Les vérités sur le montage de véhicules en Algérie

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La tenue des premières Journées techniques sur la sous-traitance véhicules nous pousse à s’interroger sur le devenir de l’industrie automobile en Algérie. En fait, jusqu’à présent, on ne peut parler d’industrie automobile car les investissements qui se concrétisent dans le secteur ne concernent que le montage. Cet engouement pour l’investissement aurait dû être provoqué il y a quelques années en arrière dans un marché important, malheureusement tout le monde était focalisé sur l’importation et la vente. Maintenant que c’est devenu une condition réglementaire à respecter, les concessionnaires n’ont plus le choix surtout ceux qui n’ont pas bénéficié ou qui ont eu un  quota dérisoire, voir même insignifiant.

La dernière liste approuvée par le gouvernement en ce qui est des véhicules légers, cinq entreprises ont été retenues. Il s’agit de SPA SOVAC (Volkswagen, Seat…), Sarl Tahkout (Hyundai), Renault Algérie Production (RAP), GM Gloviz (Kia) et PSA Peugeot.

Mais la question qui s’impose est de savoir est-ce que certains concessionnaires ont réellement les capacités de réussir cet investissement ?

 Pour certains experts, ce n’est pas encore le cas dans un système complexe où chaque partie cherche à s’installer sur le bon axe de développement. Si on prend l’exemple de Tahkout ou Kia, d’abord aller vers la fabrication de véhicules, cela devrait être un choix obéissant à une stratégie industrielle qui se devait de mettre tous les atouts de la réussite. Est-ce que ces deux concessionnaires ont l’ingénierie nécessaire pour mener à bien l’investissement du montage de véhicules ?

Le gouvernement a-t-il cédé à des pressions « politico-claniques » pour donner son aval à certains hommes d’affaire qui ont pris part à toutes les affaires juteuses de ce pays ?  

 « Le montage de véhicule ce n’est pas seulement de ramener des pièces et les remonter. Ça demande une ingénierie, des capacités technologiques énormes pour le réussir. L’industrie automobile ce ne sont pas seulement les concessionnaires qui peuvent la réussir, mais demandent l’intégration de plusieurs partenaires comme les sous-traitants », nous déclare à ce sujet l’expert en économie Mbarek Malek Serrai.


Plus d’infos: Politique industrielle : Les mises en garde du professeur Abderrahmane Mebtoul


« Est-ce que ces concessionnaires sont capables de formuler des prototypes de pièces détachées ? », s’interroge M Serrai.  

Le consultant dans le domaine automobile, Mohammed Yaddadene, pense quant à lui, qu’il y aura des concessionnaires qui ne pourront pas réussir la totalité des projets en voulant en faire trop. Pour lui, c’est un choix complexe qu’il faut suivre afin de respecter les engagements pris en souscrivant au cahier des charges régissant cette activité. « Dans le contexte actuel, avec les projets en SKD et CKD les opérateurs se bousculent mais dans trois à cinq années le décompte se fera et il ne restera  que les industriels professionnels qui devront comprendre et assimiler le transfert de technologie en arrivant à voir des rouleaux de tôle en début de chaîne sortir en fin de processus de production sous la forme d’organes à monter pour donner naissance à des automobiles réellement fabriquées et intégrées localement ce qui va être complexe à atteindre si on n’a pas une stratégie de développement et cet optique d’un esprit industriel chez les opérateurs », nous dira-t-il.

En poursuivant « l’activité automobile est un métier de professionnels, aujourd’hui que les cartes sont entre les mains de certains opérateurs qui n’ont pas un vécu industriel, ni même commercial pour certain, on peut dire que la balle est dans leur camps et chacun doit assumer ses engagements ».

Autant d’inquiétude de la part des experts qui pousse à remettre en cause plusieurs questions liées aux capacités des concessionnaires à se lancer dans ce créneau, pour peu qu’ils obéissent aux conditions du cahier des charges.

Autre problématique qui fait débat, celle du prix du véhicule fabriqué localement qui coûte cher et qui est vendu plus cher que les véhicules importés.

La preuve à ce, jour en dépit de tous les avantages dont bénéficient les opérateurs (des assiettes foncières au dinar symboliques, des crédits bancaires sans limite et autres avantages…) qui se sont lancés dans le montage, les prix restent relativement élevés dans tous les segments de produits.

« Des modèles importés qui se vendaient à moins de 900 000 DA  ont atteint des niveaux record en étant montés localement, ce qui est surprenant tout en sachant que la facture des importations des intrants en ckd et skd va continuer à évoluer », déplore MYaddadene.

 Les pouvoirs publics ont commencé à s’intéresser aux prix pratiqués, mais dans quelle mesure ils pourront les contrôler ? s’interroge-t-il. A moins que l’on revienne aux anciennes pratiques « des prix administrés » dans un marché ouvert où on sait que c’est la loi de l’offre et de la demande qui prime. « Je ne sais pas si les opérateurs accepteront de déposer les fiches de détermination des prix avec les structures de coûts en sachant qu’il y a des informations stratégiques qu’on ne peut divulguer », continue MYaddadene.

M Serrai est plutôt optimiste dans ce sens. il pense que graduellement ces unités de montage vont accélérer la cadence, et avec un cumule d’expérience, il vont baisser les prix d’ici quatre à cinq ans. Mais d’ici là, qui prouve que les véhicules vont être vendus alors que le pouvoir d’achat des citoyens ne cesse de dégringoler.

De son côté M Yaddadene, estime qu’à terme le marché connaîtra des changements selon les volumes qui seront montés. Dans cette perspective l’ouverture vers l’exportation sera déterminante, selon lui, dans la mesure où chaque opérateur aura ciblé des marchés en sachant que chez nous, si la sous-traitance contribuera à un haut niveau d’intégration et arrivera à suivre le rythme des implantations et avec une offre se situant entre 450 000 et 550 000 unités on commencera à ressentir ce besoin de se tourner vers l’export.

Des dispositions sont prises à titre d’exemple lors du regroupement de ces derniers jours à l’hôtel Aurassi sur  l’industrie de la sous-traitance. « Nous espérons une large adhésion des opérateurs concernés et des marques automobiles qui doivent aussi motiver leurs équipementiers à les accompagner dans ces projets », précisera M Yaddadene ajoutant que les opérateurs locaux intéressés par cette filière doivent investir d’avantage pour arriver d’abord à la certification aux normes afin d’être homologués par les marques automobiles concernées… Il s’agira de veiller sur la création d’un environnement et d’un climat favorable aux IDE en relation avec  les opérateurs locaux.

 « Avoir une stratégie de développement industriel, assainir le climat des affaires, Permettre aux vrais professionnels d’investir sans embauches… Pour arriver à exploiter tout le potentiel du pays », conclura M Yaddadene.

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