Usines de montage de voitures : Les 4 questions à poser au gouvernement

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Quatre questions se posent et à laquelle toute politique économique cohérente  doit  répondre afin d’éviter à terme l’épuisement des réserves de change,  la faillite de bon nombre de constructeurs de voitures qui auront entre temps engrangé des profits énormes (transfert de rente) au détriment du trésor sans apporter une véritable valeur ajoutée

Professeur Abderrahmane Mebtoul ([email protected])

Premièrement,   selon les statistiques douanières en date du 15 avril 2018, la facture d’importation des collections CKD/SKD destinées à l’industrie de montage des véhicules (toutes catégories) est évaluée à  449,1 millions de dollars entre début janvier et fin février 2018, contre 219,5 millions de dollars sur la même période de 2017, en hausse de près de 230 millions de dollars (+104%).

Si on émet l’hypothèse que le taux d’intégration varie entre 15/20% au même rythme, la sortie de devises dépassera largement  3  milliards de dollars/an fin 2018  sinon plus.

Or les deux premiers mois ne sont pas significatifs, la grande quantité des importations se faisant vers la fin du premier semestre après le déblocage du budget.

Dans l’hypothèse d’un taux d’intégration de 15/20% par rapport à la valeur réelle du véhicule, et si l’on s’en tient au chiffre donnée par le premier ministre le 14/04/2018 de 250.000 unités, la facture d’importation s’orienterait facilement vers  9/10 milliards de dollars /an  avec un impact négatif sur les réserves de change

Deuxièmement, Sans une vision cohérente de la politique industrielle tenant compte de la forte concurrence internationale et des nouvelles mutations technologiques dans ce domaine, ne fallait –il pas par commencer de sélectionner deux ou trois constructeurs algériens avec un partenariat étranger gagnant/gagnant maîtrisant les circuits internationaux avec un cahier de charges précis  leur donnant des avantages fiscaux et financiers en fonctions de leur capacité.

Dans ce cadre, comment pénétrer le marché mondial à terme avec la règle des 49/51%, aucune firme étrangère de renom ne pouvant accepter cette règle rigide dans le cadre des exportations mondiales et donc avec le risque que l’Algérie supporte tous les surcoûts conduisant  à l’endettement d’autant plus que l’Algérie risque de connaitre des tensions budgétaires entre 2018/2020? ces opérateurs, seront- ils capable d’exporter pour couvrir la partie sortie devises  et quelle sera la balance devises des unités projetées ? Construit-on actuellement une usine de voitures pour un marché local alors que l’objectif du management stratégique de toute entreprise n’est –il pas ou régional  et  mondial afin de garantir la rentabilité financière face à la concurrence internationale, cette filière étant internationalisée avec des sous segments s’imbriquant au niveau mondial.

Les normes internationales, du seuil des capacités au niveau mondial se situent entre 200.000 et 300.000/an pour les voitures individuelles, environ 100.000 et plus unités/an pour les camions/ autobus et évolutives avec les grandes concentrations depuis 2009. 

En 2017, à tire d’exemple la production du  Groupe Renault au Maroc, ce sont plus de 375.000 véhicules qui sont sortis des chaines de ses deux usines de Tanger et Casablanca, dont une grande fraction destinée à l’exportation pour couvrir la balance  devises.

L’on doit dresser la balance dérapage du dinar, la majorité des inputs (coûtant plus cher avec le dérapage du dinar) devant inclure le coût de transport, et les exonérations fiscales et bancaires qui actuellement devant expliquer scientifiquement pourquoi cela n’a pas permis la baisse importante des prix. 

Aussi, par rapport au pouvoir d’achat réel, (alimentaires, habillement notamment plus les frais de loyer et téléphone)  et avec le nivellement par le bas des couches moyennes, que restera –il en termes de pouvoir d’achat réel pour acheter une voiture, le niveau d’endettement ayant une limite assistant à une importante déthésaurisation  des ménages ?

La période de hausse des salaires vers 2012 avec des rappels a permis d’augmenter la demande, la demande actuelle ne dépassant pas 100.000/150.000 voitures an si on la relie au pouvoir d’achat actuel.

Il y a lieu de tenir compte que l’économie algérienne est irriguée par la rente des hydrocarbures qui détermine fondamentalement le pouvoir d’achat des Algériens. L’inflation qui est de retour induit la détérioration du pouvoir d’achat. Le revenu global  doit être corrigé devant tenir compte de la répartition du revenu et du modèle de consommation par couches sociales, un agrégat global ayant peu de significations.

 Troisièmement,  la comptabilité analytique distingue les coûts fixes des coûts variables quel est donc le seuil de rentabilité pour avoir un coût compétitif par rapport aux normes internationales et aux nouvelles mutations de cette filière?

La carcasse représentant moins de 20/30% du coût total c’est comme un ordinateur, le coût ce n’est pas la carcasse (vision mécanique du passé), les logiciels représentant 70/80%, ces mini projets seront –ils concurrentiels en termes du couple coûts/qualité dans le cadre de la logique des valeurs internationales ? Et quelle sera le coût et  la stratégie des réseaux de distribution pour s’adapter à ces mutations technologiques? Comment dès lors ces micro-unités souvent orientés vers le marché intérieur, avec des anciennes technologies, réaliseront le taux d’intégration prévue de 40/50% au bout d’environ cinq années , risquant de fermer  (faillite ne pouvant faire face à la concurrence internationale) après avoir perçu tous les avantages qui constituent des subventions supportées par le trésor public d’où l’importance d’une régulation stricte de l’Etat pour éviter des transferts de rente au profit d’une minorité rentière?

Ainsi pour un taux d’intégration variant entre 0 et 10% les avantages doivent être limitées au maximum et devant leur fixer un seuil de production ne dépassant pas 5000 unités/an afin d’éviter que durant cette période certains opérateurs soient tentés dans une logique de rente, d’arriver à plus de 50.000 unités/an sans intégration, accroissant par là, la facture d’importation en devises des composants.

-Quatrièmement, quelle est la situation de la sous-traitance en Algérie pour réaliser un taux d’intégration acceptable qui puisse réduire les coûts ?

En faisant une comparaison avec les pays voisins où le taux d’intégration est plus élevé par rapport à l’Algérie, des experts ont souligné lors du forum à El Moudjahid au mois de mars 2017 que le  secteur industriel représente actuellement 6% seulement du PIB et que la sous-traitance nécessite une formation pointue adaptée aux nouvelles technologies.

Le nombre d’entreprises sous-traitantes recensées en Algérie est actuellement insignifiante dominées par des petites entreprises (TPE) avec moins de 10 employés et qu’environ 1%,  activent pour le secteur industriel, le reste opérant  soit dans le secteur commercial, la distribution, les services, le BTPH.

Aussi, une politique industrielle sans la maîtrise du savoir est vouée inéluctablement à l’échec avec un gaspillage des ressources financières.

Aussi l’industrie automobile étant devenue capitalistique, créant peu d’emplois  (les tours à programmation numérique éliminant les emplois intermédiaires) quel est le nombre d’emplois directs et indirects créés, renvoyant à la qualification nécessaire tenant compte des nouvelles technologies appliquées à l’automobile ? Ces voitures fonctionneront-elles à l’essence, au diesel, au GPLC, au Bupro, hybride ou au solaire renvoyant d’ailleurs à la politique des subventions généralisées dans les carburants qui faussent l’allocation optimale des ressources ? Entre 2015/2017,  pour le type de carburant utilisé, l’essence représente 65% et le gasoil 34%, l’utilisation du GPLC étant marginale.

En conclusion, il ne s’agit pas d’être contre ou pour la mise en place d’une industrie mécanique mais cette dernière doit être menée avec cohérence, pragmatisme et réalisme, existant un seuil de rentabilité pour avoir des prix compétitifs.

Il semble bien que certains responsables algériens oublient que la mondialisation est bien là avec des incidences politiques et économiques, voulant perpétuer un modèle de politique industrielle dépassé des années 1970’ qui ne peut que conduire le pays à une grande dépendance et à l’endettement à terme.

Je ne rappellerai jamais assez que le moteur de tout processus de développement réside en la recherche développement, que le capital argent n’est qu’un moyen. Sans bonne gouvernance centrale et locale, l’intégration de l’économie de la connaissance, aucune politique économique n’a d’avenir, en ce XXIème siècle, face à un monde turbulent et instable où les innovations technologiques sont en perpétuelle évolution.

L’Algérie doit investir tant dans les institutions démocratiques que dans des segments où elle peut avoir des avantages comparatifs : l’agriculture, le tourisme important gisement, les nouvelles technologies et dans des  sous segments de filières industrielles tenant compte des profonds changements technologiques face à une importante restructuration de cette filière internationalisée.

Les défis de l’économie algérienne sont  liés à une véritable stratégie tenant compte des nouvelles mutations mondiales impliquant forcément, une nette volonté politique d’approfondissement de véritables réformes macro-économiques, macro-sociales, micro-économiques et institutionnelles solidaires.

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