Droits de l’homme : les interrogations de l’Onu, les réponses de l’Algérie

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Lors de l’examen du rapport présenté par l’Algérie sur les mesures prises pour l’application du pacte international sur les droits civils et politiques (PIDCP), mercredi et jeudi à Genève, le comité des droits de l’Homme de l’ONU a soulevé de nombreuses questions et observations à la délégation algérienne conduite par Lazhar Soualem, directeur des droits de l’Homme au ministère des affaires étrangères.  Les experts du comité ont soulevé de nombreuses questions et observations.

De prime à bord, le Comité reproche « l’important retard » dans la présentation du rapport algérien, qui aurait dû être soumis en novembre 2011.

Dissolution du DRS, révision de la Charte pour la réconciliation

Le comité a demandé des précisions s’agissant d’informations selon lesquelles « la torture et les mauvais traitements seraient encore pratiqués par des agents des forces de police et de sécurité ».

Il a également souhaité savoir si le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) avait bien été dissout, notant en outre, que plusieurs sources documentées faisaient état de cas de privation arbitraire de liberté dans des centres de détention non reconnus et de détentions au secret concernant des personnes arrêtées par les
services de sécurité aux fins de mener des interrogatoires, selon le compte rendu de la séance rendu public par l’organisme onusien.

S’agissant des codes, pénal et de justice militaire, les membres du comité ont demandé à la délégation algérienne si ces derniers prévoyaient toujours « l’imposition de la peine de mort pour une trentaine d’infractions et si l’Algérie avait l’intention de réduire ce nombre en limitant la peine de mort aux crimes les plus graves ».

Ils relèvent que le rapport présenté par l’Algérie contenait un grand nombre de références au terrorisme, apparaissant comme une « mélodie cachée » qui, ont-ils souligné, « ne doit pas nécessairement justifier toutes les décisions prises par le pays en matière sécuritaire ».

Ils se sont également interrogé quelle était la règle prévue en cas de conflit entre les dispositions du Pacte et la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, qui demeure aujourd’hui en vigueur « malgré qu’elle ait été qualifiée à de nombreuses reprises par le Comité comme étant contraire aux dispositions du Pacte ».

Le comité a voulu savoir si l’Algérie envisage-t-elle de réviser certaines dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale qui « interdisent toute poursuite contre des éléments des forces de défense et de sécurité ».

Il a demandé ce qu’il en était de « l’obligation redditionnelle pour tous les auteurs de disparitions forcées et d’autres violations graves de droits de l’homme », ainsi que de plus amples informations sur les allégations de découverte de « fosses communes » qui n’ont pas donné lieu à des enquêtes sur la recherche d’identité des corps, ainsi que de la présence de nombreuses « tombes sous X ».

Absence de coopération avec les mécanismes des droits de l’homme

Le comité a demandé à la délégation plus d’explication concernant des allégations selon lesquelles les membres du Conseil national des droits de l’homme auraient été nommés par les autorités et de savoir aussi ; quelles mesures avaient été prises pour mettre fin à l’impunité que prévoit l’ordonnance portant la mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale.

Le comité criminalise notamment des actes relevant de la liberté d’opinion, d’expression et de rassemblement pacifique et associe aux actes « terroristes » les actes dits « subversifs », demandant de préciser si des investigations avaient été diligentées au sujet de plusieurs informations faisant état d’une application abusive de la définition du terrorisme à des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes accusés d’apologie du terrorisme.

il a demandé davantage d’informations sur le Plan national pour les droits de l’homme et le calendrier de sa mise en œuvre.  Il a par ailleurs souhaité savoir s’il existait une commission des droits de l’homme au Parlement et quel était son rôle.
D’autre part, il a constaté que « l’État algérien persistait dans une attitude de non coopération » avec les experts et les mécanismes des droits de l’homme.

« Les manifestations soumises au bon vouloir de l’exécutif »

En outre le comité a regretté les nouvelles normes strictes prévues pour l’organisation de manifestations, qui restreignent fortement la liberté de rassemblement et d’association.  En fait, les manifestations « sont soumises au bon vouloir de l’exécutif » sous peine de sanction pénale.

Il a demandé si l’Algérie comptait « abroger le décret qui interdit toute manifestation à Alger » et a demandé si ce décret n’était pas applicable dans le reste du pays.  Il a souhaité savoir si l’Algérie comptait mettre fin au système d’autorisation préalable à une manifestation et quelles mesures avaient été prises pour éviter une « utilisation disproportionnée de la force par les forces de l’ordre ».

Il a souligné que la durée de la détention préventive était excessive en Algérie. Le nombre de détenus en détention préventive est lui aussi relativement élevé, a-t-il relevé. Comme il a toutefois demandé des informations sur les cas de harcèlement ciblant des représentants syndicaux.

« Le pouvoir exécutif exerce une autorité sur le pouvoir judiciaire »

Au volet de l’Independence de la justice, le comité a exprimé des inquiétudes quant à l’autorité que semble exercer le pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire, notamment du fait que le pouvoir exécutif nomme tous les magistrats, ce qui pose la question de l’indépendance du système judiciaire.

Il a par ailleurs deploré que les magistrats ne puissent pas faire grève au risque de se faire limoger.  Le Ministre de la justice peut aussi limoger un juge pour faute grave, s’est-il inquiété. Il a voulu savoir que prévoyait cette réforme pour garantir l’indépendance des juges.

Le comité a soulevé d’autres interrogations et préoccupations en l’occurrence : « Liberté de la presse et des organisations de la société civile » « discrimination », «situation des migrants », « violence contre les femmes », « mesures prises pour protéger les Amazighs », « l’IVG », « peine de mort », « Front Polisario ».

Les réponses de la délégation algérienne

La délégation a souligné que l’Algérie de 2018 n’est pas l’Algérie de la fin des années 90.  Il s’agit d’une Algérie pacifiée, tournée vers l’avenir, après avoir vécu une terrible épreuve. Lazhar Soualem, a affirmé que le « choix de la société algérienne vers plus de liberté irréversible ».

L’Algérie « a vaincu militairement et politiquement le terrorisme ». La Charte pour la paix et la réconciliation nationale est une réponse démocratique, elle a été approuvée à 97% par la population algérienne. « Les effets de la tragédie continuent encore de se faire sentir et les groupes terroristes sont toujours actifs, à l’affût de coups d’éclats médiatiques pour tenter de prouver que l’Algérie serait instable », a affirmé Soualem, ajoutant que la question de l’amendement de la Charte est à poser à la population algérienne.
Il a toutefois précisé que, tous les agents publics qui auraient eu des agissements en dehors des missions constitutionnelles ont été punis ou devront l’être, a assuré la délégation.

« Il n’y a plus de torture en Algérie »

Dans ses réponses, il a affirmé que les « libertés syndicales sont exercées par soixante-cinq organisations et les libertés de réunion et de manifestation sont des activités régulières de la société algérienne reflétant la vitalité de la vie démocratique dans le pays ».Quant à la mesure d’interdiction des manifestations à Alger, elle est liée à des « considérations propres à la capitale », a-t-il affirmé.

« l’État ne peut se risquer à autoriser des manifestations lorsqu’il est avéré que les organisateurs ne remplissent pas les conditions quiconcourent à ce qu’elles se déroulent pacifiquement », a précisé le chef de la délégation.

D’autres part, selon lui, il n’y a plus de torture en Algérie, a affirmé la délégation. Toute garde à vue est conditionnée à la visite d’un médecin.  Le pays a pris toute une série de mesures pour empêcher la torture dans tous les lieux de garde à vue. Quant aux, allégations de torture et de disparitions forcées à Tindouf ne sont pas fondées, a par ailleurs affirmé la délégation

« Tout le monde est Amazigh en Algérie »

En outre, il a rejeté l’existence de lieux secrets de détention. Il a assuré « qu’il n’y avait pas de ce genre de lieux », invitant ceux qui colportent de telles allégations à en apporter les preuves. « Ces accusations sont faites par des personnes très mal intentionnées ». « Nul ne saurait s’arroger le droit de maintenir une personne illégalement, ce qui constituerait un crime très grave », a-t-il appuyé.

Sur un au registre, il a lancé que tout le monde est Amazigh en Algérie, a déplorant que la question de l’identité ait été manipulée dans l’histoire du pays.

Merzoug Touati, « un procès équitable »

La délégation a souligné que la profession de journaliste était réglementée en Algérie. «N’est pas journaliste qui veut», a-t-elle précisé.  Il arrive que des journalistes soient poursuivis mais pas au motif qu’ils sont journalistes. Il ne faut pas faire des amalgames pour créer une catégorie qui viendrait à échapper à l’application des règles de droit.

La délégation a expliqué que les personnes poursuivies pour terrorisme mentionnées par un membre du Comité l’étaient pour des faits extrêmement graves : on a trouvé sur leur ordinateur les photos d’un groupe terroriste très dangereux et elles faisaient l’apologie du terrorisme.  Ces personnes ont eu droit à un procès équitable suite à une enquête impartiale, en allusion probablement au journaliste Merzoug Touati.
Il aussi, soutenu qu’il « n’existe pas de censure, ni de monopole sur l’impression, ni de délit d’opinion, ni de peine privative de liberté pour les professionnels de l’information ».

S’agissant de la liberté de religion, la délégation a expliqué que l’État est en droit de s’enquérir de l’origine et de l’usage de livres religieux provenant de l’étranger.

Migrants, front Polisario, ……

En ce qui concerne les questions relatives aux réfugiés et migrants, il a expliqué que le problème de la migration, « c’est qu’aucun texte universel ne protège les migrants, rappelant que l’Algérie mène des efforts auprès de la communauté internationale pour avancer sur cette question.

A la question des avoirs des Algériens et Marocains expulsés des territoires des deux États. Il a indiqué que « le Maroc a torpillé le processus en prenant des mesures unilatérales ».  Cependant, la partie algérienne « est prête à continuer à faire des efforts dans ce domaine en soulignant que la plupart des Marocains concernés n’avaient pas de titres de propriété ».

Pour ce qui est  des territoires administrés par le Front Polisario, la délégation algérienne a observé que dans « l’ensemble des missions de maintien de la paix, la seule qui n’a pas un volet droits de l’Homme est la Minurso (Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental), en raison de l’opposition de certains pays. »

« Seul un mécanisme impartial pourra établir les violations des droits de l’Homme dans les camps de Tindouf.  Il n’appartient pas au pouvoir judiciaire algérien d’aller régir ce qui se passe entre les réfugiés temporaires dans le pays.  Il faut se poser la question de savoir pourquoi ces personnes se retrouvent réfugiés dans un pays tiers », soutient la délégation algérienne.

En ce qui concerne les questions relatives aux réfugiés et migrants, il a expliqué que le problème de la migration, « c’est qu’aucun texte universel ne protège les migrants, rappelant que l’Algérie que « l’Algérie est une terre d’hospitalité pour tous ceux qui ont un besoin légitime de protection ».

Il convient de noter que le Comité onusien adoptera des observations finales sur le rapport de l’Algérie, à l’issue de la session qui prendra fin le 27 juillet prochain.

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