préciser que les recettes fiscales pétrolières générées par la production actuelle d’hydrocarbures, en application du régime fiscal prévu par la loi en vigueur, seront maintenues.

g)    Priorité pour l’approvisionnement du marché national

La satisfaction des besoins du marché national en hydrocarbures constitue une priorité ; son approvisionnement est assuré par l’entreprise nationale.

Dans ce cadre, l’investisseur étranger contribue à la satisfaction des besoins du marché national.

h)    Contenu local

Le projet de loi introduit une prescription selon laquelle chaque contrat d’hydrocarbures doit inclure des dispositions qui accordent une préférence aux entreprises algériennes pour la fourniture de biens et de services produits en Algérie, sous réserve de leur compétitivité. De même, les parties à un contrat d’hydrocarbures, ainsi que leurs sous-traitants devront recourir en priorité au personnel algérien pour les besoins des opérations amont. A cette fin, elles prendront en charge, au début de ces opérations, la formation de personnels algériens dans les spécialités requises pour l’exercice des activités de recherche et d’exploitation des hydrocarbures.

i)     Prescriptions relatives aux aspects santé, sécurité et environnement (HSE)

Le projet de loi accorde une grande importance aux aspects HSE puisqu’il leur réserve tout un titre et leur consacre des dispositions complémentaires qui visent à renforcer les aspects liés à la prévention et à la gestion des risques sur la santé, la sécurité des personnes, des biens et des installations ainsi qu’à la protection de l’environnement, pour toutes les activités de la chaine des hydrocarbures, et cela, dans le respect des principes de développement durable.

Le projet de loi interdit le torchage sauf raisons exceptionnelles et après autorisation de l’ARH. Dans ce cas, l’opérateur concerné devra payer une taxe de torchage.

j)     Dispositions transitoires et finales

Les dispositions transitoires et finales sont axées sur ce qui suit :

La nouvelle loi abrogera la loi n° 05-07 du 28 avril 2005, sauf les dispositions relatives à la TPE.

Les titres miniers, permis, autorisations, contrats relatifs aux Hydrocarbures et concessions de transport par canalisation, délivrés ou conclus antérieurement à la date de publication de la présente loi au Journal officiel, demeurent en vigueur conformément à leurs termes, sans pouvoir être prorogés ou renouvelés au-delà des durées qu’ils ont prévues.

Par ailleurs, les contrats conclus sous la n° 05-07, dont aucune production n’a été réalisée avant le 24 février 2013, peuvent être convertis pour bénéficier des dispositions de la nouvelle loi.

Enfin, il est important de souligner que les dispositions de la nouvelle loi, relatives à la protection de l’environnement, à la sécurité et à la santé, sont d’application immédiate.

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