Quelles perspectives de la réunion de l’OPEP du 22 juin 2018 ?

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Les ministres saoudien et russe du Pétrole multiplient les déclarations depuis leur rencontre lors du match inaugural de la Coupe du monde, le Ministre russe estimant à 1,5 million de barils l’augmentation de la production OPEP – non-OPEP, « inévitable », le prix d’équilibre ne devant pas dépasser 70 dollars. En plus de la réunion traditionnelle, des pays de l’OPEP, se tiendra en marge  une concertation  avec des pays  non membre de  OPEP ( 9ème réunion du comité conjoint de monitoring Opep et non Opep , le JMMC étant composé de quatre pays membres de l’Opep (Algérie, Arabie Saoudite, Koweït et Venezuela) et de deux pays non membres de l’Opep (Russie et Oman). Cependant nous assistons à une conjoncture particulière. En plus du déclin des exportations du Venezuela, de la Libye et des sanctions US contre l’Iran, le pétrole américain, (les États-Unis ayant exporté des quantités record de pétrole vers la Chine au cours des six derniers mois 2018, 363 000 barils par jour) est visé par les surtaxes chinoises. Or la fermeture des frontières chinoises au pétrole américain, et un éventuel  ralentissement de l’économie mondiale de cette guerre commerciale incessante pourrait avoir un impact négatif sur le prix du pétrole. Or pour l’Algérie, la loi de finances a été établie à 50 dollars le baril. Pour un cours moyen de 70 dollars durant toute l’année,  cela occasionnerai environ 12 milliards de dollars  par rapport à ce plafond, ce qui limiterai le recours important au financement non conventionnel qui contrairement aux discours démagogiques a un effet inflationniste, étant une loi universelle. D’où l’importance pour l’Algérie des décisions lors de la prochaine réunion de l’OPEP à Vienne.

Dr Abderrahmane MEBTOUL, Professeur des Universités, expert international (ademmebtoul@gmail.com)

1.-Rappel de l’Accord de Vienne du 30 novembre 2016

Suite aux travaux du comité de haut niveau, qui a permis d’aplanir les tensions notamment entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, la dernière réunion à Vienne de décembre 2016 a permis aux pays membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et certains pays non-OPEP dont le plus important est la Russie de parvenir à un accord de réduction et ce pour la première fois depuis 2008 de l’offre de pétrole de 1,8 million de barils/jour. Selon l’Accord de Vienne de décembre 2016, cet accord ayant été prolongé jusqu’à fin 2018, lors de la réunion de l’organisation le 30 novembre 2017, les limites de production prévues par l’accord touchent 11 des 14 pays membres de l’OPEP. L’essentiel de l’accord du 30 novembre 2016 est porté par les plus gros producteurs du cartel : Arabie Saoudite, Irak, Émirats arabes unis, Koweït, tandis qu’Iran, Nigeria et Libye en ont été exemptés. Seule l’Iran a bénéficié de la référence la plus favorable avec un volume de 3,97 Mb/j retenu (contre un niveau de 3,69 Mb/j, bien que l’Iran ait souhaité à cette période que sa production remonte à 4,2 Mb/j. L’Arabie saoudite premier exportateur mondial de pétrole, a accepté de ramener sa production à 10,06 millions de barils par jour (bpj) et donc de réduire sa production de 500 000 barils. Les pays non-OPEP présents ont convenu d’une réduction de 558.000 barils/j qui s’ajoute à la réduction de 1,2 million de bpj des pays OPEP. Pour les non OPEP, la Russie sera le plus important de ces contributeurs avec une réduction de 300 000 bpj.

La répartition des quotas de l’Opep a été la suivante :

-L’Algérie dispose d’un quota de 1,089 million de barils jour, avec une réduction de 50.000 barils/jour son quota passe à 1,039 million barils/j,

-L’Angola  passant de 1,751 million barils/jour à 1,679 barils/j,

-L’Arabie Saoudite passant de 10, 544 million barils/j à 10,058 barils/j,

-Les Emiraties Arabes Unies passant de 3,013 barils/j à 2,874 barils/jour,

-L’Equateur passant de 548.000 barils/jour à 522.000 barils/j,

-Le Gabon de 202.000 barils jour à 193.000 barils/jour,

-L’Iran de 3,975 millions barils/jour à 3,797 millions barils/j,

L’Irak de 4,561 millions barils/j à 4,351 millions barils/j,

-Le Koweït de 2,838 millions barils/j à 2, 707 millions barils/j,

-Le Qatar (pays essentiellement gazier 3ème réserve mondiale de gaz traditionnel après la Russie et l’Iran), 648.000 barils/j à 618.000 barils/j,

-Le Venezuela, paradoxe le premier réservoir de pétrole mondial avant l’Arabie Saoudite mais un pétrole lourd actuellement en semi-faillite, de 2,067 millions de barils/j à 1,972 millions de barils jour.

Les  autres pays hors OPEP concernés par l’accord conclu sont :

-la Russie 300.000 barils jour de réduction dont la production russe de pétrole

-le Mexique (2,1 Mb/j en octobre/novembre 2016)

le Kazakhstan (1,7 Mb/j) ;

Oman (1 Mb/j) ;

-l’Azerbaïdjan (0,8 Mb/j) ;

-la Malaisie (0,7 Mb/j) ;

-la Guinée équatoriale (0,2 Mb/j),

-le Soudan du Sud (0,1 Mb/j) ;

-le Soudan (0,1 Mb/j) ;

-le Brunei (0,1 Mb/j).

Dans les faits, l’essentiel de cette baisse est assuré par les deux plus grands producteurs de ce groupe hétérogène : la Russie (- 0,3 Mb/j) et le Mexique (- 0,1 Mb/j).

2.-L es neufs facteurs déterminants le cours du pétrole 

Le cours du Brent malgré la menace du président américain a été coté le 18 juin 2018 à 75,47 dollars et le Wit à 65,63 dollars tout en n’oubliant pas que les recettes de Sonatrach sont représentés à environ 33% par le gaz dont le prix de cession sur le marché libre a été coté à seulement à 2,97 dollars le MBTU d’une baisse de plus de 40% par rapport à 2010. Quelles sont les raisons? Je recense neuf facteurs déterminants interdépendants des cours du pétrole 2018/2020/2030, facteurs essentiellement exogènes dont l’Algérie  a une  marge d’action limitée.

La première raison, sont les tensions géostratégiques au Moyen Orient la position des USA vis-à-vis de l’Accord avec l’Iran, qui bouleverse toute la stratégie de l’OPEP, certes timidement atténué par la position européenne et que le monde a connu un froid inégalé accroissant la demande. La donne géostratégique dont les tensions avec l’Iran, la situation sécuritaire en Irak, Syrie et au Yémen, dans cette conjoncture particulière a fait hausser le cours d’au moins 7 à 8 dollars par baril.

La deuxième raison, comme vient de le souligner le FMI et la Banque mondiale en ce mois de juin 2018 est la croissance qui risque de chuter avec les rivalités à la fois américano-européennes et américano-chinoise sur les mesures protectionnistes US ayant un impact négatif sur le commerce international, Mais l’on doit être attentif également aux mutations du mode de croissance du fait de la quatrième révolution économique mondiale impliquant un nouveau modèle de consommation énergétique ( efficacité et mix)

La troisième raison, est le respect, globalement, du quota des membres de l’Opep décidé en décembre 2016 à Vienne,

La quatrième raison, est l’introduction du pétrole-gaz de schistes américain qui a bouleversé toute la carté énergétique mondiale. Selon les observateurs internationaux, le cours souhaitable ne devrait se situer à pas 70 dollars pour ne pas pénaliser la croissance mondiale et afin d’éviter l’entrée massive du pétrole et du gaz de schiste US dont les gisements marginaux, qui sont les plus nombreux, deviennent rentables à un cours supérieur à 60 dollars, inondant ainsi le marché. L’AIE vient de faire savoir en ce mois de janvier 2018, que pour 2018, la production américaine si le cours se maintient supérieur à 60 dollars dépasserait pour la première fois la production de l’Arabie saoudite.

 La cinquième raison, est l’entente hors Opep entre l’Arabie saoudite et la Russie, ces deux pays produisant plus de 10 millions de baril/ jour

La sixième raison, est la situation politique en Arabie saoudite, les Bourses ne voyant pas encore clair de l’action du prince héritier dans la lutte contre la corruption, avec la crainte de tensions politiques internes, mais surtout de la vente de 5% d’actions d’une partie de la grande société Aramco, afin de maintenir l’action à un niveau élevé, vente qui a été reportée pour 2019 .

La septième raison, est la tension au Kurdistan, cette zone produisant environ 500 000 barils/jour, la baisse de la production vénézuélienne, les tensions en Libye et au Nigeria

La huitième raison, est la faiblesse du dollar par rapport à l’euro.

La  neuvième  raison,  est la baisse ou la hausse des stocks américains tout en n’oubliant pas les stocks chinois

3- Quelles perspectives ?

Lors de sa prochaine réunion ordinaire qui se tiendra le 22 juin 2018 à Vienne, l’OPEP décidera t –elle de suspendre les restrictions existantes sur la production de pétrole de ses pays membres, courant 2018 à partir de l’année 2019? Pour l’Iran les seuls marchés potentiels avec les risques du développement d’un marché informel qui lui restent après l’embargo US restent la Chine et l’Inde mais à un prix inférieur à celui du marché. Selon l’OPEP la différence entre 102 dollars et 45 dollars depuis juin 2014 avant le redressent des cours a occasionné une perte de 1.000 milliards de dollars en termes de revenus et 1.000 milliards de dollars en termes de pertes d’investissement. A un cours de 55 dollars la réduction occasionne une perte de 3780 millions de barils/an et environ 219 milliards de dollars pour les pays de l’OPEP. Une étude de l’OPEP montre en moyenne que la rentabilité pour bon nombre de  pays OPEP  pour équilibrer leur budget, le prix qui couvre les frais et une marge de profit raisonnable, doit se situer entre 60/80 dollars, variant selon la durée de vie des gisements et des coûts par pays. Mais bon nombre d’experts  s’interrogent sur la tentation pour les producteurs de «maquiller» des déclins naturels, liés à l’épuisement de certains gisements et déjà intégrés aux prévisions, afin de les faire passer pour des réductions volontaires. L’OPEP bien que représentant les plus grandes réserves mondiales, n’a plus le même impact sur le marché que dans les  années 70. Avant de décider d’une réduction de la production de 1,2 millions barils/ jour, celle-ci représentait seulement 33% de la production mondiale commercialisée mondiale, les 67% restants se faisant hors OPEP.

Quelles leçons tirer ?

Le grand problème sera de revoir la politique des subventions des énergies fossiles qui pénalisent la transition énergétique. Chaque année dans le monde, 5. 300 milliards de dollars (10 millions de dollars par minute) sont dépensés par les Etats pour soutenir les énergies fossiles, selon les estimations du Fonds monétaire international (FMI) rapport pour la COP21. Or, il semble bien que la majorité des dirigeants du monde ont pris conscience de l’urgence d’aller vers une transition énergétique. Car si les Chinois, les Indiens, le continent Afrique, avaient le même modèle de consommation énergétique que les USA, il faudrait cinq fois la planète terre. En cas d’une mutation du modèle de consommation énergétique au niveau mondial, (l’avenir à l’horizon 2030 étant hydrogène), cela pourrait  influencer horizon entre 2025/2030,  le niveau des prix des énergies fossiles vers le bas au profit d’autres sources d’énergie.

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