L’urgence d’une rationalisation des dépenses par la lutte contre les surcoûts et la corruption

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Malgré un froid inégalé à travers le monde, le cours du pétrole naviguant au gré des stocks américains et du cours du dollar, a été coté le  01 mars 2018 à 64,11 dollars le Brent et 61,23 dollars le Wit, et le gaz naturel sur le marché libre  à 2,70 dollars le MBTU  contre 3,5 dollars le 01  janvier  2018, sachant que 33% des Recettes de Sonatrach  provenant du gaz.

Pour faire face à l’actuelle  situation de tensions budgétaires conséquence  d’un cours relativement bas du pétrole, fonction  de la nouvelle configuration des mutations énergétiques mondiales, le gouvernement doit résoudre cette difficile équation:  une allocation ciblée  des  ressources financières,  une rationalisation des dépenses et ne pas  porter préjudice aux couches les plus défavorisées.

Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane MEBTOUL (ademmebtoul@gmail.com)

1. Le monde devrait connaitre un profond bouleversement de son modèle de consommation énergétique entre 2018/2030  avec des incidences géostratégiques. Quelles sont donc les déterminants futurs du prix du pétrole/gaz ? Premièrement, l’élément central de la détermination du prix du pétrole entre 2018/2020/2025 est la croissance de l’économie mondiale. Entre 2020/2030, aucun expert ne peut prévoir au delà, du fait des importantes nouvelles mutations. Mais le plus inquiétant, c’est le prix de cession du  gaz traditionnel représentant un tiers des recettes de Sonatrach  avec une prévision de 50% en 2020/2025. Or les investissements sont lourds, à maturation lente  et nous assistons à l’entrée de nouveaux producteurs et à l’extension du marché spot ,la majorité des contrats à moyen  et long terme expirant pour l’Algérie entre 2018/2020. Or, selon le FMI, le gaz a atteint son  cours le plus bas en douze ans en raison, certes, de  la chute des cours du pétrole, mais également  par la vigueur de l’offre russe en gaz naturel et par l’affaiblissement de la demande asiatique. Deuxièmement, du côté de l’offre, nous assistons à une hausse plus rapide que prévu de la production de pétrole (non conventionnel) des USA qui bouleverse toute la carte énergique mondiale. Ils sont passés de 5 millions de barils/jour de pétrole à un niveau fluctuant entre  8,5  et 9,5 millions de barils jour  entre 2014/2017. L’AIE prévoit que la production américaine dépassera celle de l’Arabie Saoudite en 2018. Troisièmement, les rivalités au niveau de l’OPEP, encore qu’il y a lieu de souligner le respect relatif  des   membres  des quotas, mais devant tenir compte à l’aveneir de la rivalité Iran-Arabie Saoudite (de dernier plus de 33% de la production OPEP). L’Arabie Saoudite est le seul pays producteur au monde actuellement qui est en mesure de peser sur l’offre mondiale, et donc sur les prix, Aussi, la détermination du prix du pétrole plancher , (le prix du gaz lui étant indexé) dépendra d’une entente entre , l’Arabie Saoudite et les USA, L’Arabie Saoudite et la Russie  et l’Arabie Saoudite et l’Iran.

2. Quelles perspectives futures du cours  du pétrole à votre avis ? Des rapports internationaux   notent   que les  énergies renouvelables représenteront  entre 2017/2020/2025  plus de 30% de la capacité totale de production électrique installée dans le monde et 23% de la production totale d’électricité. Le  financement des EnR est d’environ  286 milliards de dollars en 2015 représentant  154 GW de nouvelles capacités, dépassant de loin l’investissement dans la production conventionnelle (+97 GW). Ainsi ces  rapports mettent  en  relief trois facteurs essentiels : premièrement, la définition de règles du marché assurant un système d’énergie durable en accord avec les objectifs du trilemme , y compris les règlementations clairement définies en matière d’émission de CO2;  deuxièmement, l’instauration des marchés de capacité pouvant permettre d’assurer la sécurité en termes d’approvisionnement en complément de marchés basés uniquement sur les énergies qui se révèlent souvent insuffisants pour garantir un approvisionnement fiable ; troisièmement,  le développement plus poussé des méthodologies en matière de prévisions météorologiques pour garantir une meilleure fiabilité et faire rapidement face à la variabilité du vent et du soleil. Quant aux  perspectives pour le marché pétrolier, elles sont aléatoires. Aussi,   le monde est à l’aube d’une nouvelle révolution industrielle qui modifiera les rapports de force au niveau mondial et  une recomposition du pouvoir énergétique mondial. Deux pays qui ont pourtant les plus importantes réserves, la Russie  qui a investi dans les nanotechnologies et l’Arabie Saoudite qui a prévu plusieurs centaines de milliards de dollars d‘investissement pour préparer l’après pétrole. Car si le monde   est passé de l’ère du charbon à l’ère du pétrole,  cela ne signifiait  pas  que n’existait plus de réserves de charbon ( 200 ans de réserves contre 40/50 ans pour le pétrole),  mais que des  nouvelles  technologies  ont été mis en place renvoyant toujours au fondement du développement l’économie de la connaissance. Les réserves sont fonction du   vecteur prix international coût, pouvant découvrir des milliers de gisements non rentables au vu des mutations énergétiques mondiales. Aussi c’est une  erreur stratégique de raisonner sur un modèle de consommation énergétique linéaire, en misant  sur la rigidité de l’offre, qui provoquerait à moyen terme, faute d’investissement,  une montée inexorable des prix vers des sommets, 100, voire  150/200 dollars le baril.

3. C’est que l’analyse des nouvelles mutations énergétiques va à  contre-pied de tous ces raisonnements mécaniques qui sont démenties par la dure réalité économique. Les pays de  l’OPEP représentant 33% de la production commercialisée mondiale, 67% se faisant hors OPEP, ne doivent plus vivre de l’illusion de la rente éternelle,  cohabitant avec d’autres acteurs  et ne pouvant jouer un rôle déterminant comme dans les années 1974. Aussi, attention à l’euphorie et aux faux calculs. Même avec une augmentation de 10  dollars en moyenne ,fluctuant actuellement  entre 60/65 dollars, (la loi de finances algérienne l’établissant à 50 dollars), en moyenne annuelle, cela  donne un gain net pour un pays comme l’Algérie de seulement 5/6 milliards de dollars contre 50/60 milliards de dollars pour la Russie et l’Arabie Saoudite (dix fois plus de production). Comme il ne faut pas exclure, la  perte  financière du fait de la diminution des quotas, pouvant perdre des parts de marché en cas de dynamisation du pétrole-gaz de schiste américain dont les petits gisements deviennent rentables au-delà de 60 dollars, les grands gisements étant rentables entre 30/40 dollars, les gisements moyens entre 40/50 dollar.. Imaginons, en cas de crise ou de croissance faible de l’économie mondiale,  que la diminution de la quantité OPEP  n’entraine pas une baisse substantielle des prix et que  les pays hors OPEP accaparent  des parts de marché. D’où la difficile équation à résoudre, d’autant plus que les USA un des plus grand producteur ont  joué sur la réduction substantielle de couts de production où nous avons assisté du fait de nouvelles technologies à une réduction des couts entre 2009/20147 entre 30/40%  étant devenu exportateur net. Les observateurs s’accordent à ce que le prix futur dépendra de trois facteurs : premièrement, d’une entente entre pays consommateurs et producteurs ; deuxièmement, par une entente pays OPEP non OPEP et  troisièmement, du nouveau Mix énergétique.

4. Tout accroissement des dépenses en  rapport aux recettes prévues  accroîtra le déficit budgétaire avec un impact inflationniste qui joue le rôle de vecteur de concentration  des revenus au profit d’une minorité spéculative, surtout en Algérie avec la dominance de la sphère informelle. Il faudra distinguer la part des dépenses en dinars (solutions internes) de la part en devises et distinguer les actions conjoncturelles. Les actions structurelles  sont la seule réponse appropriée aux défis futurs du pays.  L’on devra tenir compte qu’ au rythme des exportations projetées et de la forte consommation intérieure (à horizon 2030, la population atteindra 50 millions d’habitants), l’Algérie tendra vers l’épuisement du pétrole /gaz traditionnel .  Prenons  l’hypothèse d’une stabilisation des couts qui s’accroissent avec l’épuisement des gisements,  d’où l’importance d’un nouveau management stratégique de Sonatrach  pour les stabiliser  et pourquoi pas les réduire, nous pouvons émettre plusieurs scénarios. Pour  60 dollars les recettes prévues seraient d’environ  34 milliards de dollars. L’on doit retirer 20% des charges ce qui nous donne 27 milliards de dollars de profit net en précisant que la baisse d’un dollar en moyenne annuelle occasionnant une perte pour l’Algérie d’environ500/ 600 milliards de dollars. A 50 dollars, le baril, , en retirant les charges , nous aurons un profit net de Sonatrach de 21 milliards de dollars  et à 40 dollars, le baril donne un profit net de Sonatrach de 15 milliards de dollars, à   30 dollars, le baril donne un profit net de Sonatrach de 9 milliards de dollars et à  20 dollars, le baril donne un profit net de Sonatrach de 3 milliards de dollars  nous rapprochant du seuil presque au seuil de rentabilité pour les gisements moyens

5. Comment dès lors mobiliser les ressources financières suivant ces différents scénarios face aux tensions budgétaires et sociales ? Sans la  réforme des systèmes financier, douanier, fiscal et domanial, secteurs qui vivent encore à l’ère des années 1970, enjeux de pouvoir, segments stratégiques considérée à juste titre, comme l’indice le plus probant de la volonté politique des Etats d’ouvrir ou non l’économie nationale à la libre entreprise,  aucun développement durable n’est possible.  L’importance pour l’Algérie est d’aller vers plus de rigueur budgétaire mais pas d’une manière aveugle, devant concilier l’efficacité économique et une profonde justice sociale, d’où l’importance d’un Etat régulateur conciliant les coûts sociaux et les coûts privés  et libérant les énergies créatrices. Face  au déficit du trésor  entre   2018/2020, il y a urgence donc d’aller vers une allocation ciblée  des  ressources financières  et une rationalisation des dépenses (économies de gestion)  tant pour la partie devises que dinars, supposant de lutter contre les surcoûts et la corruption. Il faut aussi accroître la fiscalité ordinaire pour la  sphère réelle pour les  ménages toutes   et les entreprises,  l’impôt direct étant le signe d’une plus grande citoyenneté, la facilité pour tout gouvernement étant  l’accroissement de l’impôt indirect injuste par  définition), tout en   étant conscient que l’impôt peut tuer l’impôt. Eviter la dérive inflationniste comme au Venezuela,  suppose   une régulation forte conciliant le cadre macro-économique et le cadre macro-social. Et pour éviter le scénario dramatique des impacts de la baisse du cours du pétrole des années 1986, la solution la plus durable  est d’avoir une vision stratégique Car il  ne faut plus se faire d’illusions, un cours de pétrole entre 80/100 dollars  est  improbable rendant urgent, pour l’Algérie, si elle  veut éviter sa marginalisation,  l’émergence d’une économe  diversifiée dans le cadre des valeurs internationales.

6. En résumé, l’Algérie est un grand pays et a toutes les potentialités de relever les nombreux défis, devant éviter à la fois les discours de sinistrose et les discours d’autosatisfaction, car  en ce mois de mars  2018 l’économie est toujours rentière, Sonatrach c’est l’Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach (97/98% directement et indirectement des ressources en devises) . Dans cette conjoncture de tensions budgétaires et sociales s’impose un large front national et le dialogue permanent  regroupant toutes les forces politiques, sociales et économiques. Des intermédiations politiques et sociales crédibles, loin de ces organisations rentières,   entre les citoyens  et l’Etat sont  indispensables  pour trouver des solutions.. Sur le plan interne, du moins à court terme,  l’Algérie contrairement aux discours pessimistes démobilisateurs, connaissant certes une situation difficile, ne traverse pas une crise financière mais une crise de gouvernance, risquant, si l’on n’y prend pas garde, de se transformer en crise financière horizon 2020. Les différents mouvements sociaux que connaît l’Algérie actuellement reflètent une dynamique sociale normale que connaissent maints pays. A ce titre je salue les directives en date du 27 février 2018  de son Excellence Mr le Président de la République, pour le cas des enseignants, d’ouvrir le dialogue entre le Ministère de l’éducation nationale  et les syndicats, les actions  autoritaires des deux cotés, étant une gouvernance  du passé, afin d’éviter des tensions inutiles, en espérant toujours que le dialogue au niveau du  Ministère de la santé pour les résidents , qui sont avant tout nos enfants, trouvera une solution honorable. Car   la solution dernière reste le dialogue, toujours le dialogue productif, sans démagogie,  tenant comte de la situation sécuritaire, économique et sociale du pays.  Méditons ces réflexions pleines de sagesse de John Maynard Keynes grand économiste du XXe siècle pour qui «il vaut mieux que l’homme exerce son despotisme sur son compte en banque personnel que sur celui de ses concitoyen», du grand philosophe Aristote : «le doute est le commencement de la sagesse» et de ce proverbe amazonien «quand on rêve seul, ce n’est qu’un rêve mais quand on rêve tous ensemble, c’est déjà le commencement de la réalité.   [email protected]

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