Sans solution à la crise politique en Algérie, vers la dérive économique et sociale horizon 2021/2022

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Par Abderrahmane Mebtoul 

Bien que la dette extérieure soit d’environ 1/2% du PIB,  la baisse drastique des réserves de change, 72,6 milliards de dollars en avril 2019, suscite  à juste titre, des scénarios pessimistes sur l’avenir de l’Algérie qui risque la cessation de paiement courant 2022.  Car  il faut être réaliste et ne pas verser dans la démagogie.  La situation pourrait  s’aggraver plus rapidement sans la résolution de la crise politique qui paralyse toute l’économie. L’Algérie avec des détournements qui dépassent l’imagination   humaine par leurs ampleurs, qui conduisaient le pays droit au mur, a besoin d’une nouvelle stratégie, loin des slogans  populistes,  s’adaptant au nouveau monde, d’un retour  à la confiance  pour sécuriser son  avenir. Espérons pour l’avenir de l’Algérie que la raison l’emporte sur la passion et qu’un dialogue serein qui passe forcément par un compromis raisonnable,  s’établisse pour éviter la dérive économique et sociale avec de graves incidences  géostratégiques horizon 2021/2022.

1.-La situation économique et sociale fonction de la Sonatrach,  principale pourvoyeur de devises de l’Algérie

 Après 57 ans d’indépendance politique, c’est toujours  le cours du pétrole qui détermine  l’évolution des principaux indicateurs économiques et sociaux  et l’image de l’Algérie dans les relations internationales. En ce mois de juillet  2019, Sonatrach c’est l’Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach, procurant directement et indirectement avec les dérivées 98% des recettes en devises. Selon Bloomberg, l’Algérie, pour remonter son déficit budgétaire au titre de l’exercice 2019, «aurait besoin d’un baril de pétrole à 116,40 dollars, contre 95/100 dollars en 2017/2018», soulignant que «la production algérienne est restée relativement stable à environ 1 million de barils par jour, avec un cours du gaz qui représente 33% des recettes de  Sonarach en nette baisse. La transition énergétique en Algérie  qui  est un choix  stratégique politique, militaire, et économique. Il  est incontestable que les gisements fossilifères du pays commencent à se tarir alors que la consommation énergétique est en croissance importante où selon le  rapport du CREG , pour qui les besoins en gaz de Sonelgaz pour la seule génération électrique, dépasseront  les  60 milliards de mètres horizon 2030 et 100 milliards horizon 2040. Tout cela renvoie à une nouvelle politique des subventions  et d’une manière générale à une nouvelle politique énergétique. Insérée dans le cadre d’une nouvelle gouvernance globale. Le cours du gaz naturel qui depuis quelques années est totalement déconnecté du cours du pétrie, sur le marché libre est  en chute libre, une moyenne en  juillet 2019 de 2,3/-2,5 dollars le MBTU contre 7/8 dollars il y a  de cela 5/7 années. A titre d’exemple selon le bilan de Sonatrach , le prix d’unité  MBTU- GNL en 2012 a été  de 10,5 dollars, en 2014, 10,0, en 2015, 6,5, en 2016, 4,3 et en 2017 5,1 et en 2018 , 6,3 dollars le MBTU (GNL) et 5,8 pour le gaz naturel (GN) par  canalisation, via respectivement le gazoduc Enrico-Mattei qui relie l’Algérie à l’Italie, via la Tunisie, et le gazoduc Duran-Farell, qui relie l’Algérie à l’Espagne via le Maroc. Nous assistons à  une abondance de l’offre de gaz avec les USA à partir du gaz de schiste  commençant  à exporter  vers l’Europe, l’Iran (33.000 milliards de mètres cubes gazeux) deuxième réservoir mondial et le Qatar 3ème réservoir mondial (24.000 milliards de mètres cubes gazeux) contre environ 2500/3500 milliards de mètres cubes gazeux pour l’Algérie, (données publiées  souvent contradictoires pour le gaz naturel, mais  19.000 pour le gaz de schiste, 3èmeréserves mondiale).),  étant  proches de l’Asie, sans compter la grande canalisation Sibérie-Chine, la Russie étant la première réservoir mondial (47.000 milliards de mètres cubes gazeux). Par ailleurs, la   Russie et le Qatar ont  investi dans de grands complexes de GLN trois à quatre fois les capacités algériennes réduisant sensiblement les couts qui ne  fonctionnent  actuellement pas en pleine vitesse de croisière. Qu’en sera t-il de l’Algérie pour pouvoir exporter en termes de rentabilité financière vers l’Asie sans un prix  final de 10/12 dollars  le MBTU? Car  pour  pouvoir  exporter vers l’Asie, elle doit contourner toute la corniche de d’Afrique. Et du fait de ses capacités moyennes la rentabilité en direction de l’Asie est loin d ‘être assurée, devant inclure dans le prix final, outre le cout d’exploitation, le cout  du transport dont l’amortissement des méthaniers. Pour l’Afrique , l’Algérie doit tenir  compte de nombreux producteurs africains, dont le Nigeria,(5100 milliards de mètres cubes gazeux de réserves) l’entrée du Mozambique Surnommé parfois le « Qatar de l’Afrique », après la découverte de gigantesques gisements gaziers entre 2010 et 2013,  estimées à 5000 milliards de mètres cubes, avec un investissement américain et français prévu de 25 milliards de dollars , soit les neuvièmes réserves du monde en gaz, sans compter les réserves non exploitées de 1500 milliards de mètres cubes gazeux de la Libye. Aussi évitons d’indure en erreur l’opinion  publique de la part  de certains soi disant experts, comme ils ont induit en erreur le pays  pour le montage de voitures et le financement non conventionnel ( voir conférence du  Pr Abderrahmane Mebtoul devant les officiers supérieurs  lors d’une conférence donnée à l’invitation du Ministère de la défense nationale MDN –Ecole Supérieure de Guerre ESG  sous le titre « les déterminants du cours du pétrole, et son impact sur l’économie algérienne : entre les fondamentaux  et les enjeux géostratégiques le 19 mars 2019 (voir ronéotypée –www.google.com).  En attendant  le marché naturel représentant la majorité de ses exportations  de gaz est  celui de l’Europe comme en témoigne les  nombreux accords actuels notamment avec l’Espagne, l’Italie et le Portugal en rappelant qu’en 2018, les exportations de gaz se sont élevées à 51.5 Gm3 dont 75% par gazoduc et 25% sous forme de GNL et que la première destination du gaz algérien reste le marché européen, essentiellement l’Italie (35%), l’Espagne (31%), la Turquie (8.4%) et la France (7.8%).Cette situation mono exportatrice a des incidences sur le niveau des réserves de change.

2.-Evolution des réserves de change de 2012/ 2019 /2022  

La baisse en en quatre mois a été de 7 milliards de dollars et au même rythme 21 milliards de dollars fin 2019. Au cours d’un baril de pétrole fluctuant entre 60/65 dollars,  de 4/5 dollars le MBU pour le gaz qui représente 33% des recettes de Sonatrach ( cours mondial ayant diminué d’environ 45%  en référence à 2010/2012), assistant actuellement à une  décroissance en volume physique des exportations d’hydrocarbures,  au rythme de la dépense actuelle, 2018/2019,   sans un taux de croissance dépassant  8/9% supposant la résolution de la crise politique et une nouvelle orientation de la politique socio-économique, ,il y a risque de la cessation de paiement avant juin 2022.

– 2012 : 190,6 milliards de dollars

– 2013 : 194,0 milliards de dollars

– 2014 : 178,9 milliards de dollars

– 2015 : 144,1 milliards de dollars

– 2016 : 114,1 milliards de dollars

– 2017 : 97,3 milliards de dollars

– 2018 -79,8   milliards  de  dollars

avril 2019, 72,8 milliards  de  dollars.

-fin 2019 , 58 milliards de dollars ( prévision)

Fin 2020, 37 milliards de dollars (prévision)

Fin 2021,16 milliards de dollars (prévision)

  Nous sommes loin des prévisions avant AL Hirak où il était prévu  entre 2019/2021 selon le ministre des finances devant l’APN le niveau des réserves de change seraient fin 2019 : 62,0 milliards de dollars- 2020 : 47,8 milliards de dollar-  2021 : 33,8 milliards de dollars et en 2022 entre 12/15 milliards de dollars selon le FMI. Ce montant dépend essentiellement à la hausse ou à la baisse des recettes d’hydrocarbures, la réduction du déficit commerciale en 2018 étant due à 98/99% aux recettes d’hydrocarbures. Or, les importations entre 2016/2018 biens sont évaluées entre 45/46 milliards de dollars plus il faut ajouter les services qui fluctuent annuellement entre 10/11 milliards de dollars et les transferts légaux de capitaux donnant une sorties de devises entre 58/60 milliards de dollars pour une entrée de devises à un cours de 70 dollars d’environ 38/39 milliards de dollars et pour un cours de 60 dollars d’environ 30 milliards de dollars accélérant les tensions de la balance des paiements

3- Les incidences de la baisse des réserves de change

Contrairement à certaines déclarations hasardeuses récentes comparant le non comparable (pays développés) le   cours du dinar officiel  1990/2019, est corrélé   aux réserves de change. via les recettes d’hydrocarbures à plus de 70%, Pour toute comparaison, l’on devra se référer non pays développés (réserves de change faible, mais une structure productive) mais à l’expérience vénézuélienne. C’est que  70/80% des besoins des entreprises publiques et privées ainsi que des besoins des ménages proviennent de l’extérieur, le taux de croissance, le taux d’emploi dépendant  de la dépense publique via les hydrocarbures.   La période antérieure n’étant pas significative (cotation administrative

1970, nous avons  5 dinars un dollar, mais cette cotation n’est pas significative étant un cours administré.. Récemment de  2001 à juillet  2019 la cotation est la suivante

2001, 69,20 dinars un euro, 77,26 dinars un dollar

2002, 75,35 dinars un euro, 69,20-dinars-un-dollar

2008, 94,85 dinars un euro 64,58 dinars un dollar

-2014, 106,70-dinars-un-euro,-80,06-dinars-un-dollar

-2019 (01 aout) une cotation- cours achat  de 132,87 dinars un euro et de 119,92 dinars un dollar.

Sur le marché parallèle la baisse de la cotation  actuelle ayant été  transitoire pour des raisons politiques, après un fléchissement, nous avons  assisté à une hausse depuis fin juillet 2019, l’écart avec le cours officiel étant  d’environ 50% , l’équilibre étant fonction de l’offre  et de la demande. Sur le plan budgétaire en cas de non recours au financement non conventionnel s’offrent trois solutions : une plus grande rigueur budgétaire avec la lutte contre le fléau de la corruption, l’endettement extérieur ciblé et le dérapage du dinar par rapport au dollar et à l’euro qui permet d’augmenter artificiellement la fiscalité hydrocarbures et la fiscalité ordinaire, cette dernière accentuant l’inflation étant supportée par le consommateur final comme un impôt indirect.  En cas de baisse drastique des réserves de change à moins de 10/12 milliards de dollars, qui tiennent la cotation du dinar algérien à plus de 70%, la banque d’Algérie sera contrainte de dévaluer le dinar officiel à environ 200/220 dinars un euro avec une envolée du cours sur le marché parallèle qui fluctuera en fonction du taux d’inflation entre 300/400 dinars un euro, ce qui accélérera le processus inflationniste. Il s’ensuit que la croissance devrait ralentir très fortement dès 2020 en provoquant une augmentation du taux de chômage, sans de profondes réformes structurelles renvoyant toujours à la crise politique, Elle se traduira aussi par la persistance des déficits budgétaires et surtout des déficits externes qui vont éliminer progressivement toutes les marges de manœuvre dont dispose l’Algérie. Comme je l’ai souligné dès sa mise en  œuvre, après des discours euphoriques sur le bienfait du financement  non conventionnel, ce mode de financement  risque de conduire le  pays vers une dérive inflationniste à la vénézuélienne (devant comparer le comparable)  avec des incidences économiques, politiques et sociales négatives, les slogans politiques étant  insensibles aux lois économiques applicables dans tous les pays et l’Algérie ne fait pas exception. Le recours à la planche à billets pour financer le déficit budgétaire aura un impact négatif à terme tout en favorisant, contrairement à certains discours, la baisse la baisse des réserves de change puisque en mettant à la disposition de certaines entreprises des dinars, (70% des matières premières et des équipements des entreprises publiques et privées étant importées, le taux d’intégration ne dépassant pas 15/20%) ces dernières se porteront impératrices. Rappelons que selon la banque d’Algérie,  sur l’encours global mobilisé (les 6556,2 mds de DA), un montant de 2470 mds DA a servi au financement du déficit du Trésor, au titre des années 2017 et 2018 et partiellement au titre de l’exercice 2019, .un montant de 1813 mds DA a contribué au remboursement de la dette publique à l’égard des entreprises nationales Sonatrach et Sonelgaz, ainsi qu’au financement du remboursement de l’emprunt obligataire pour la croissance.  En outre, 500 milliards de dinars ont été destinés à la Caisse nationale de retraite (CNR) pour le refinancement de sa dette à l’égard de la CNAS. Selon la même source citée par l’APS, ce financement a permis également d’alimenter le FNI d’un montant de 1773,2 mds de DA, destiné aux opérations de financement des programmes de logements AADL, du déficit de la CNR et de projets structurants.  Certes, la poussée inflationniste n’est pas encore perceptible entre 2018 et juillet 2019  et la croissance tirée essentiellement par la dépense publique a été d’environ de 3% en 2018, contre 1,6% en 2017. Mais pour le FMI ce ne sont que des mesures conjoncturelles sans vision stratégique, le financement non conventionnel représentant 23% du PIB.  Mais ce mode de financement aura aussi atteint ses limites à partir de 2020 avec des taux d’inflation élevés devant méditer la dérive vénézuélienne. Les mêmes projections sont reprises par la note de conjoncture du trésor français qui influe sur la note de la Coface ainsi que plusieurs instituions internationales.

4.-Impasse politique et crise économique

La situation actuelle est intenable, posant la problématique de la sécurité nationale,  devant résoudre la crise politique, mais sur de nouvelles bases et de nouvelles institutions  pour ne pas  renouveler les  erreurs du passé de la corruption socialisée,  et ce   avant la fin de l’année 2019 au plus tard le premier trimestre 2020, le temps ne se rattrapant jamais en économie.  Pour relever les défis futurs, se projeter sur l’avenir, loin de tout populisme dévastateur, une nouvelle gouvernance, un langage de vérité et la moralité des gouvernants s’imposentC’est dans ce cadre qu’Il ya lieu de mentionner que  notre équipe nationale aura réalisée ce qu’aucun gouvernement depuis des décennies n’a réussi,  réconcilier les Algériens avec eux mêmes grâce à cette jeunesse, en brandissant avec fierté le drapeau AlgérieL’équipe nationale a réconcilié également l’Algérie avec sa communauté émigrée, montrant qu’un Algérien sportif, intellectuel, ou opérateurs économiques, évoluant dans un autre environnement, loin des tracasseries bureaucratiques s’épanouit.  Ce serait une grave erreur politique de certains partis politiques- pouvoir et opposition- ou de certaines personnes  en mal de publicité, de faire de cette mobilisation spontanée une adhésion à leur politique et s’il y a eu cette immense mobilisation, c’est que l’enjeu principal est l’avenir de l’Algérie fondée sur une autre gouvernance et d’autres forces sociales et politiques. La leçon principale que l’on peut tirer est que la population algérienne  d’une manière générale et notre jeunesse d’une manière particulière (70% de la  population) est capable de miracles pour peu que on lui tienne un discours de vérité grâce à une nouvelle communication et une gouvernance rénovée, et ce grâce à une mobilisation citoyenne, condition pour le développement de l’Algérie, cette jeunesse dynamique bien plus importante que toutes les ressources en hydrocarbures.  Avec une plus grande rigueur budgétaire, une meilleure gouvernance, un changement de cap de la politique économique actuelle, avec un baril même à 60 dollars. Mais attention, en cas de non changement de la politique socio-économique, donc de gouvernance, le scénario dramatique du FMI fin 2021/2022, est plausible avec des incidences économiques, sociales, politiques et géostratégiques, sans la résolution   rapide la crise politique. Opposition, Al Hirak et Pouvoir doivent  s’entendre sur un compromis raisonnable, pour une élection présidentielle transparente, appartenant au nouveau président d’entamer les réformes structurelles  et ce  par le dialogue productif, afin que l’Algérie ne se retrouve dans le même scénario vénézuélien, pays en faillite bien plus riche que l’Algérie. Et dans ce cas, il serait illusoire tant pour le pouvoir, l’opposition ou AL Hrak de parler d’indépendance économique et politique avec de vives  tensions sociales. L’Algérie a besoin qu’un regard critique et juste soit posé sur sa situation, sur ce qui a déjà été accompli de 1963 à 2019, et de ce qu’il s’agit d’accomplir encore au profit exclusif d’une patrie qui a besoin de se retrouver et de réunir tous ses enfants autour d’un même projet, d’une même ambition et d’une même espérance.

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