Hocine Abdellaoui, sociologue et chercheur au Cread : « Les mouvements de protestation sont à analyser dans l’évolution de la dynamique de changement »

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L’express DZ : La situation sociale s’aggrave de jour en jour et le début de cette année 2018 s’annonce difficile. Il y a d’abord les gens qui commencent à bouger contre la hausse des prix. Que pensez-vous de cette situation?

Hocine Abdellaoui : Les données de l’observation de l’évolution de la situation  laissent à penser que la tendance va  vers une explosion sociale  de grande envergure , non seulement à cause  des  effets de la politique mise en œuvre cette année , mais aussi parce que les cause de cette explosion ont germé au cours de ces dernières années  pour devenir  cette année ou au cours des deux prochaines années  pour créer le climat  d’un changement sans précédent. La situation peut décrite en disant que les facteurs conjoncturels de chaque année renforce et consolide une dynamique  en construction de changement  profond de la société algérienne  qui risquerait de déboucher  soit sur un état de chaos ou sur une nouvelle situation de reconstruction sociétale.  Si non comment expliquer que  chaque nouvelle année apporte avec elle son lot d’interrogations et d’inquiétudes,  les unes aussi graves et profondes que les autres  et toutes sont annonciatrices d’une explosion  inévitable , mais chaque fin d’année se termine non pas par le changement tant attendu mais par l’annonce de nouvelles mesures  de politique publique comportant en elles les facteurs d’une exposition qui n’a pas eu lieu  et que tout laisse à penser qu’elle  sera effective   tout au long de l’année en cours .

L’explication de ce constat paradoxal  est à rechercher dans l’imbrication de deux données, la première  se rapporte  à la personnalité de l’Algérien  qui pour des raisons culturelles provenant de sa structure mentale, n’a pas pu  accumuler au cours de son histoire  un capital de planification de sa vie  et tend de ce fait à  s’adapter aux nouvelles situations dans leurs expressions immédiates,  la constitution d’un épargne dans les conditions de l’amélioration des recettes et l’application de la politique rentière  renforce sa capacité  à s’adapter ce qui explique que tout le pousse à se révolter mais que bout de compte la situation finit comme elle a débuté .

Quant à la deuxième catégorie de données explicatives de ce constat paradoxal, elle laisse apparaitre la capacité du pouvoir politique algérien  à gérer des situations les unes aussi graves que les autres et toutes sont annonciatrices de changement inévitable. Tout laisse à penser que la force du pouvoir est sa gestion des crises  au point de croire due quelque  part il est à la fois l’objet de la crise et aussi son instigateur. Les crises ne détruisent pas le pouvoir mais le renforcent davantage en lui donnant  l’opportunité de réaffirmer sa légitimité en tant que force  de gestion d’une situation géostratégique en comportant de risques réelles de déstabilisation de la sécurité interne  du pays  par la mise en évidence des menaces de l’extérieur , la main de l’étranger, et par la justification d’une politique économique destinée à lui donner les moyens et les ressources  pour  gérer d’éventuelles  situations incontrôlables et moins à construire une économie compétitive .

Il y a aussi les grèves qui s’annoncent dans le secteur de l’éducation, et celle des médecins résidents qui a alimenté l’actualité de ces derniers jours. Pourquoi est-on arrivé à cette situation?

Les mouvements de protestation qui s’annoncent  sont à analyser dans l’évolution de la dynamique  de changement structurel  décrite  et leur évolution  et de leur effets d’amplification dépendront de la capacité du pouvoir à appliquer son mode de  gestion  des crises : tester les capacités de nuisance  mouvements et intervenir au moment opportun pour empêcher leur transformation en mouvements sociaux en mobilisant le réservoir de ressources accumulées par l’application d’une politique économique  pragmatique destinée à renforcer la capacité d’une gestion politique des crises et non à construire l’avenir .

Quelles conséquences sur le climat social et quelles solutions adopter pour calmer les choses?

Cette année sera-t-elle comme les précédentes, c’est-à-dire annonciatrices d’un changement qui ne se produira pas ?  Ou  comporte-elle des risques réels  d’un processus de restructuration sociétale  entretenu par une dynamique  de changement   qui sera effectif dans le temps et non dans le conjoncturel. Tout dépendra de l’évolution de deux tendances ; la première se rapporte aux opportunités d’entretenir les ressources rentières de la gestion des crises , si l’augmentation enregistrée du prix du pétrole vannait à se confirmer au cours de la présente année , les risques d’explosion  disparaitront de l’horizon immédiat, dans le cas contraire ces risques  se renfonceront. Les événements observés au cours des derniers mois comportent autant de risques  d’explosion que de facteurs de stabilisation  au sommet de l’Etat.

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