Ce que révèle les documents de «Panama Papers» sur Farid Bedjaoui,Chakib Khelil et Rym Sellal

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L’Algérie, qui souffre aujourd’hui de la chute des cours du pétrole, aurait perdu chaque année entre 2004 et 2013, selon l’ONG Global Financial Integrity, près de 1,5 milliard de dollars de recettes en raison de l’évasion fiscale, de la corruption et du vol de ressources publiques. De 2013 à 2019, beaucoup plus encore.

En attendant une seconde enquête plus approfondie et les gorges profondes ici en Algérie ou  ailleurs qui vont certainement apporter plus de « révélations », l’affaire des Panama Papers dévoile l’ampleur de la rapine et du vol organsinés en bande par les tenants du pouvoir de Bouteflika.

Le train de vie de Farid Bedjaoui, neveu de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, résidant actuellement en France est révélateur. Farid Bedjaoui, personnage flamboyant aujourd’hui âgé de 50 ans, est poursuivi pour corruption et blanchiment d’argent dans l’affaire Sonatrach-Saipem.

Farid Bedjaoui, surnommé «M 3 %», avait ainsi un mandat de gestion sur Girnwood International Engineering Ltd. et Cardell Capital S.A., qui disposent de comptes domiciliés à la banque Edmond de Rothschild à Nassau (Bahamas). Il a fait constituer Sorung Associates Inc. pour gérer des portefeuilles placés à la banque Mirabaud, en Suisse et à Dubaï.

Justin Invest Developments SA gère pour lui un portefeuille placé en 2008 à la banque genevoise BLOM Bank. Il a aussi hérité des pouvoirs de Pietro Varone, ancien directeur des opérations de Saipem, également cité dans l’affaire Sonatrach, sur la société Farnworth Consultants Inc., laquelle a servi à l’achat d’un bateau.

Diplômé de HEC Montréal et jouissant des nationalités algérienne, française et canadienne, Farid Bedjaoui gagnait sa vie dans le négoce alimentaire avant de se lancer dans les affaires au début des années 2000 avec ses beaux-frères libanais du groupe Ouais. En 2002, à Beyrouth, l’homme d’affaires franco-algérien Omar Habour lui présente Chakib Khelil, alors ministre de l’Energie et des Mines. Ce dernier n’allait pas tarder à le traiter «comme un fils», a déclaré un témoin au procès de Milan.

Cette même année, Farid Bedjaoui recourt pour la première fois aux services du cabinet Mossack Fonseca. Il s’agissait d’ouvrir un compte suisse pour sa société de courtage Rayan Asset Management. Une tâche qu’il a confiée à son gestionnaire de fortune, Ludovic Guignet, de la fiduciaire suisse Multi Group Finance, basée à Lausanne.

C’est ce même homme qui aura à gérer la frénésie d’achats de compagnies offshore préexistantes qui s’empare de Farid Bedjaoui à partir de 2006. Une myriade de sociétés domiciliées au Panama et aux Iles vierges britanniques. Une deuxième procédure a été ouverte en Italie, dans le sillage des commissions rogatoires envoyées par l’Algérie.

Cette fois, les pistes mènent à Farid Bedjaoui, en fuite et aperçu pour la dernière fois à Dubaï, et à l’entourage du ministre de l’Energie de l’époque, Chakib Khelil. Les magistrats italiens accusent Bedjaoui d’avoir touché de la Saipem l’équivalent de 205 millions de dollars par l’intermédiaire de la compagnie Pearl Partners Ltd, domiciliée à Hongkong. Et le soupçonnent d’avoir arrosé de nombreux responsables algériens afin de faciliter l’obtention, par la Saipem, de huit contrats entre 2006 et 2009, pour 10 milliards de dollars : des centaines de kilomètres de pipelines et plusieurs usines de traitement : «Le rôle d’intermédiaire joué par Farid Bedjaoui dans le schéma corruptif (…) aurait été imposé à Saipem par le ministre Khelil. (…) Les magistrats algériens ont identifié des versements qui ont profité à Najat Arafat, épouse de Chakib Khelil», indique le tribunal pénal fédéral suisse, le 14 janvier 2015, sollicité par une demande algérienne d’entraide judiciaire.

En 2013, «Docteur Chakib», comme aimaient l’appeler ses collaborateurs, a été brièvement placé par Interpol sur la liste des personnes recherchées avant que le mandat d’arrêt émis à son encontre par le parquet d’Alger ne soit frappé de nullité. Réfugié aux Etats-Unis, il est revenu triomphalement en Algérie en 2016. La quasi-totalité des montages offshore ayant servi de lessiveuse à ces commissions et rétro commissions ont été lancés par la fiduciaire suisse Multi Group Finance, à Lausanne, pour le compte de Farid Bedjaoui et exécutés entre 2007 et 2010 par le cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca.

Les documents obtenus par le biais du Consortium international des journalistes d’investigation et le journal allemand Süddeutsche Zeitung révèlent les ramifications de ce réseau que les magistrats italiens et algériens tentent d’élucider.

Bedjaoui ayant utilisé son passeport canadien pour ouvrir certains comptes et sa carte d’identité algérienne pour d’autres. Des montages qui permettent une redistribution des actifs à près d’une dizaine de membres de sa famille, d’amis et associés de ce réseau offshore : son épouse libanaise Rania Dalloul, son beau-frère Ziad Dalloul, l’épouse de Chakib Khelil, Najat Arafat, et son fils, Khaldoun, la fille de l’ex Premier ministre Abdelmalek Sellal, Rym, l’homme d’affaires franco-algérien Omar Habour, et le directeur des opérations de Saipem, l’Italien Pietro Varone, ainsi que son épouse.

La police canadienne a saisi ses actifs à Montréal : les autorités françaises ont perquisitionné son appartement parisien et saisi de nombreux tableaux signés Andy Warhol, Joan Miro et Salvador Dali. Son yacht de 43 mètres a également été saisi.

Par ailleurs, Mossack Fonseca a continué de s’occuper de Rayan Asset Management, la société de Farid Bedjaoui, jusqu’au moins en novembre 2015. M. Habour est accusé, lui aussi, de corruption et de blanchiment d’argent. Il disposait de mandats sur six compagnies offshore créées par Mossack Fonseca à travers Ludovic Guignet, dont certaines ont changé de main entre-temps pour bénéficier notamment à l’épouse de Chakib Khelil, Najat Arafat, à la fille d’Abdelmalek Sellal, Rym. Cette dernière apparaît comme l’ayant droit de la société Teampart Capital Holdings Limited (TCH). Elle en est devenue la bénéficiaire quatre mois après sa constitution, le 26 octobre 2004, par Multi Group Finance et son inscription aux îles Vierges britanniques par Mossack Fonseca en faveur d’Omar Habour. Najat Arafat, elle, a disposé en 2005 de deux sociétés offshore au Panama dans le cadre de ce montage.

Deux sociétés servant de paravent à des comptes bancaires en Suisse : Carnelian Group Inc., créée en mai 2005, et Parkford Consulting Inc., en octobre de la même année. Les pouvoirs de Mme Khelil ont été transmis deux ans plus tard, les 26 et 27 novembre 2007 à Omar Habour. Collingdale Consultants Inc. a bénéficié respectivement à Khaldoun, fils cadet de Chakib Khelil, et à Regina Picano, épouse de Pietro Varone.

Cette compagnie gérait un «patrimoine» de près de 15 millions de dollars. Quant aux biens immobiliers acquis durant cette période par Farid Bedjaoui, les autorités américaines ont diligenté une enquête au sujet de trois appartements à New York dont deux à Manhattan, d’une valeur totale de plus de 50 millions de dollars. L’un de ces appartements est un condominium situé au 5, Central Park Avenue, acheté pour 28,5 millions de dollars. Selon les documents fournis aux enquêteurs italiens par le département américain de la Justice, le paiement a surtout été effectué, par le biais d’une compagnie domiciliée au Delaware.

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