Akli Moussouni, ingénieur en agronomie, terres agricoles : « Le populisme l’emporte sur l’intérêt du pays »

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« Le déclassement des terres en Algérie ont été opérées par des commissions locales incompétentes sous la houlette des Walis, en conformité avec des réglementations insensées », affirme  Akli Moussouni, ingénieur en agronomie, qui considère que « le populisme l’emporte sur l’intérêt du pays en tant que nation », suite à la décision récente du gouvernement de déclasser 11 terres agricoles pour en faire des zones industrielles. Pour lui, « la sous-traitance doit assurer l’essentiel d’une industrie quelle qu’en soit la nature et non l’inverse ».

Propos recueillis par Fella Midjek

L’express DZ : Dans quel état est l’agriculture en Algérie?

Akli Moussouni : L’agriculture algérienne est figée dans son sous-développement du fait qu’elle constitue un fardeau pour le trésor public au lieu d’une opportunité économique et un outil de souveraineté. Ses rendements n’ont pas évolué, pire que cela, l’Algérie, pour nourrir sa population elle a eu recours aux recettes pétrolières pour couvrir l’essentiel de ses besoins alimentaires pour plus de 70 %. Même pour les productions dites « nationales », les intrants sont importés dans leur intégralité (voir le cas des viandes blanches). Pour avoir toujours été parmi les 1ers clients du marché international pour le lait, les céréales, le sucre, les matières grasses végétales, les légumes secs…etc., l’agriculture algérienne incarne le sous développement économique du pays, en entraînant dans sa défaillance le secteur de l’agro-alimentaire dans son incapacité à l’approvisionner. Ce secteur dépend à son tour des importations de la matière première en particulier. Au-delà de cette dépendance, ce secteur ne permet pas au pays d’acquérir une place à l’international dans les conditions actuelles de son fonctionnement.

L’express DZ : A-t-on vraiment une Agriculture qui permet de faire de ce secteur une alternative aux hydrocarbures? 

Akli Moussouni : Pour  s’impliquer dans la diversification de l’économie, l’agriculture algérienne doit subir non pas des « réformes » telles qu’engagées à travers une péripétie de manipulation du législatif autour du foncier. Cependant, une recomposition totale de ce secteur pour des objectifs économiques précis, en l’occurrence la sécurité alimentaire en priorité. Cette démarche ne peut intervenir qu’à travers la construction d’un marché formel et normalisé sans lequel on ne peut concevoir une  planification pour sauvegarder les terres et les ressources hydriques. Mais aussi l’ensemble de ces mécanismes ne peuvent fonctionner à leur tour que sur la base d’une nouvelle organisation des intervenants directs sur terrain accompagnés par le potentiel de savoir-faire. Bref, il serait utopique d’espérer une évolution de la situation de ce secteur avec des réformettes populistes qui ne s’inscrivent dans aucune logique du développement tel que nous le connaissons.     

L’express DZ : Dans la conjoncture actuelle, est-il conseillé de déclasser des terres agricoles pour en faire des zones industrielles en absence de production réelle dans ce secteur?

Akli Moussouni : Le sol et la terre sont les deux moyens d’existence qu’on ne doit jamais prendre à la légère comme ça se fait dans notre pays. A titre de comparaison, aux Pays Bas, s’accaparer d’un mètre carré de terre agricole (publique ou privée) pour une construction illicite, son auteur est pénalisé pour l’équivalent de 30 millions de Dinars. Ici, des constructions (privées ou publiques) sur des terres agricoles sont visibles à travers le pays. Un drame qu’aucun autre pays au monde n’a subi en dehors de Tahiti qui a détruit 80 % de ses forêts pour devenir le plus pauvre au monde. Le déclassement des terres en Algérie ont été opérées par des commissions locales incompétentes sous la houlette des Walis, en conformité avec des réglementations insensées. La notion d’Etat et le devenir des générations ont été totalement évacués, surtout par rapport aux projets de logements sociaux. Ce qui prouve que le populisme l’emporte sur l’intérêt du pays en tant que nation.    

L’express DZ : Quelles conséquences pour l’agriculture et le pays peut avoir cette décision de déclasser 11 terres agricoles pour en faire des zones industrielles? 

Akli Moussouni : Curieusement, l’avènement de la chute des recettes pétrolières n’a pas fait évoluer les esprits. Les mesures destinées à réduire les importations ne font que compliquer la situation des couches sociales les plus défavorisées, sachant qu’elles vivent essentiellement d’emplois précaires, des commandes précaires de l’Etat. Dégager de nouvelles zones industrielles après avoir dilapidé 3 générations de ces zones est une autre tentative irréfléchie du modèle « clé en main » où l’artisan algérien n’a jamais été organisé pour s’impliquer comme dans  la construction mécanique ou autre. A titre d’information, pour produire un tracteur agricole, on a fait appel à des centaines de tourneurs, d’électriciens, de soudeurs….etc. La sous-traitance doit assurer l’essentiel d’une industrie quelle qu’en soit la nature et non l’inverse.

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