La diplomatie algérienne face au terrorisme

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L’Algérie abritera une réunion de Haut niveau sur la lutte contre le financement du terrorisme en Afrique, les 9/10 avril 2018 devant regrouper les délégués des pays membres de l’UA, de l’Organisation des Nations unies (ONU), de l’Union européenne (UE) et d’autres organisations internationales et régionales activant dans la lutte contre le terrorisme et son financement.

Professeur des universités, expert international en management stratégique Dr Abderrahmane MEBTOUL

Il faut rendre hommage à la diplomatie algérienne en étroite collaboration  avec  l’ANP et toutes les  forces de sécurité qui  s’activent pour apaiser les tensions régionales, le terrorisme étant une menace planétaire supposant une large coopération régionale et internationale. Car l’Algérie ne saurait à la fois supporter seul le fardeau financier avec la chute du cours du pétrole devant s’orienter vers une mutualisation des dépenses militaires et sécuritaires. Le poids d’une Nation en ce XXIème siècle se mesurant à son poids économique, espérons donc pour le devenir de l’Algérie que cette même énergie soit déployée pour consolider le front social intérieur impliquant l’approfondissement de l’Etat de Droit et de la démocratie tenant compte de notre anthropologie culturelle. Des stratégies d’adaptation qui interpellent tant l’Algérie sous continent de l’Afrique du Nord et plus globalement l’Afrique, les USA et l’Europe, objet de cette contribution qui relate différentes rencontres internationales à ce sujet, auxquelles j’ai eu l’honneur de participer.

1.-Nous avons débattu  en décembre 2013  à Paris au siège de l’IFRI de l’important ouvrage collectif  publié sous la direction de   Mansouria Mokhefi et Alain Antil qui dirigent respectivement les programmes «Maghreb/Moyen Orient» et «Afrique subsaharienne» (1) de l’Institut Français des Relations Internationales –IFRI-  intitulé «le Maghreb et son sud : vers des liens renouvelés» qui répond à certains questionnements à savoir la sécurité du Maghreb et de l’Europe. A ce titre, il a été mis en relief  particulièrement  par Jean Pierre CHEVENEMENT le rôle stratégique de l’Algérie comme facteur de stabilisation de la région. Par la suite le 17 février 2014, à l’invitation  de Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre français de l’Intérieur, de l’Éducation nationale et de la Défense et grand ami  puisqu’il est président de l’Association Algérie-France, en présence d’importantes personnalités (politiques, députés, sénateurs, experts internationaux) des deux rives de la Méditerranée en partenariat avec l’Union européenne, j’ai animé à cette occasion, au siège du Sénat français,  une conférence sur le thème « face aux enjeux géostratégiques pour un co-partenariat entre le Maghreb et l’Europe, facteur de stabilité de la région » suivi d’une autre intervention lors d’une rencontre  internationale fin2014 par des dirigeants européens, africains et magrébins à Rabat suite à l’invitation de . L’Alliance pour Refonder la Gouvernance en Afrique (ARGA) » constituée d’importants acteurs africains et non africains dont le siège est à Dakar – (Sénégal),  qui a organisé une rencontre internationale entre le 26/30 janvier 2014 sur le thème « l’Afrique  doit réinventer son économie » en partenariat avec la Fondation Charles Léopold Mayer pour les progrès de l’Homme, l’African Innovation Foundation.  Pour m’en tenir à l’intéressant ouvrage et les débats qui s’en ont suivis,  il  met en relief les relations entre les deux rives du Sahara et les dynamiques de la conflictualité saharienne actuelle interpellent l’Europe qui doit être attentive aux stratégies des pays du Maghreb en direction de leur Sud et sur les relations de toutes natures entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne. En effet, depuis des siècles, le Maghreb est lié avec l’Europe beaucoup plus étroitement qu’avec ses voisins du sud. Ainsi sont analysées, les politiques africaines de l’Algérie et du Maroc, politique de l’Afrique du Sud vis-à -vis du Maghreb, les mutations de la géopolitique saharienne après l’effondrement du régime libyen, les conséquences pour la région des tensions au Mali, l’importance des échanges économiques (formels et informels) et des échanges humains de part et d’autre du Sahara, les flux migratoires notamment des migrants subsahariens qui s’installent désormais dans les pays du Maghreb. Les auteurs expriment ainsi l’unité croissante d’un espace jusqu’ici renvoyé à  des logiques géopolitiques divergentes, et renouvellent aussi la vision que les Européens, peuvent avoir de notre Sud en évitant une vision européo centriste.  Les auteurs mettent en relief l’ancienneté du système caravanier transsaharien, l’unité culturelle forgée autour de l’Islam et l’existence d’un «complexe de sécurité» dans la bande sahélienne et les dangers de la pénétration de l’islamisme radical à ne pas confondre avec l’Islam religion de tolérance à l’instar du judaïsme ou du christianisme avec des menaces réelles tant au Maghreb, qu’en Europe. Et sans oublier qu’existent des influences religieuses autour de la conception de l’Islam qui influence largement les dirigeants politiques au niveau du Sahel. Entre les frères musulmans qui encouragent  le maraboutisme (zaouias) dominantes d’ailleurs au Maghreb, et les djihadistes  qui y voient une dérive de la religion. Du point de vue géographique et politique, l’Afrique du Nord  comme le rappelle justement les auteurs, aspects qui  sont  largement développés dans d’autres contributions notamment deux ouvrages réalisés sous ma direction et celle du docteur Camille Sari,  sur le Maghreb  face aux enjeux géostratégiques (’Edition Maarifa  édition Harmattan Paris juillet 2014)  (2) était et reste toujours une sorte de barrière sur la voie des réfugiés illégaux des pays d’Afrique subsaharienne en Europe. Bien avant et surtout depuis la chute du régime de Kadhafi le Sahel est l’un de ces espaces échappant à toute autorité centrale, où se sont installés groupes armés et contrebandiers.

 2.- Pour Eric Denécé, Directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, est clair sur l’origine de la situation présente: «il faut dire et répéter que le facteur déclenchant tout cela est l’intervention occidentale en Libye ». Ce qui ne disculpe pas l’ancien régime fondé non pas  sur des institutions mais sur des relations personnalisées qui explique l’effondrement   actuel de l’Etat libyen et dont bon nombre d’Etat  devraient tirer les leçons renvoyant part la mise  en place d’un  au processus démocratique. Pour  le directeur du FBI, James Comey qui a affirmé le 14 novembre 2013 devant le Congrès «qu’Al Qaida au Maghreb Islamique (Aqmi) constituait une forte menace aux intérêts américains et occidentaux dans la région de l’Afrique du nord et du Sahel». Il a cité l’opération terroriste perpétrée contre l’installation pétrolière de Tiguentourine en Algérie (Illizi) ainsi que celles commises contre le consulat américain à Benghazi et la mine d’uranium exploitée par une société française à Arlit (Niger). Pour le directeur du Centre américain du contre-terrorisme, Matthew Olsen, dont les services dépendent du Directeur du renseignement national des Etats-Unis (DNI), devant la commission sénatoriale que si l’intervention militaire conduite par la France au Mali a permis de chasser Aqmi et ses alliés des villes qu’ils contrôlaient auparavant, ces groupes arrivent, cependant, à trouver refuge dans les zones les moins peuplées du nord du Mali et continuent à commettre des attaques de représailles.   La plupart des dirigeants du Maghreb de l’Afrique de l’Europe et des Etats Unis d’Amérique s’accordent dorénavant sur la nécessité de coopérer davantage face à la menace de l’insécurité et du crime organisé, insistant sur une coopération étroite des pays du Maghreb et du Sahel ,  thème qui a été  développé lors d’une rencontre internationale des experts le 04 décembre 2013 à Paris, en marge du sommet des 06/07 décembre 2013  à laquelle j’ai participé. La résolution finale a mis  l’accent sur l’obligation de mettre en application une stratégie interrégionale qui associe l’ensemble des pays de la zone en plus des partenaires européens –américains  du fait que la région est devenue un espace ouvert pour divers mouvements terroristes et autres groupes qui prospèrent via le trafic d’armes ou la drogue, menaçant la sécurité régionale et par ricochet l’Europe et les USA. La résolution finale stipule l’urgence d’une coopération tant africaine que mondiale dans la lutte contre la criminalité transnationale  nécessitant une amélioration des bases de données afin de lutter efficacement contre le crime transfrontalier et le terrorisme.   C’est dans cet objectif que se sont établis des dialogues stratégiques notamment entre les USA/Algérie et Europe/Algérie. Cela a été formalisé lors de la première réunion qui s’était tenue en octobre 2012 à Washington, après la 5ème session du dialogue militaire conjoint algéro-américain. Les Etats-Unis considèrent ce Dialogue stratégique comme « le fondement » sur lequel les Etats-Unis et les pays du Maghreb dont l’Algérie doit jouer un rôle essentiel  afin de renforcer  leurs relations futures dans les domaines politique, économique, culturel, scientifique et sécuritaire, notamment de lutter contre le terrorisme international.

3.-Il s’agit donc de lever les contraintes du fait que la corruptibilité générale des institutions, pèsent lourdement sur les systèmes chargés de l’application des lois et la justice pénale en général qui ont des difficultés à s’adapter aux nouveaux défis posés par la sophistication des réseaux du crime organisé. La collaboration inter-juridictionnelle est ralentie par l’hétérogénéité des systèmes juridiques notamment en Afrique du Nord et en Afrique noire. De plus, la porosité des frontières aussi bien que la coordination entre un grand nombre d’agences chargées de la sécurité aux frontières posent de grands problèmes. À terme, la stratégie vise à attirer graduellement les utilisateurs du système informel vers le réseau formel et ainsi isoler les éléments criminels pour mieux les cibler tout en diminuant les dommages collatéraux pour les utilisateurs légitimes. D’une manière générale, l’erreur stratégique des nouveaux dirigeants libyens  a été d’essayer  de construire un Etat jacobin centralisé, loin des spécificités  régionales, pour un partage équitable de la rente,  comme je l’avais signalé à l’ambassadeur libyen lors d’une conférence à Malte  organisée par  l’Union européenne  en avril 2012, qui m’avait annoncé que plus de 60 milliards de dollars n’étaient plus recouvrables étant déposés sur des comptes anonymes ou personnalisés. Kadhafi disparu, ce pays n’ayant jamais eu d’Etat au sens proprement dit,  des centaines de milliers, dont 15 000 missiles sol-air étaient dans les entrepôts de l’armée libyenne, puis ont équipé les rebelles au fur et à mesure de leur avancée dont une partie a été accaparée par différents groupes qui opèrent au Sahel, puis par d’autres groupes  terroristes venus d’autres régions. Cependant à la lumière  des derniers attentats en Europe, il y a lieu  d’éviter  des déclarations hâtives de verser dans la xénophobie qui alimente le discours des extrêmes, car  l’Islam autant que toutes les grandes régions monothéistes  le judaïsme, le christianisme sont des religions qui prêchent la paix et la tolérance. Ce qui se passe actuellement ne saurait en aucune manière refléter les idéaux de l’Islam. Aussi, Daech », organisation fondamentaliste ne saurait donc référer les idéaux de l’Islam  profilant tant d’une crise tant morale  au niveau de certains dirigeants que de l’accroissement de la misère tant en Occident qu’en Orient. C’est que  la résolution de ce mal implique de s’attaquer à l’essence (un co-développement) et non aux apparences comme le montre une étude du Forum économique mondial – WEF- du 14 novembre 2013 qui révèle que fortement secoués depuis deux ans par des crises politiques à répétition, les pays d’Afrique du Nord, sont à l’aube d’une crise majeure et sont une source d’inquiétude, ces pays traversant une crise morale du fait du manque de valeurs au niveau du leadership. Le fossé entre les riches et les pauvres devient de plus en plus grand et tandis que l’écart de revenus renforce les inégalités en matière de richesse, l’éducation, la santé et la mobilité sociale sont toutes menacées. L’étude met en garde contre les conséquences pernicieuses du chômage : «une génération qui commence sa carrière dans un désespoir complet sera plus enclin aux politiques populistes alors que l’ampleur de la récession mondiale et le rythme du rétablissement ont laissé des cicatrices profondes, spécialement parmi la jeunesse».  Le rapport considère «qu’il y a maintenant un consensus croissant selon lequel la région (Mena, Proche-Orient et Afrique du Nord) est à l’orée d’une période d’incertitude croissance, aux racines ancrées dans la polarisation de la société.  [email protected] 

 (1)-Mokhefi Mansouria et Antil Alain – CNRS/Alpha (27/12/2012) «Le Maghreb et son Sud : vers des liens renouvelés» –(2) -Une importante étude sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul est parue en  décembre 2013 à l’Institut français des Relations Internationales- IFRI- (8ème think tank mondial) sur le thème «Le Maghreb face à la sphère informelle» en cinq chapitres – La situation des économies maghrébines – Problématique de la définition de la sphère informelle (liens entre bureaucratie et l’informel) – Le poids de la sphère informelle dans les pays du Maghreb- Les effets indirects du secteur informel (corruption- travail des enfants – drogue) et enfin comment intégrer la sphère informelle au sein de la sphère réelle.-3- Voir également notre étude publiée par l’Institut français des Relations Internationales (IFRI) La coopération Europe/Maghreb face aux mutations géostratégiques mondiales- chapitre III le Maghreb et la sécurité euro-méditerranéenne, avril 2011 (70 pages Paris France). -4– Deux importants ouvrages coordonnés par le professeur Abderrahmane Mebtoul et le Dr Camille Sari (de la Sorbonne) sont parus en juillet 2004 à Paris Edition Harmattan  – tome 1-traitant des institutions et de la gouvernance (480 pages) et le tome 2 des volets économiques sous différents aspects (500 pages) regroupant pour la première fois -36 experts et professeurs d’université algériens- marocains- tunisiens- mauritaniens et libyens- européens. -5- En partenariat avec le Ministère des Affaires Etrangères, la Direction Générale de la Mondialisation, du Développement et des Partenariats et l’Agence Française du Développement la revue internationale «Passages» a organisé le mercredi 4 décembre 2013 à Paris une rencontre sur «l’Afrique» en marge de la conférence organisée par la France du Sommet France-Afrique qui s’est tenue les 6 et 7 décembre à Paris. Ont Participé le professeur Emile H. Malet, Directeur de la revue Passages et de l’association ADAPes, Edmond Alphandery, ancien Ministre de l’Economie, Philippe Douste-Blazy, ancien ministre Président de l’organisation internationale UNITAID, LaoukissamFeckoua, ancien Ministre du plan du Tchad -Gunnar Lund , ambassadeur de Suède en France et Abderrahmane Mebtoul, Professeur des Universités, Expert international -Algérie. 

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