Cela fait exactement, cinq années jour pour jour que s’éteint, à l’âge de 88 ans, la chanteuse Cherifa, l’une des voix phares de la chanson traditionnelle kabyle. Née le 9 janvier 1926 à Ath Halla (Bordj Bou- Arréridj), Cherifa, de son vrai nom Ouardia Bouchemal, a vécu une enfance difficile amplifiée par la mort prématurée de son père et le remariage de sa mère.
Trouvant très tôt la consolation pour ses malheurs, elle, la petite bergère, dans la musique et la danse, elle s y adonne de tout cœur et à toute occasion, en dépit des récriminations familiales et des châtiments corporels dont elle fut constamment sujette.
Souffre-douleur, maltraitée, elle fuit, à l’âge de 18 ans, le domicile familial pour s’installer d’abord à Akbou avant de jeter son dévolu sur Alger. C’est dans le train qui la conduit à Alger, racontait-elle, qu’elle a composé sa célèbre chanson « Bqa ala khir a y Akbou ».
En 1947, Grace à l’intervention de deux chanteuses, Lalla Yamina et Lalla Zina, les portes de la radio lui furent ouvertes. Elle donne alors, libre cours à sa vocation et son inspiration dans les genres « Achewiq » et « Ahiha ». Avec sa troupe féminine de la radio, elle multiplie les chansons à succès : « Ay azwaw », « Ouh ay azerzour », « Sniwa n ifendjelen »…Elle devient rapidement à coté de H’nifa, Djamila… l’une des grandes figures de la chanson féminine kabyle.
Plusieurs titres de son répertoire qui compte quelques 800 titres, seront repris par de nombreux chanteurs Kabyles. Partout où elle s’est produite, que se soit en Algérie ou ailleurs (Olympia, Zénith…), elle est accueillie en icône. C’est dire, l’importance de sa contribution dans la préservation et la promotion de la chanson folklorique kabyle.
Mais en dépit de son art et de sa production abondante, Nna Cherifa n’a pas vécu dans l’opulence, au contraire, elle a lutté toute sa vie durant contre le dénuement. Elle décédera à la suite à une longue maladie, le 13 mars 2014, en laissant derrière elle, l’image d’une femme, d’une artiste qui bravé les interdits et s’est insurgée contre sa société tatillonne sur le respect des traditions ancestrales, une société qui voyait alors dans la chanson que dépravation.