Hydrocarbure : Toute déstabilisation de l’Algérie se répercutera sur la méditerranée et toute l’Afrique

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Comme j’ai eu à le démontrer dans deux interviews l’une à l’American Herald Tribune le 28 décembre 2016 et l’autre le 17 février au quotidien financier  français la Tribune. Fr, toute déstabilisation de ‘Algérie aurait des répercussions sur toute l’espace méditerranéen et africain.   C’est pourquoi, et encore pour longtemps, il ne faut pas être utopique, Sonatrach c’est l’Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach, sa gestion et son devenir posant la problématique de la sécurité nationale.

Dr Abderrahmane MEBTOUL, Professeur des Universités, expert international

D’une manière générale,  l’énergie est au cœur de la souveraineté des Etats et de leurs politiques de sécurité allant parfois à provoquer des guerres. Les avancées techniques (Gnl-gaz  naturel liquéfié, gaz de schiste, amélioration des performances d’exploitation de gisements d’hydrocarbures, énergies renouvelables) couplées aux dynamiques économiques modifient les rapports de force à l’échelle mondiale et affectent également les recompositions politiques à l’intérieur des Etats comme à l’échelle des espaces régionaux.  Je recenserai sept axes directeurs pour la transition énergétique  de l’Algérie (1)

1.-Le premier axeconsiste à améliorer l’efficacité énergétique afin d’économiser, en s’appuyant sur les nouvelles techniques, la consommation d’énergie tant au niveau des ménages que du secteur économique. La plus grande réserve de gaz et de pétrole pour l’Algérie, ce sont les économies d’énergie pouvant aller à 15/20%. Cela implique de revoir notamment les politiques actuelles désuètes de l’habitat et du transport et un large débat national sur les subventions actuellement non ciblées source de gaspillage et de fuites de produits hors des frontières. Je préconise au niveau du Premier ministre, en relation avec le ministre des finances, de la création d’une Chambre nationale de compensation afin de cibler les subventions destinées aux couches les plus défavorisées et aux secteurs qu’on voudrait encourager d’une manière transitoire. Ceci suppose la mise en place d’un système d’information en temps réel performant. Si on reste au niveau des prix subventionnés actuels (à peine entre 5/ 10 % du prix international selon les utilisateurs, ménages ou opérateurs), la consommation intérieure en 2030 sera l’équivalent et plus des exportations actuelles, environ 60 milliards de mètres cubes gazeux. Il est manifestement impossible de continuer à cette allure. Comment ne pas rappeler que chaque année, les entreprises d’extraction d’énergies fossiles du monde entier reçoivent 4740 milliards d’euros de subventions publiques, soit près de 167.000 € par seconde (compteur), soit selon le FMI lors de la COP 21 plus de 5000 milliards de dollars, donc une concurrence déloyale vis-à-vis des autres sources d’énergie.

2.-Le deuxième axeest l’investissement dans l’amont pour les hydrocarbures traditionnels. Il faut être réaliste, l’Algérie sera fortement dépendante du cours des hydrocarbures, encore au moins sept à dix années, sous réserve que la production hors hydrocarbures prennent la relève horizon 2025/2030, nécessitant un nouveau management stratégique 2020/2030 de Sonatrach qui reste avec ses filiales la propriété de l’Etat à 100% ( n’étant nullement question de la privatiser). Il faut reconnaître le dynamisme de l’actuelle équipe dirigeante pour y faire face. L’Algérie dont le quota OPEP est de 1,2 millions de barils jour auquel il faut soustraire les 50.000 barils de réduction doit être attentive au cours du gaz qui représente plus de 33% des recettes de Sonatrach,  les contrats à moyen et long terme dans leur majorité  expirant entre 2018/2019. Dans ce cadre, l’Algérie a décidé d’investir en amont pour de nouvelles découvertes car elle recèle encore d’importantes potentialités. Mais pour la rentabilité de ces gisements tout dépendra du facteur prix au niveau international et du coût d’exploitation. Pour ma part, j’ai précisé, dans plusieurs rapports destinés au gouvernement algérien, que le retour à des cours supérieurs à 100 $ le baril était totalement exclu. Donc la rentabilité devra s’inscrire, pour les grands gisements, entre  35/45 dollars, les gisements moyens entre 45 et 60 $ et pour les gisements marginaux entre 65 et 75 $.

3.-Le troisième axe, est le développement des énergies renouvelables. Selon l’Agence spatiale allemande (ASA), pour l’Algérie, le potentiel est estimé à 169,440 téra-watts heure/an (TWH/an) pour le solaire thermique, et de 13,9 TWH/an pour le solaire photovoltaïque, ce qui équivaut à environ 60 fois la consommation de l’Europe des 15 (estimée à 3 000 TWh par an). L’énergie solaire journalière dans le désert équivalent- pétrole est estimée à 1,5 baril par km². L’Algérie selon les directives de son Excellence Mr le Président de la République s’oriente vers un Mix énergétique dont les énergies renouvelables au sein du bouquet énergétique qui deviennent une priorité nationale. Les responsables du Ministère de l’énergie viennent d’annoncer en ce mois de mars 2018 qu’un total de 27% de la consommation énergétique en Algérie proviendra à l’horizon 2030 des énergies renouvelables, et ce grâce à la mise en place d’un programme (en cours de réalisation) relatif à la production de 22 000 mégawatts d’énergies propres (solaire, éolienne etc.). Est ce que cet objectif est réalisable sans lever certaines contraintes institutionnelles pour plus de cohérence ( ce segment devant relever du Ministère de l’Energie)  socio-économiques et techniques? L’Algérie a tout ce qu’il faut pour développer l’utilisation de l’énergie solaire dans le cadre d’un partenariat gagnant / gagnant. La ligne qui a été fixée est de développer un partenariat privé national / privé international. A cet effet, plusieurs décrets ont été publiés au niveau du CREG (l’agence de régulation qui dépend du ministère de l’énergie) pour accompagner la mise en œuvre du programme algérien de développement des énergies renouvelables dans le cadre de la mise en place d’un Fonds national de maîtrise de l’énergie (FNME). L’évolution du prix du marché sera évidemment déterminante pour pouvoir investir et assurer la rentabilité des investissements. Sur les 22 000 MGW projetés, un peu plus de 500 MGW ont été déjà produits, jusqu’à fin 2017, à partir de 23 centrales photovoltaïques à travers le territoire national, Dans le domaine du transport, un million de véhicules seront convertis à l’horizon 2030 (programme national) à deux sources d’énergies propres qui sont le gaz naturel comprimé (GNC) et Sirghaz (GPLC), en remplacement des carburants polluants. Il a été prévu en 2018, selon l’Aprue, la conversion de 50 000 véhicules aux énergies propres ainsi que 100 000 autres véhicules en 2019. Contrairement aux carburants classiques, le GNC et le GPLC réduisent significativement les émissions de gaz à effet de serre (CO2 et CO) et les émissions polluantes, Je rappelle que ’Algérie a décidé d’appliquer les résolutions  de la COP 21 et de la COP 22 (récemment tenue à Marrakech) concernant le réchauffement climatique ; le ministre de l’énergie nous a donné toutes les garanties à cet égard.

4.-Le quatrième axe, est l’option du pétrole / gaz de schiste, l’Algérie en étant le 3ème réservoir mondial selon des études internationales. Devant éviter toute désinformation, quant au pétrole et gaz de schiste, l’Algérie qui possède la troisième réservoir mondial (près de 20.000 milliards de mètres cubes gazeux selon une étude américaine), selon les directives de plusieurs conseils de ministres, et des déclarations du Ministre de l’Energie, les négociations notamment avec d’importants partenaires étrangers, l’Algérie est uniquement en phase d’exploration et non d’exploitation. J’ai eu l’honneur de diriger ce dossier remis au gouvernement en janvier 2015, en m’appuyant sur l’avis de 27 experts.  Nous avons fortement préconisé d’éviter une position a priori tranchée pour ou contre car il convient de sensibiliser la population et de mener un large débat national. On ne saurait minimiser les risques de pollution des nappes phréatiques dans le sud. Mais l’examen de la situation avec les experts, laisse espérer que des nouvelles techniques apparaîtront dans un délai d’environ cinq à sept ans, permettant d’économiser l’eau et de réduire considérablement l’injection de produits chimiques à partir de la fracturation hydraulique.

5.-Le cinquième axe, l’Algérie a décidé de construire sa première centrale nucléaire au-delà de 2025 à des fins pacifiques, pour faire face à une demande d’électricité galopante. Actuellement, des pourparlers sont en cours, mais à relativement long terme compte tenu des problèmes liés à l’exploitation des gisements d’uranium et surtout à la formation.

6.- Le sixième axe ,  est la nécessité de revoir certains articles de la loi sur les hydrocarbures de février   2013. Rappelons que la loi sur les hydrocarbures en vigueur a introduit un système d’écrémage des superprofits applicable aux bénéficiaires du taux réduit de l’Impôt complémentaire sur le résultat (ICR). Elle a aussi élargi le contrôle fiscal aux compagnies pétrolières étrangères opérant en Algérie, alors qu’auparavant, seul le groupe Sonatrach était considéré comme sujet fiscal, soumis aux obligations de contrôle de sociétés, prévu par le code des impôts algérien. La loi actuelle a également révisé la méthodologie de détermination du taux de la Taxe sur le revenu pétrolier (TRP) qui est, depuis 2013, basée sur la rentabilité du projet au lieu du chiffre d’affaires. Elle a maintenu l’exercice exclusif par Sonatrach de l’activité transport par canalisations des hydrocarbures et des produits pétroliers, comme elle accorde la priorité à la satisfaction des besoins en hydrocarbures liquides et gazeux du marché national, notamment à travers un dispositif obligeant les contractants à céder au prix international une partie de leur production. La loi en vigueur donne la possibilité d’acquittement en nature de la redevance, et a clarifié et précisé certaines missions de l’Autorité de régulation des hydrocarbures (ARH) et de l’Agence nationale pour la valorisation des ressources en hydrocarbures (Alnaft). Or, avec la baisse drastique du prix du pétrole ayant eu comme effet, en Algérie, la réduction de la dépense publique via la baisse des recettes d’hydrocarbures de plus de 40%, les sociétés étrangères, face à un cours fluctuant entre 50/65 dollars, deviennent plus exigeantes dans le choix des opportunités disponibles à travers le monde, surtout avec les nouvelles découvertes et les nouvelles technologies.  Sonatrach qui compte investir 78 milliards de dollars dans les cinq prochaines années pour développer des projets pétroliers et gaziers a besoin de partenaires internationaux pour mener cet ambitieux plan qui sera axé sur l’exploration, la production, le raffinage et la pétrochimie. Aussi des modifications s’imposent afin de faciliter la prise de décision d’investissement aux compagnies pétrolières en leur permettant d’avoir une visibilité pour asseoir des investissements à long terme,  d’améliorer l’attractivité de notre pays en direction des partenaires étrangers, du fait que la plupart des appels d’offres lancés par l’Algérie pour la recherche et l’exploration pétrolières se sont avérés infructueux ces dernières années.  Une réflexion doit donc être engagée dans sa partie fiscale, l’ écrémage progressif au delà de 30 dollars n’étant plus approprié, le baril n’étant plus de plus de 100 dollars comme en 2013, ainsi que certains volets de la partie financière =, de façon que l’investisseur et l’Algérie soient gagnant-gagnant. Certains experts préconisent de revenir au partage de la production afin de partager le risque car une loi doit s’adapter,  devant épouser la conjoncture actuelle du monde pétrolier qui n’est pas statique mais dynamique et qui évolue continuellement. Il faut aller dans le détail de la réglementation, pour bien protéger nos intérêts, par la définition de contrats types et pour le contrat d’exploitation, il s’agira d’en affiner le contenu pour mieux gérer les charges variables, parfois difficile à contrôler. Mais, la modification d’une loi et ceci est valable pour tous les secteurs, est une condition nécessaire mais cela ne suffit pas pour attirer l’investissement ne devant jamais oublier que Sonatrach évolue dans un environnement contraignant d’où l’urgence de profondes réformes structurelles afin de lever les contraintes d’environnement dont la bureaucratie étouffante, en termes de sécurité des investissements, le système financier, système socio-éducatif, le foncier qui bloquent les initiatives créatrices. Pour ma part en tant qu’expert, je préconise que Sonatrach (pas question de privatisation , propriété de l’Etat à 100% ainsi que ses  filiales ) revienne à ses métiers de base et que s’il n’est pas question de toucher à la règle des 49/51% pour les grands gisements, pour les nouveaux projets de canalisations dont le taux de profit est en moyenne inférieur de 30% par rapport à l’amont, et pour les petits gisements, se pose la règle des 49/51%, où l’on peut imaginer une minorité de blocage de 30%.

7.- Le septième axe,  est d’améliorer le management de Sonatrach. Sur le plan des résultats financiers, il s’agira  dans la gouvernance de Sonatrach de discerner au vu du résultat but d’exploitation, ce qui est imputable à une bonne gestion interne et ce qui est imputable aux aléas internationaux qui sont déterminants, existant des liens dialectiques entre une bonne organisation et la réduction des coûts pour être concurrentiel.  Il s’agira donc d’élaborer un modèle de simulation donnant plusieurs variantes en fonction des paramètres et variables -fonction de contraintes qu’il s’agira d’éliminer pour éviter des effets pervers, gérer étant prévoir surtout pour cette entreprise stratégique pour le pays. La démarche devra être de type itératif. Elle consistera à itérer les séquences en plusieurs étapes : fixer les objectifs d’amélioration des performances reliés à chaque fonction où à chaque système de gestion, selon une démarche descendante et en vérifier le réalisme ( ratios, contexte) ; -évaluer l’ordre de grandeur des impacts attendus (gains, qualité, délais, coût…) selon une démarche ascendante ; -évaluer les moyens et les délais nécessaires (ordre de grandeur) et enfin vérifier qu’à chaque objectif fixé peuvent être associés des indicateurs de performance faciles à mettre en œuvre. Cette simulation permettra la mise en place de deux ou trois scénarios d’amélioration des performances de Sonatrach tenant compte de l’évolution erratique tant du cours du dollar, de l’euro que du cours du pétrole et du gaz , permettant d’ identifier chaque action, décrire le contenu, évaluer les moyens, les délais, les coûts associés à l’action, vérifier le niveau de gain attendu éventuel, rédiger une fiche descriptive de chaque action accompagnée d’un tableau récapitulatif des moyens, coûts et gains attendus et enfin établir un tableau récapitulatif des indicateurs de performance à prévoir.

 

Conclusion :  s’adapter à la nouvelle  transition énergétique mondiale

Pour l‘Algérie,  une hausse d’un dollar en moyenne annuelle procure entre 500-600 millions de dollars supplémentaires à l’Algérie soit à 60 dollars à 6 milliards de dollars/an en référence à la loi de finances établie à 50 dollars et 12 milliards de dollars si le cours  en moyenne annuelle se maintient à 70 dollars permettant de limiter le financement non conventionnel.  Encore comme rappelé précédemment que 33% des recettes de l’Algérie proviennent du gaz naturel. Cependant,  il faut éviter à tout prix de vivre de l’illusion de la rente éternelle et penser en urgence, pour des raisons de sécurité nationale à un nouveau modèle de consommation énergétique et surtout à une stratégie de développement hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales, supposant de profondes réformes structurelles. Car c’est une erreur stratégique de raisonner sur le modèle de consommation énergétique linéaire du passé. C’est dans ce cadre que doit être mis en œuvre, pour l’Algérie,  un programme national cohérent  de la transition énergétique posant la problématique de sa sécurité énergétique  maîtrisée s’insérant dans le cadre global d’une transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux. Cela suppose de revoir l’actuel  modèle de consommation énergétique, posant la problématique des subventions dans le domaine énergétique,  et de lever toutes les contraintes bureaucratiques d’environnement qui freinent l’expansion de l’entreprise publique ou privée  créatrice de valeur ajoutée et son fondement l’économie de la connaissance. Le rapport offre/ demande à court terme, la structuration de la croissance de l’économie mondiale  et la nouvelle configuration énergétique mondiale qui se dessinent 2017/2030, avec de nouvelles énergies alternatives concurrentes, seront à l’avenir les déterminants tant du cours du pétrole que celui du gaz naturel.  L’énergie est au cœur  du développement et de la sécurité nationale.  C’est dans ce cadre  qu’il s ‘agit à la fois de revoir la loi des hydrocarbures de février 2013  et d’imaginer un nouveau management stratégique de Sonatrach pour s’adapter à ces importantes  mutations, le monde  devant  connaitre une profonde  mutation énergétique entre 2020/2030 /2040 auquel l’Algérie ne saurait y échapper mais qui concernent tant le domaine militaire, sécuritaire, social, culturel , étant à l’aube de la quatrième révolution économique mondiale fondée sur l’innovation permanente et les industries écologiques.  ademmebtoul@gmail.com

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